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Mondiaux : Comment le petit Manaudou est devenu l’ogre Florent

Florent Manaudou

Florent Manaudou - AFP

Deuxième du 100 m NL et en bronze sur le relais 4x100 m 4 nages, Florent Manaudou a bouclé ce dimanche à Doha de superbes Mondiaux en petit bassin. Avec six médailles, dont trois en or, le nageur de Marseille devient le nageur français le plus médaillé sur une même édition des championnats du monde petit et grand bassin confondus. Anatomie d’un champion à part.

Sur le strict plan individuel, on a trouvé mieux. Chad Le Clos, quatre médailles d’or en solo (200 m NL, 50, 100 et 200 papillon), un record du monde sur 100 pap et un autre pas loin de tomber sur 200 pap. A part le Sud-Africain, impossible de dénicher meilleur bilan que celui de Florent Manaudou à l’issue des Mondiaux en petit bassin de Doha. Avec six médailles, trois en or (relais 4x100 m NL, 50 pm NL et 50 m dos), deux en argent (100 m NL, relais 4x50 m 4 nages), une en bronze (relais 4x100 m 4 nages), le Marseillais a flotté sur cette compétition, pilier d’une équipe de France qui rentre avec huit breloques. Champion olympique presque surprise sur 50 m NL en 2012, le petit frère de Laure n’en finit plus depuis de confirmer son immense talent et de voir son potentiel hors normes le porter vers l’excellence. Mais qu’est-ce qui fait de « Flo » un tel champion ? Explications en quatre points.

La force d’un buffle, la glisse d’un dauphin : le mix parfait

Qu’est-ce qui façonne un nageur d’exception ? Un Florent Manaudou, par exemple ? Partenaires d’entraînement du phénomène à Marseille, Camille Lacourt et Fabien Gilot ont leur petite idée. Le concept du mix parfait. « C’est une force de rugbyman avec un talent de glisse que peu de nageurs ont la chance d’avoir, lance le premier. C’est une fusée. Il a une force de bison. A côté de lui, ses adversaires font adolescents. » Et le second d’appuyer, reprenant l’analogie de l’ovalie : « Il a quelque chose en plus, oui. En natation, on trouve des gens très aquatiques ou des gens très puissants. Pour simplifier un peu, Florent, c’est la force d’un rugbyman avec le côté aquatique des meilleurs nageurs au monde. C’est quelque chose d’inédit qu’on a très rarement vu à très haut niveau. Quand on voit la force qu’il dégage sous l’eau… Sa facilité à être bon dans chaque domaine que nécessite une course de très haut niveau n’est pas donnée à tout le monde. »

A l’entraînement, c’est Flo l’éponge !

Le secret de Polichinelle a depuis longtemps dépassé Marseille. Manaudou ne serait pas le plus travailleur des nageurs à l’entraînement. Le garçon se reposerait-il juste sur son talent rare ? Loin de là. S’il n’est pas partisan de l’effort inutile, le triple champion du monde en petit bassin a su développer une qualité essentielle : à l’entraînement, c’est Flo l’éponge ! « En dos, par exemple, il regarde beaucoup Camille, il retient des choses et ça lui bénéficie, raconte Romain Barnier, leur coach à Marseille. Avec lui, en quelques séances techniques, on peut trouver les bonnes adaptations. » Camille Lacourt confirme : « On l’appelle la fouine car on le voit toujours derrière la ligne en train de nous zieuter. Et si un jour on a besoin d’un détail technique, on peut lui demander aussi, il nous le donnera avec plaisir. Quand je le vois nager 22’’22 sur 50 dos, je sais que ça va aussi m’aider à progresser en grand bassin. Je vais le monopoliser pour apprendre de son départ, de sa première coulée. Et s’il a besoin de technique de nage, je serai là aussi pour l’aider. Le but, c’est qu’on soit tous les deux plus forts. C’est une chance d’avoir un mec comme ça dans son entourage, capable de repousser des limites que personne ne pensait possibles. » Sans oublier sa capacité à pousser la machine si nécessaire. « Il n’aime pas la douleur, explique Fabien Gilot. Tant qu’il n’y a pas besoin de se faire mal, il n’ira pas travailler plus que ça. Mais c’est quelqu’un de très assidu et quand il faut s’y mettre, il est au boulot. »

Plusieurs nages, un champion : le Phelps « à la française »

Un titre individuel en crawl, sur 50 m. Un autre en dos, toujours sur 50. A Doha, comme aux « France » petit bassin où il avait remporté les 50 mètres sur… toutes les nages, Manaudou a encore prouvé sa capacité à incorporer le mot diversité dans son programme. « Il avait déjà commencé à faire des choses extraordinaires mais il était très souvent mis dans une catégorie un peu en-dessous, se souvient Barnier. Là, il a marqué les esprits, capable de faire du dos et du crawl au très haut niveau, de battre deux records du monde en deux jours. Il a mis tout en place, les stratégies, le jeu d’intox, la récupération, etc. Il grandit, avec tout son potentiel, et il a ouvert de nouvelles portes. Il rentre dans la cour de ceux qui font des choses au-delà du spécial. Il sait nager toutes les nages. Il a compris l’eau et il sait tout faire avec. Et avec ses victoires, il devient carnivore. Il veut dévorer la compétition. » Un profil rare, donc. Au point d’imaginer un futur à la Michael Phelps, l’ogre US aux 18 titres olympiques ? « Les qualités d’un Phelps restent uniques, calme Gilot. Mais Florent a enfin pris conscience qu’il fait partie de cette catégorie d’athlètes qui peuvent marquer leur sport et ramener plusieurs médailles lors d’un grand championnat. » A Doha, Manaudou a poursuivi ses expérimentations. L’esprit tourné vers l’avenir. « Le 100 m libre, par exemple, appartient à la construction du futur car les 50 dos et le 50 papillon ne sont pas aux JO, explique Barnier. Sur une compétition comme celle-là, il apprend des choses qu’il ne peut pas apprendre à l’entraînement. C’était un terrain d’apprentissage extraordinaire. » A long terme, le garçon devra apprendre à mieux gérer la fatigue de programmes XXL. « Nerveusement, j’ai moins de choses en moi, avouait-il ce dimanche. C’est ma douzième course de ces championnats, je crois, et c’est un peu compliqué d’enchaîner. » Il devra aussi savoir se faire mal. « J’ai entendu dire qu’il n’était pas le plus assidu à l’entraînement. Sur 50 mètres, ça passe, juge Amaury Leveaux. Mais après, il faut s’entraîner. » Avec un credo simple. « Flo n’est jamais content d’une bonne course, précise Barnier. Il veut toujours de l’excellence. » Quelle que soit la nage.

Bon sang ne saurait mentir

Six breloques mondiales. A Doha, Florent Manaudou est devenu le nageur français le plus médaillé sur une même édition de championnats du monde. Mieux qu’une certaine Laure et ses cinq médailles à Melbourne (grand bassin) en 2007. Simple coïncidence ? Loin de là. Un constat, d’abord : cette famille Manaudou possède à l’évidence un potentiel génético-sportif dingue. Et avec les années passées à observer Laure dominer les bassins, Florent a pu s’inspirer de ce qui se faisait de mieux. « Il n’y a jamais eu de jalousie ou de concurrence entre eux, raconte leur papa Jean-Luc. Laure a sans doute servi d’exemple à Florent, dans les bons comme dans les mauvais moments. » A voir le petit frère gérer ses relations médiatiques sans le sentiment de guéguerre permanente qu’aimait charrier sa sœur, à l’image de la façon dont il a laissé passer la mini-tempête de ses déclarations sur la créatine sans en faire tout un plat, on ne peut qu’acquiescer. Et Laure d’adouber Florent jusque dans son hommage après son stratosphérique record du monde du 50 m dos (22’’22) : « Un monstre, un génie, un extraterrestre, un phénomène, une machine, une bombe, un beau mec, mais surtout un frère hors du commun que j’aime par-dessus tout et qui m’impressionne. Bravo mon frère, qui n’est plus le petit frère que j’ai refusé de voir grandir, tu es le patron ! Fière de toi. »

Florent Manaudou
Florent Manaudou © AFP
Alexandre Herbinet avec Julien Richard à Doha