RMC Sport

Philippe Auclair 04/01

Alex Ferguson était furieux, ‘livide de rage’, comme disent les Anglais, mâchant son chewing-gum avec la fébrilité d’un poinçonneur devenu fou à l’heure de pointe.

Vous direz – ce n’était qu’un match de Coupe. Je vous répondrai: face à Leeds, ennemi mortel (n’est-ce pas, Cantona?), dans un Old Trafford bourré à craquer, devant des centaines de millions de téléspectateurs. Une équipe de D3 qui gagne à la régulière au Théâtre des Rêves, ça la fiche mal pour un champion qui a fini avec Owen, Berbatov et Rooney en attaque.

J’espère juste que les auditeurs de RMC auront suivi le conseil que j’avais donné aux amis des ‘Paris RMC’: misez sur Leeds; à 11 contre 1, c’était du vol!

Ha, cette FA Cup...Samedi soir, on désespérait. Un tirage insipide, des résultats logiques, donc déprimants pour quiconque aime cette compétition d’un autre âge, mais qui le porte si bien. Et puis, dimanche, la merveilleuse surprise. Dans trente ans, on montrera encore le but de l’étonnant Jermaine Beckford, comme on montre toujours celui de Mickey Thomas à Highbury pour Wrexham (D3) contre Arsenal, le champion en titre, dans le tournoi de 1992.

Le parallèle s’arrêtera pourtant là. La victoire de Leeds constitue un choc, un 9 sur l’échelle de Richter, mais n’est pas aussi incompréhensible que celle de Wrexham il y a 17 ans de cela. C’est que jamais la League – les 3 autres divisions professionnelles du football anglais – n’a été d’un niveau aussi relevé, et aussi populaire: il y avait 9000 supporters des Whites à Manchester, ils auraient pu en amener 3 fois plus. La moyenne de spectateurs de Newcastle (45000) est supérieure à ce qu’elle était quand le club était en Premiership. C’est un phénomène unique dans le football mondial, qui ne s’explique pas seulement par la présence d’un nombre record de clubs dits ‘historiques’ en Championship, League One et League Two (Newcastle, Nottingham Forest, QPR, West Brom, Leeds, il y en a tant), mais peut-être surtout par l’effet d’aspiration de la Premier League. La progression technique des équipes de divisions inférieures a été prodigieuse au cours des cinq dernières années; ces joueurs anglais qui auraient fourni l’essentiel des effectifs de l’élite il y a encore peu de temps ont été barrés par l’importation de joueurs étrangers de classe internationale, et doivent donc s’exprimer dans des championnats moins relevés. Résultat? J’ai regardé Newcastle-Derby pendant les fêtes: je doute que beaucoup de championnats de D1 du reste de l’Europe auraient pu offrir un spectacle aussi magnifique que ce 0-0 invraisemblable, joué à 100 à l’heure par deux équipes qui ne pensaient qu’à gagner. J’irai plus loin: je pourrais vous citer une dizaine de clubs anglais de divisions inférieures qui survivraient sans peine dans l’élite de championnats étrangers. Leeds en fait partie. Oui, le leader de la D3.

Alors, je répète mon conseil: vous qui aimez le football qui vit, avec des stades qui chantent et du jeu qui pétille, allez à Elland Road, au City Ground, à St James, à Loftus Road. La victoire de Leeds, c’était aussi la victoire de ce football-là.

Je ne vous quitterai pas sans vous confier une conviction: que j’ai vu ce dimanche, dans un Upton Park glacial, le futur capitaine d’Arsenal: Aaron Ramsey. Je suis certain qu’un jour, on parlera de lui comme d’autres grands du foot gallois, John Charles et Ryan Giggs. Il a fêté ses 19 ans le 26 décembre. Il est – déjà – immense. Le profil de Bryan Robson, l’oeil du grand Jim Baxter, et un pied gauche qui me rappelle celui de Liam Brady. Rien de moins. 2010 commence bien.

Philippe