Natation: "Je regarde toutes les semaines ma course des JO et je pleure tout le temps", confie Anastasiia Kirpichnikova

Pas un cadeau. A la demande de son club de Montpellier, Anastasiia Kirpichnikova a interrompu ses longues vacances pour disputer les championnats de France en petit bassin. "C'est important pour mon club" assure-telle, et avec seulement deux semaines d'entraînement ce premier 1500m post olympique a duré une éternité pour la vice-championne olympique. Elle termine sur la troisième marche du podium en 16’30’’39, soit à 1’10 de son record de France... "Ce n'était pas dur parce que je savais que j'allais nager comme ça", assurait avec le sourire Anastasiia Kirpichnikova. "J'ai nagé juste pour finir." Elle aurait pu se contenter de marquer sa présence avec un 400m moins éprouvant, mais "Philippe il m'a dit que le 1500m ce serait plus facile de gagner... Ce n'est pas vrai, jamais écouter Philippe! (rire)"
Philippe Lucas, son entraîneur, elle l'a écouté quand après les JO il lui a demandé de prendre une longue pause. "Je lui avais dit que je la laisserais tranquille, explique l'ancien mentor de Laure Manaudou. C'est une fille qui est arrivée chez moi en janvier 2018, ça fait six ans qu'elle nage avec moi. Ce sont des courses, des entraînements usants. C'est une fille qui a beaucoup nagé, qui a nagé dur. C'est important qu'elle coupe."
Une coupure de deux mois
Alors la nageuse russe naturalisée française en mai 2023 a pleinement utilisé son chèque vacances Lucas. "Oui... Malheureusement c'est fini, soupire Anastasiia Kirpichnikova. Deux mois ce n'est pas beaucoup en vrai. J'ai fait un bon cycle de trois ans après le Jeux de 2021 et je ne me suis pas beaucoup reposée." Elle en a profité pour se ressourcer. "C'était parfait parce que j'étais chez moi avec ma famille pendant deux mois, raconte Kirpichnikova dans un français en progrès. Je suis partie directement après les célébrations des Jeux en Russie. Je suis d'abord allée à Sotchi pour prendre des vacances avec ma mère et mon petit frère. Ensuite on est rentré à Ekaterinbourg où on habite. Puis je suis passée par Moscou avec mon amie Ana Egorova puis chez elle à Kaliningrad."
"C'est une fille qui aime bien sortir et boire des coups, se marre Lucas. Quand tu t'es préparé pour cette course, que tu réussis ce que tu es venu faire, en plus en France... Elle a eu une période où elle ne pouvait pas nager en compétition (en raison de la sanction contre la Russie après l'invasion en Ukraine), elle s'entraînait sans objectif. Elle a loupé un championnat d'Europe et du monde en grand bassin. Tu as besoin après de couper !" répète encore Philippe Lucas.
"Je ferai les championnats du monde et je repartirai en vacances"
Elle devrait tout de même disputer les Mondiaux en petit bassin (10-15 décembre à Budapest). "Je ne veux pas qu'elle fasse les championnats du monde, coupe Lucas. Ça ne sert à rien elle ne s'entraîne pas. Au contraire si elle peut couper encore un peu c'est bien." Ce qu'elle a tout de même prévu de faire. "Je ferai les championnats du monde et je repartirai en vacances."
Depuis deux semaines, Anastasiia Kirpichnikova s'est enfin plongée dans les cours de Français. L'imparfait et le passé composé au menu. Difficile à assimiler quand son esprit est toujours un peu bloqué sur cette soirée du mercredi 31 juillet dans la Paris La Défense Arena. "Je regarde toutes les semaines ma course des Jeux olympiques et je pleure tout le temps, avoue Kirpichnikova. Je ne sais pas comment j'ai fait ça c'est incroyable. C'est passé très vite, j'ai eu trois années de travail très dur pour gagner cette médaille et c'est passé en deux secondes. J'ai encore en tête quand je touche le mur, je suis deuxième et le public fait énormément de bruit. Pour toute la vie je suis vice- championne olympique."
Lucas : "Une fille qui peut nager encore plus vite"
Philippe Lucas lui ne l'a pas revue. "Pas besoin j'ai tout ici (il montre son front). Peut-être que je la regarderai un jour, mais bon je connais tous ses temps de passage. Même elle était surprise je crois. Elle a fait une course exceptionnelle, tu ne peux pas faire mieux. Deuxième derrière (Katie) Ledecky, à peine dix secondes derrière alors que d'habitude elle met plus de mines... Elle a fait une course exceptionnelle et je voulais la laisser tranquille."
Viendra donc le temps, quand elle sera prête, pour un vrai retour dans l'eau. "Il faut qu'on ait une vraie discussion et que nos deux projets cohabitent. C'est une fille qui peut nager encore plus vite, mais si elle change certaines choses. Peut-être qu'elle n'en a plus envie et ça se comprendrait aussi."
Et peu importe le temps que cela prendra. "Quand tu t'arrêtes trois mois tu mets trois ou quatre mois à revenir, mais on le sait, continue Lucas. Et ce sera pareil pour les autres aussi. C'est des distances où il n'y a pas de magie, la pendule tourne toujours à la même allure. Je lui avais dit : « tu prendras le temps que tu veux. Pour que quand tu reviennes tu sois motivée car je n'ai pas envie d'entraîner des gens pas motivés." Elle prendra le temps qu'elle veut. Je n'aurais pas dit ça il y a deux ans. Mais là..." C'est peut-être l'autre exploit d'Anastasiia Kirpichnikova et elle s'en amuse volontiers : "Je m'entraîne une fois par jour et je fais trois kilomètres... Avec Philippe Lucas (rire) ! Je pense que je suis la première (rire)"