La patience au poker

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Des formules « turbo » sur les ‘Sit and Go’ online aux tables du Main Event des WSOP, elle est l’un des piliers du jeu de poker. La patience. Ou la capacité à jeter une main, rester des heures sans jouer, pour éviter le mauvais coup, laisser passer un cycle négatif ou tout simplement respirer, retrouver ses esprits après un gros rush. Si le ‘savoir s’arrêter’ relève de l’évidence, la multiplicité des facteurs à gérer autour d’une table, la frustration, la perte de concentration, rendent la chose parfois difficile à maitriser en live ou online.
« C’est un jeu qui fonctionne par cycles, rappelle Cédric Quignon, psychologue du sport au département médical de l'INSEP. On s’adapte à beaucoup de données techniques : combien on a de blindes, à quel moment du tournoi on est, quelle est notre position à la table… Parfois, c’est un imposé d’être patient. Ce n’est pas forcément une vertu. C’est un imposé technique pour arriver à passer une journée, un mauvais cycle de cartes ou de se remettre de mauvais coups. C’est à la fois de la gestion technique et psychologique. » En affichant sa patience, un joueur renverra ainsi à ses adversaires une image de solidité et de sérénité, une capacité à ne pas paniquer. Et on en vient à l’étroite relation entre patience et image à la table.
Une arme stratégique
Besoin primaire et technique d’un joueur condamné à jeter les cartes en voyant défiler les 7 / 2 dépareillés, la patience, d’abord perçue comme une nécessité, peut se transformer en une gestion de l’image autour de la table. « Tout est psychologie, et tout est stratégie autour d’une table de poker. Le fait de provoquer les adversaires, de leur faire remarquer qu’ils ne jouent jamais une main lorsqu’ils sont extrêmement serrés pour les amener à jouer un peu plus loose, souligne Cédric Quignon. Uniquement par l’animation de la parole vous donnez l’illusion d’être super loose alors que vous jouez très serré. » Masquer sa patience par son exubérance, en voilà une idée… Le stratagème est diabolique et certains s’en sont faits une spécialité.
L’exemple le Phil Laak
Figure du circuit avec plus de trois millions de dollars amassés en live, Phil Laak, surnommé « Unabomber », est un maitre de la psychologie à ce niveau-là. « C’est quelqu’un qui arrive à donner tout et l’inverse par rapport à son image. Il donne l’image d’un déglingué, qui fait n’importe quoi, exubérant, qui parle toujours à la table alors que c’est un joueur extrêmement cadré, explique Cédric Quignon. Il est très réfléchi, il a une analyse très fine. C’est un bluff en termes d’apparence et de personnalité. Les bluffs se font à la table et pas seulement dans la technique. Ils se font aussi dans l’image que vous instaurez. On parle de patience mais c’est aussi très lié à de la gestion d’image. On peut jouer avec cette image. Les joueurs de poker ont tendance à avoir une mémoire très sélective, à ne retenir qu’un ou deux coups, à catégoriser très vite parce qu’en tournoi live, il faut vite vous faire une idée du profil des joueurs. Il y a des joueurs qui sont experts pour vous donner une fausse image là-dedans. » On vous l’avait dit, la patience au poker, ce n’est pas simplement attendre.