RMC Sport

Natation: "Tout est possible", Joly se réjouit de sa première médaille européenne... à 30 ans

placeholder video
Le nageur français Damien Joly (30 ans) a décroché mardi sa première médaille internationale en se parant de bronze sur le 1.500 m nage libre des championnats d'Europe de Rome.

Damien, quelle a été votre sensation au moment de toucher le mur? Pendant la course, avez-vous senti cette médaille venir?

J’ai essayé de vraiment rester concentré sur moi. Le 1.500m, je connais. Je connais les mecs. Ça fait dix ans que je nage avec eux. Ça allait partir très vite. Je me suis dit que l’Allemand ne devait pas être au top: il a eu le Covid, il n’a pas fait le 800m, ce n’est pas anodin. Sans me mettre de pression, j’y suis allé relax. On discute tous en chambre d’appel, on se connaît tous. Je me dis que j'ai ma chance à jouer, qu'il faut que je reste focus, qu'il ne faut pas que j’essaie de partir avec les autres. Ils sont trop rapides, je n’aurais pas pu tenir. J’ai fait ma course, j’avais juste l’Italien de l’autre côté. Je savais qu’il allait revenir fort. À 500-600 mètres, je vois un mec qui craque un peu, ça devait être l'Allemand. Je me suis dit: "Calme-toi, reste dans ton allure, dans ce que tu sais faire". C’était dur, jusqu’au bout. C'est extra. Extraordinaire. Un petit regret, mon record n’est pas si loin. Mais la médaille, c’est super.

C'est votre première médaille internationale...

À 30 ans! Tout est possible. Avec beaucoup, beaucoup, beaucoup de travail. C’est des épreuves longues et difficiles, où il faut nager avec certaines allures pendant un peu moins de 15 minutes. Tous les jours à l’entraînement, il faut faire entre 16 et 18 kilomètres avec une certaine intensité. Avec Philippe (Lucas, son entraîneur, ndlr) en plus, c’est costaud. Je suis vraiment content du travail accompli. Et d’arriver, enfin, à ce podium international ici... Ça présage plein de bonnes choses jusqu’à Paris. Ça me conforte dans l’idée que ce n’est pas l’âge qui compte. Tant que le corps va bien, tout va bien, la tête va bien. Rien n’est impossible.

Après toutes ces années, quel était le secret?

J’avais toujours des résultats corrects. Tous les jours, j’aime ce que je fais. Mon boulot tous les jours, c’est d’aller à la piscine et m’entraîner. C’est super. J’ai de la chance de pouvoir faire ça, malgré mon âge. C’est du plaisir. J’aime ce que je fais au quotidien. C’est ce qui continue à me faire progresser, à avoir ce résultat.

Le début de semaine de l'équipe de France avec toutes ces médailles vous a sans doute motivé...

On a une super équipe, ils ont dix ans de moins que moi. La plus jeune, Julia, a la moitié de mon âge. Ça met beaucoup de fraîcheur dans l’équipe. Ils sont tous motivés, tous dans les tribunes, ils se battent pour faire les relais, ils essaient… C’est super d’avoir cette atmosphère pour un ancien comme moi. Ça nous pousse. Tous les jours à l’entraînement, à côté, on voit qu’ils ont envie, ils ont cette hargne, et ça se partage. Plus les résultats, et l’émulation, on a une super équipe.

Comment expliquer cette fraîcheur pour vous?

J’aime ce que je fais. Pour certains, je sais que c’est plus dur d’aller à l’entraînement tous les jours, de se lever tôt le matin. Moi j’aime toujours ce que je fais, je suis content d’être là, je me régale tout simplement. J’ai la chance de gagner ma vie parce que je suis policier à côté, détaché, je peux m’entraîner. Je vais continuer le plus longtemps possible. Jusqu’à ce que je tienne encore, pas de bobos, de problèmes physiques. À part un souci d’oreille, pas de tendinite, rien du tout. Tout va bien dans la tête et dans le corps.

Que s'était-il passé après le 1.500 mètres des Mondiaux?

Plusieurs points. Ce qui m’a vraiment perturbé, c'est que j’ai eu un contrôle anti-dopage après les séries. Urine et sanguin, plus passeport sanguin. Il fallait que j’attende deux heures après le dernier effort, sachant que je sortais juste de la course, il fallait que je récupère. J’ai l’habitude de faire du bain froid, je n’ai pas pu. Avant une prise de sang, on n’a pas le droit d’être dans des conditions extrêmes, sauna ou bain froid. Il y a l’âge aussi, je ne récupère pas comme à 15 ou 18 ans. On m’a pris six tubes de sang. Je n’ai pas pu manger avant 15h. Je me suis fait masser, je n'ai pas pu récupérer l’après-midi. Le lendemain j’ai plongé, j’avais des courbatures partout. Je le savais. Mais c'était fini. Un calvaire? Oui. Je pense que je valais mieux que ça. Ce n'est pas que ça, mais ça a beaucoup joué. On a fait remonter ça à la FINA, pour que ça n'arrive plus. J'étais le seul contrôlé. Je trouve ça injuste, ce n'est pas équitable. J'étais déçu, parce que je savais que je valais beaucoup mieux que ce 15'09. Ça fait partie de la carrière.

Qu'est-ce que cette médaille représente pour vous?

C’est la belle récompense de beaucoup d’entraînement, beaucoup de sacrifice, de kilomètres avalés. J’ai toujours fait passer la natation avant tout, dans tous mes choix professionnels, familiaux. Sans la natation, honnêtement, je ne sais pas ce que j’aurais fait.

Propos recueillis par Julien Richard, à Rome