Philippe Auclair 11/01

On surnommait Claudio Ranieri ‘the tinkerer’ – ‘le bricoleur’ -, a cause de sa manie de changer de système et de joueurs au gré des matchs, comme on bat un jeu de cartes après chaque main de poker. Rafael Benitez avait ensuite hérité de ce surnom, lorsqu’il changea de onze de départ 99 fois d’affilée.
Claudio et Rafa – vous ne le saviez pas, mais vous seriez bientôt en bonne compagnie. Samedi, à l’occasion du match nul 1-1 de Manchester United à Birmingham, pour la 100ème fois consécutive, Sir Alex Ferguson a aligné un onze différent de celui qui avait disputé la rencontre précédente. Etonnant: cette fois-ci, personne, ou presque, n’a relevé la statistique, alors que, dans les cas de Ranieri et de Benitez, on avait monté en épingle l’indécision de ces managers.
Evidemment, Ferguson pourrait arguer de circonstances atténuantes. L’infirmerie de United ne désemplit pas. Depuis le début de la saison, on assiste à un jeu de chaises musicales dans lequel ces chaises sont des lits d’hôpital. L’âge avancé de deux éléments-clé de MU (vous aurez reconnu Giggs et Scholes) contraint leur coach à les laisser souffler régulièrement. Mais ces débuts d’explication seraient plus convaincants si l’on percevait davantage de cohésion et de continuité dans le jeu des champions; avouons-le: on les cherchait en vain ce week-end, et pas pour la première fois.
Je reviendrai sur Birmingham dans un instant. United, pris en lui-même, inquiète. Certes, une qualité demeure: celle d’imposer une pression énorme sur l’adversaire lorsque la situation se complique. C’était encore le cas à samedi à Birmingham en toute fin de match. Manque un outil: l’ouvre-boîte. Rooney n’est pas un catalyste à la Cantona; il est vrai que lorsqu’il regarde autour de lui, au lieu de voir Hughes, Ince ou McClair, c’est Anderson et cie qu’il aperçoit. L’an passé, United s’était retrouvé dans des situations similaires. Contre Villa, par exemple, Kiko Macheda avait surgi de nulle part. A-t-il progressé de puis? Non. Pas plus que l’invisible Nani. Park, dont le potentiel est énorme, se bat comme un guerrier, mais pas comme un général. Et ce général, dont le QG doit être le milieu de terrain, nous ne le voyons pas; ou alors, quand Giggs, 36 ans, offre un miracle de plus. C’est insuffisant. Le Manchester United de l’après-Ronaldo a, paradoxalement, plus besoin d’un capitaine de route que d’un autre attaquant.
Saluons néanmoins l’équipe du moment: le promu Birmingham City, qui d’autre? Aucune défaite depuis le 17 octobre (la meilleure série de leur histoire, qui remonte à 1875), c’est phénoménal dans un championnat aussi ouvert que celui de 2009-10. C’est aussi une leçon pour tous ces dirigeants qui, quand ils font signer un contrat à un entraîneur, font déjà le brouillon de sa lettre de licenciement. En mai 2008, City descendait en Championship (D2). Un an plus tard, les ‘Bluenoses’ reprenaient l’ascenseur vers le haut, avec le même groom: Alex McLeish, qui, aujourd’hui, les a menés à la 8ème place de la Premiership, à égalité de points avec Liverpool, 7ème. Messieurs les vireurs, retenez la leçon: la continuité paie. Et regardez Derby County...en 2007, Billy Davies, contre toute attente, les mène en Premier League. Sa récompense? En novembre de la même année, il est licencié. Derby, mal en point, sombre alors. Davies trouve un nouveau job, à Nottingham Forest (promu en D2 en 2007). Forest est aujourd’hui 2ème du Championship, County 18ème. CQFD.
L’Angleterre n’en est heureusement pas au point où en est l’Italie. Il y avait déjà eu 10 changements d’entraîneurs en Serie A avant Noël – contre 3 en Premier League. La pseudo-rupture, le fameux ‘choc psychologique’ évoqué par tant de dirigeants qui ne voient pas plus loin que le bout de leur nez quand ils veulent justifier un licenciement – ce sont des signes de faiblesse, rien d’autre.
Arsenal et Everton? Vieira et Manchester City? On en parle ce soir. A très bientôt, ladies and gentlemen.