Les tables électroniques sont-elles l'avenir du poker ?

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Les joueurs aiment les croupiers en chair et en os. Et ce, même s’ils font des erreurs. On pourrait penser qu’après avoir perdu une fois un gros pot à cause d’une erreur de donne ou de la mauvaise application d'un règlement, n’importe qui se précipiterait vers une table garantie "100% sans erreur". Et pourtant, ce n’est pas le cas. Du moins, pas encore.
Les puissants du poker s’intéressent pourtant beaucoup à son avenir électronique. Steve Lipscomb, le P.-D.G. du World Poker Tour (circuit de tournois disputé essentiellement en amérique) a affirmé à plusieurs reprises que les futurs tournois se dérouleraient certainement à des tables électroniques. Il est probable qu’une partie des compétitions préliminaires passera à l’électronique dans un proche avenir. Jack Effel, directeur des tournois des World Series of Poker (championnats du monde), nous a révélé qu’il était en pourparlers pour ajouter une salle électronique au complexe déjà gigantesque réservé aux WSOP dans le Rio de Las Vegas.
En fait, des tables électroniques ont déjà fait leur apparition dans plusieurs salles de poker.
La résistance est d’autant plus surprenante que la majorité des parties de poker se joue en ligne. En effet, les parties live représentent moins de 5 % des mains distribuées dans le monde, et certains affirment même que cette estimation est largement vue à la hausse : la réalité serait plus proche de 1 %. Si c’est vrai, pourquoi les joueurs en live, qui ont sans doute aussi des comptes en ligne, sont-ils si réticents à l’entrée des tables électroniques dans les salles de poker ?
La peur de la machine
Il y a des précédents dans notre environnement technologique. Prenez les distributeurs automatiques des banques : aujourd’hui omniprésents, ils n’ont pas toujours été bien acceptés à leurs débuts, au point d’être souvent réduits au rôle de DAB, de simples distributeurs de billets sans possibilité de dépôt, de virement ou autre. Le public ne pensait pas que ces machines sauraient correctement exécuter des transactions bancaires plus détaillées.
Cette méfiance envers les machines explique au moins en partie la réticence vis-à-vis des tables de poker électroniques. Tout le monde sait désormais qu’un générateur de nombres aléatoires est utilisé pour distribuer les cartes électroniques. On sait aussi que le générateur n’est en réalité pas totalement aléatoire, et qu’il pourrait théoriquement être piraté. Et même si les risques de hacking (action à pénétrer sans autorisation dans un réseau) sont bien moins importants que ceux de tomber sur un croupier malhonnête, la crainte de la machine subsiste.
Des réticences d'origine psychologique
Il existe un autre facteur psychologique, encore plus profond, qui motive les campagnes pour la protection des dealers de poker. Avec un croupier en chair et en os et de vraies cartes, on peut tenir ses cartes et en jouer. On a aussi de vrais jetons. Quand on a joué dans une salle de poker entièrement électronique, on sait que la principale différence est l’ambiance sonore : une salle électronique est silencieuse, sans le bruit de dix, vingt ou cent joueurs agitant nerveusement leurs jetons.
La sensation tactile de vraies cartes et de vrais jetons est un composant psychologique essentiel d’une partie de poker live. La plupart des joueurs n'en sont peut-être pas conscients. Ils savent juste que jouer à une table électronique est différent et ne procure pas les mêmes sensations. C’est cette absence du contact des jetons et des cartes qui rend la table électronique si austère pour de nombreux joueurs réguliers du poker live. C’est une réaction humaine profonde, la même qui fait qu’une course de chevaux est très différente selon qu'on la suit en direct ou à la télévision : l’être humain veut entendre les sabots, voir l’herbe, toucher les cartes et faire claquer les jetons.
Les tables électroniques sont-elles l’avenir du poker ? Peut-être... Mais il nous faudra dépasser quelques réactions et comportements humains de laisser Hal 9000 et ses collègues nous distribuer les cartes.