
Leveaux : "Lacourt ? Je n'ai jamais donné son nom"

Amaury Leveaux - AFP
Sur la décision d’écrire ce livre
« Personne ne m’a forcé à écrire ça. En France, on en a parlé cette année avec la tragédie de Charlie Hebdo, il y a la liberté d’expression. J’ai quand même le droit de dire ce que je veux ! Ça viendrait d’une frustration ? Mais quelle frustration ? A la base, j’avais écrit une bio classique avec deux-trois anecdotes du livre sans les pousser. En relisant le manuscrit, je trouvais qu’il manquait quelque chose. Ce n’était pas punchy, ça faisait bio gnangnan que tu as l’habitude de lire. Ensuite, j’ai rencontré les personnes de grosses sociétés qui m’ont dit que mon image était différente de celle véhiculée dans les médias. Et qui m’ont demandé : ‘‘Et les autres alors ? Ils sont encore mieux que la façon dont on les décrit dans la presse ?’’ Balancer les noms ? Mais c’est déjà fait par les autres ! Par exemple, dans la presse, je vois celui de Camille Lacourt partout. Mais à aucun moment je n’ai donné son nom ! »
Sur sa volonté de venir à Marseille après les JO de Londres
« Pendant les Jeux, j’ai parlé avec Fabien Gilot et je lui ai dit que j’avais envie de venir. J’en avais marre de nager beaucoup de kilomètres et j’avais envie de découvrir la méthode de Romain Barnier, où tu nages moins. Evidemment, je n’aime pas tous les nageurs. Mais c’est réciproque. On a le droit de ne pas aimer quelqu’un ou de ne pas se faire aimer. Mais je n’ai pas appelé pendant toutes les vacances. Mon agent était en contact avec eux mais ce n’était pas moi qui gérais ça. On avait rendez-vous avec Romain Barnier et ses dirigeants le matin d’un match de Toulon où on allait voir Maxime Mermoz. Mon agent n’a pas eu de nouvelles et il a essayé de les relancer car il ne se passait rien. Je ne les ai pas contactés tous les jours. Après, j’ai pris mon mal en patience et j’ai attendu. Mais oui, j’avais envie d’aller là-bas. Le cadre est paisible, c’est une très belle ville et chaque nageur pris individuellement est bien. En petits groupes, ça passe. Mais dès qu’ils sont en meute, tu passes un peu pour une merde. »
Sur les nageurs marseillais
« Ces nageurs, je l’ai dit à beaucoup de monde, tu les prends un par un, ce sont les plus adorables du monde. Tu rigoles avec eux et tu peux parler de tout. Dès qu’ils sont en meute, un peu à la manière des loups, ils méprisent tout le monde. Ça devient dingue. Le truc de la belle image, ça rend fou. J’ai entendu : ‘‘Il est aigri, le mec n’a pas un cinquième du palmarès de truc’’. Mais je m’en fous du palmarès. Qu’est-ce que je gagne à être aigri ? J’ai vécu mon histoire, j’ai fait plein de podiums individuels ou avec eux. Souvent avec eux ? Oui. On se doit tous des trucs qu’on a faits ensemble. »
Sur la réaction de Lucien Gastaldello, vice-président honoraire de la FFN
« La personne qui parle n’a pas lu le livre mais cinq phrases sorties dans le JDD qui ont permis aux médias de faire leur sauce. Je ne connais pas cette personne. Je ne l’ai jamais vu. Ils m’ont fait un prêt ? Mais un prêt de quoi ? J’ai découvert ça tout à l’heure. Il dit que je crache dans la soupe et que je mords la main qui m’a nourri. Mais ce n’est pas lui qui était tous les matins dans l’eau, qui se levait à six heures tous les jours pour nager… Des avis de tiers détenteur ? Que la Fédération française de natation me fasse un mail ou m’envoie un courrier. Est-ce que je dois de l’argent à la Fédération ? Non. Moi, quand je paye pour quelqu’un, je lui dis que je l’ai fait et je le contacte après. Enfin, je ne sais pas… »
Sur la Fédération française de natation, repaire de dinosaures
« Tous les sportifs ne sont que de passage. Dans la natation, on voit parfois plus de dirigeants, de cravates, que de nageurs. J’ai lu certaines de ces personnes dire qu’ils mangeaient dans les mêmes restaurants, qu’ils étaient aux mêmes endroits et qu’ils n’avaient jamais vu passer de cocaïne. Mais tu n’as rien vu car tu n’étais jamais avec nous ! Les seules personnes avec qui on était à l’hôtel étaient le DTN, le chef de délégation, quand il ne mange pas avec les officiels de différents pays, les coaches et les kinés. Tous les sports sont comme ça, oui, mais je parle de celui que je connais. Quand je parle de dinosaures, je ne parle pas du président ou de gens précis mais du fonctionnement de la Fédération. C’est à l’ancienne. On entend toujours parler de la relève mais ils sont restés sur notre génération, qui est exceptionnelle et encore en course au moins jusqu’à 2016, et derrière c’est le flou. On entend des coaches français parler d’un ou deux nageurs qui vont sortir. Mais là, c’était une génération exceptionnelle ! Quand j’ai arrêté et que j’ai rencontré le président de la Fédération, avec qui ça s’était bien passé, je lui avais dit que j’aimerais bien apporter mon expérience à des juniors ou d’autres jeunes. Il m’a dit qu’il me donnerait des nouvelles. Je n’en ai jamais eu. La Fédération a un vivier énorme mais ils ne s’en servent pas trop. Et quand ils mettent quelqu’un pour représenter la Fédération, c’est quelqu’un qui a déjà eu un problème avec le dopage… »
Sur la nageuse russe et la testostérone
« Quand j’arrive dans le groupe de Philippe, dans l’année qui a suivi, elle venait à Paris pour nager et de temps en temps, elle repartait en Russie pour faire un stage. Dans la discussion, elle m’explique qu’elle est obligée d’aller là-bas. On rigolait à chaque fois entre nous, car les nageurs se taquinent tout le temps, et je me moquais d’elle en lui disant qu’elle avait des boutons dans le dos comme un mec. Et elle explique à tout le groupe qu’en fait, quand ils partent là-bas, on leur fait des piqûres de testostérone. »
Sur les problèmes de dopage et Cesar Cielo
« Quand Cesar Cielo s’est déplacé pour son jugement, la veille d’une compétition, il savait qu’il ne serait pas sanctionné. C’était sûr. A chaque fois qu’il a fait un podium international, pourquoi a-t-il été sifflé ? Parce qu’il n’a pas une belle mèche ? Cela n’a pas été prouvé mais tout le monde le sait. Ce qui m’a énervé, c’est d’entendre qu’il avait dit avoir mangé de la viande. C’est l’excuse à deux balles que tu entends dans tous les sports et qui fait rire… Moi, je te présente un boucher, la viande va être clean. Ce n’est pas plus difficile que ça. »
Ecrire des anecdotes sur « le beau gosse de la natation », est-ce du courage ?
« Vous voulez que je ruine sa vie ? Je n’ai pas donné plus de précisions. C’est « un beau gosse de l’équipe de France ». Récemment, un nageur de l’équipe de France a dit : ‘‘On est tous beaux gosses…’’ »
Le nageur qui lui demande d’aller lui acheter de la cocaïne aux championnats d'Europe de Budapest en 2010
« Je ne nageais que les premiers jours. C’était mes débuts avec Philippe (Lucas, ndlr). J’avais fini ma compétition et je m’ennuyais. Il y avait un festival pop-rock-électro où j’allais. Ce nageur l’a appris et m’a demandé d’aller voir quelqu’un là-bas pour qu’il me donne quelque chose. J’avais compris mais je lu ai demandé ce que c’était et il m’a répondu : ''C’est de la coke''. Je lui ai dit que c’était chaud, qu’il pouvait se faire prendre, mais il m’a répondu que c’était son choix et il m’a dit : ‘‘Si tu as envie de prendre le risque d’y aller, vas-y, sinon ce n’est pas grave’’. Je m’en branlais donc j’y suis allé. J’ai vu le mec avec sa veste à capuche, on s’est dit bonjour en s’échangeant les billets et le truc dans la main et je me suis cassé. Dans le livre, je précise bien qu’il n’a pas pris ça pour cette compétition pour être plus fort. C’était pour la soirée d’après. Tu peux pourtant te faire contrôler un lendemain de compétition. Il m’est déjà arrivé d’avoir le mec qui toquait devant la porte à 6 heures alors qu’on partait à 8 heures. Est-ce que je tapais alors dans la coke ? Non, pas à ce moment-là. Mais ça m’est déjà arrivé, plein de fois. Personne n’est blanc comme neige. Je ne connais pas tous les sports donc je ne parle pas sur eux. Mais oui, dans la natation, il y en a. »
Sur l’absence de noms
« Ce n’est pas du tout un manque de courage. Il fallait raconter tout ça car c’est un système un peu bizarre où tout le monde une belle image. J’ai rencontré beaucoup de chefs d’entreprise après ma carrière, pour des projets ou des concepts que je voulais lancer, et à chaque fois ils me demandaient pourquoi j’avais une certaine image dans les médias alors que ce n’était pas du tout ça. Je sais très bien que je n’ai pas une très bonne image mais je m’en contrefiche. Je n’ai jamais vraiment regardé ce qu’on disait pour moi. Ce qui me gênait, c’était le rendu de mon image par rapport à tout ce qui se passait. J’étais le vilain petit canard alors que c’était tout beau tout rose à côté. Alors je me suis dit que j’allais raconter un peu les coulisses en prenant le lecteur par la main. Ne pas citer les noms n’est pas un manque de courage. Le nageur chouchou du public qui sniffe un rail de coke sur des seins ? J’avais d’abord mis le nom. Mais avec la personne qui m’a aidé à écrire le livre, on est tombé sur un article où un nageur de l’équipe dit : ‘‘On est tous beaux gosses et musclés’’. Je l’ai regardé et j’ai dit : ‘‘Bingo, on va mettre ça au lieu de mettre un nom’’. C’était pour mettre un peu le doute et donner un coup de pied dans la fourmilière. C’est tout. »
Sur la sortie des bonnes feuilles
« Le Journal du dimanche a sorti des extraits. Ça me fait rire car ce journal et ma maison d’édition, Fayard, appartiennent à la même entité, le groupe Lagardère. Le JDD a appelé Fayard pour sortir quatre lignes mais ils ont sorti plus. Ils ont cassé l’embargo. Tout devait commencer ici sur RMC. C’est sorti et tout le monde a repris des noms, tout le monde a dit tout et son contraire. C’est un peu le téléphone arabe. Tout le monde commence à sortir des trucs sans avoir lu le livre et certaines des choses que j’ai lues m’ont fait rire. »
Sur les conséquences de son livre
« Je pense que je n’aurai pas besoin de garde du corps. Et sinon, j’appellerai Vincent Moscato… (Rires.) »
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