Philippe Auclair, 12 mars 2010

Implacable Manchester United!
Oui, on peut gagner sans milieu de terrain: Manchester United l’a encore prouvé samedi soir à Old Trafford, en alignant sept (!) défenseurs – plus Gibson, pas vraiment un fantasista – dès le coup d’envoi. Mais à condition de posséder une défense capable d’absorber vague après vague d’attaques, et des attaquants assez vifs et imaginatifs pour exploiter les espaces laissés par le midfield adverse, naturellement aspiré vers l’avant, on peut gagner. Et à condition d'avoir des joueurs capables de se sacrifier. Et dans ces trois domaines, United a du répondant. O combien.
Quelques-uns s’étaient étonnés de voir Sir Alex dépenser 12m€ pour un défenseur central qui n’avait quasiment jamais joué. Ayant eu l’occasion d’apprécier Chris Smalling lors des rares matches qu’il avait disputés avec Fulham – et de parler de lui avec son entraîneur d’alors, Roy Hodgson, qui voyait en lui un futur international ‘A’ – j’étais moins surpris, vous vous en souvenez peut-être. Mais de là à ce que, en quelques semaines, le jeune Anglais fasse presque oublier l’absence de Rio Ferdinand (avec lequel il a tant de points communs, dans la relance en particulier), non. Aux côtés d’un Vidic à la hauteur de Vidic (c’est-à-dire le meilleur défenseur central de la Premier League) et un Edwin van der Sar encore une fois décisif, Smalling a été magnifique, tout simplement. Et il fallait qu’il le soit, vu la facilité avec laquelle Sagna – énorme – trouvait des décalages sur le flanc droit et pompait centre après centre dans la surface de United. Qui plus est, Vidic et Smalling devaient garder l’oeil sur les errances de Wes Brown et de Patrice Evra. Et dieu sait qu’il y en eut quelques unes.
De l’autre côté du terrain, Chicharito (un ami me glisse qu’Emmanuel Petit l’avait rebaptisé ‘Chichirato’ pour les téléspectateurs français, tandis que Berbatov avait été héllénisé en ‘Berbatos’; de la belle ouvrage, question préparation pour l’antenne...), bref, Chicharito a été un poison constant, comme il l’avait été contre Chelsea. Le coup de tête qui amena le but de Fabio était superbe; ce qui l’était encore encore plus, c’était l’intelligence et l’appétit avec lequel il ‘courut la ligne’, comme disent les Anglais, multipliant les appels et les courses latérales sur l’épaule du dernier défenseur. Sa titularisation pourrait faire penser que Berbatov lui sera préféré contre l’OM. Mais sa prestation aura fait réfléchir Ferguson, d’autant plus qu’il semble avoir développé une relation quasi-télépathique avec Wayne Rooney, magistral dans un rôle hybride de neuf-trois-quarts (entre le neuf-et-demi et le numéro dix, of course). Wazza is back, n’en doutez pas. L’excellente rentrée de Valencia aura aussi fait oublier que Nani est out pour deux ou trois semaines au minimum.
Implacable Man U. En termes de possession (54% pour Arsenal, qui a pourtant joué à dix après la sortie si malheureuse de Johan Djourou, qui souffre apparemment d’une blessure à l’épaule), de tirs (18 contre 11) et de tirs cadrés (11 contre 6), les Gunners ont fini ce beau quart de finale avec les meilleures statistiques...sauf celle qui compte: le nombre de buts marqués. Je reviendrai sur le cas d’Arsenal dans une minute. Mais je dois d’abord relever ce qui fait l’une des forces de Sir Alex: sa capacité de réinvention tactique. Peu d’autres managers auraient eu le culot de faire avancer deux défenseurs latéraux (Fabio et Rafael) d’un cran à domicile. O’Shea au milieu, passe encore. Fletcher n’est pas au mieux physiquement, Park et Anderson sont blessés, et l’Irlandais est de toute façon un homme à tout faire, pas un grand joueur, non, mais quelqu’un sur le lequel on peut compter pour ‘faire un job’. Mais les jumeaux brésiliens, en voilà une surprise! Et eux aussi ont ‘fait le job’, avec brio. Le seul couac, finalement, aura été Paul Scholes; la plupart du temps, il y a quelque chose de génial chez le rouquin; mais, de temps à autre, il a disjoncté avant d’entrer sur le terrain. Qu’il ait échappé à un carton rouge a même étonné les commentateurs d’ITV, dont l’objectivité n’est pas un fort quand les red devils sont sur la pelouse. Mais cela aurait-il changé quoi que ce soit? Non. Ferguson avait mitonné un coup à sa façon, dans un match qui fut, soulignons-le, remarquablement ‘propre’ si l’on oublie le pétage de plombs de Scholes.
On a vu des United plus entreprenants. Plus séduisants. Des plus réalistes? Je n’en suis pas certain.
Pour Arsenal, que de regrets à avoir, cependant. On n’a pas vraiment senti l’impact psychologique des défaites face à Birmingham et Barcelone, contrairement à ce que certains annonçaient, en tout cas pas chez ces joueurs qu’on aurait pu croire les plus marqués; je pense en particulier à Johan Djourou et Laurent Koscielny, qui ne méritaient pas de rentrer battus chez eux. Pas plus que Manuel Almunia, de nouveau irréprochable, ou Bacary Sagna, déjà cité. Pas plus, surtout, que Jack Wilshere, le patron de cette équipe. Inclonable, hélas pour Wenger. D’autres ont déçu. Nasri, très actif pendant cinquante minutes, a levé le pied beaucoup trop tôt. Archavine était dans l’un de ses jours sans, invisible et pataud, et laissa Gibbs beaucoup trop exposé. Diaby alterne le très bon avec le léthargique, avec une préférence pour la dernière catégorie. Denilson sera toujours Denilson, alors que Rosicky n’est plus Rosicky. RvP est à court de condition; il s’est battu, lui, mais contre des ombres. Chamakh a manqué une occasion en or. Ramsey? On aurait voulu le voir plus tôt...bien plus tôt. Oui, dans le jeu, Arsenal a bougé United. Mais au bout du compte, il a encore manqué ce petit quelque chose qui, en fait, est tout: la capacité de conclure. Et voilà les Gunners sortis de trois compétitions en deux semaines. Ce n’est pas la première fois qu’on entend cette chanson. Et ça commence à faire beaucoup.
Mais il y avait un autre match ce samedi. De Cup, veuillè-je dire. Parce qu’en Championship, QPR, qui a battu Palace 2-1 (deux ‘assists’ de Taarabt, au passage), a désormais dix points d’avance et un pied en Premier League. En Cup, Bolton s’est rapproché de ce qui pourrait être la répétition de la finale de 1958, leur dernier grand trophée, acquis grâce à un doublé de Nat Lofthouse, qui nous a quitté cette année...et acquis contre Manchester United. La Cup a le don de nous offrir de ces coincidences qui ressemblent à des clins d’oeil du destin.
J’aurai un dimanche et un lundi très chargés, raisons pour lesquelles je poste ce billet aussi tôt. J’essaierai de lire et de commenter vos réactions d’ici les DDD de lundi. En attendant, deux rendez-vous à l’antenne: ce soir, dans un DDD ‘exceptionnel’ avec Gilbert, à partir de 23 h, et demain matin, sur le coup de 11 heures avec Captain Larqué. A très vite, donc!