Philippe Auclair - 13/09

Rooney, le nouveau Gascoigne?...Ben Arfa, le non-événement...et les nouveaux assassins du football.
On est bien obligé de commencer par là. Wayne Rooney, pris dans la tourmente d’allégations sordides de la presse dite ‘populaire’ (‘d’égoût’ serait plus juste), n’avait pas fait le voyage d’Everton. Alex Ferguson s’expliquait de son choix en disant qu’il ne souhaitait pas que Wazza se fasse assassiner – verbalement – par le public de son ancien club. Comme s’il fallait donner raison aux lyncheurs...Faudra-t-il alors priver Rooney de tout match dans lequel il sera la cible d’insultes? Autant lui demander de prendre sa retraite tout de suite. Non, là n’était pas la vraie raison. Rooney a bien été puni par son manager. Le message? ‘Remets de l’ordre dans ta vie, Wayne’. Ne te fais pas photographier la clope au bec à 3 heures du matin. Ne collectionne pas les numéros de portable des escort girls du Lancashire. Penses à ta femme, ton gamin, ton club, ton pays. Certes, jamais les problèmes maritaux du joueur n’auraient dû être étalés sur le papier du News of the World et du Sunday Mirror. Il n’avait commis aucun crime, et les plus écoeurants dans cette affaire demeurent les donneurs de leçons.
Mais au delà de l’inexcusable intrusion de médias qui se tapent de toute morale, on a le droit de se demander aujourd’hui si Rooney, le plus grand joueur anglais de sa génération, ne risque pas de voir son immense promesse être trahie par un mode de vie dont il n’est plus le maître. Un autre Gascoigne, un autre Stanley Bowles, un autre Robin Friday, l’alcool en moins, les prostituées en plus. La grandeur de Rooney, c’est aussi la pure joie de jouer qu’il exude comme aucun autre footballeur contemporain, Lionel Messi excepté. Une certaine innocence qui nous fait craquer. Mais là, c’est lui qui craque. J’ai très peur pour ce garçon tellement attachant, bien moins con qu’on le dit, et qui n’est que perdu. Qu’il se retrouve, et vite – c’est de Rooneys dont on a besoin, pas des icones lisses de l’âge Playstation.
United a d’autres problèmes; Patrice Evra, par exemple. Avec l’aide de mes amis du Guardian, je viens de faire une analyse technique de son match à Goodison, qui confirme l’impression que j’avais eue, d’un joueur qui avait sombré. 0 centre réussi sur 3 tentés; 0 tacle réussi sur 3 tentés; 3 coups-francs concédés, 0 provoqué; 1 dégagement réussi sur 4. La gueule de bois de l’Afsud n’a toujours pas disparu. L’ex-capitaine des Bleus n’était cela dit plus sur le terrain lorsque Everton est devenu le premier club de l’histoire de la Premiership à marquer deux buts dans le temps additionnel contre Manchester United. C’est le monde à l’envers. Comme à Fulham, les Mancuniens se font rejoindre dans le ‘Fergie time’, et les voilà qui perdent quatre points qu’ils semblaient avoir en poche. Honneur à Everton, qui a joué avec coeur, intelligence et imagination du début à la fin (quelle deuxième mi-temps de Fellaini!), et qui retrouvera très vite le Top 10. Mais c’est inquiétant pour les red devils, ne croyez-vous pas?
J’ai entendu dire que certains journaux français avaient envoyé des reporters à Newcastle pour assister aux débuts de Hatem Ben Arfa avec les Magpies. Nous en avions évoqué la possibilité à France Foot. Quinze secondes environ, le temps de se dire: a) pas sûr du tout qu’il joue et, b) pour quoi faire? J’avoue mon incompréhension totale du ‘phénomène’ Ben Arfa. Il a du ballon. Il en a beaucoup, même. Des gri-gris. Une belle frappe. Mais ce n’est pas lui qui a fait de Marseille un champion, que je sache? En six saisons de Ligue 1, combien de buts marqués en championnat? Seize. Non, je n’y comprends rien. Peut-être que Ben Arfa va ‘exploser’ à Newcastle. Mais, pour l’instant, c’est le non-événement de l’année. Il aurait pu aller jouer la Ligue des Champions avec le Werder, il a choisi un promu. Bonne chance. Mais on fera le bilan plus tard. La meilleure façon de lui rendre service est de le laisser faire son métier, et parler sur le terrain, s’il en est capable.
Chelsea...je vous dis depuis longtemps que les Blues auront 15 points après 5 journées. Le contraire serait malheureux, avec un calendrier pareil! Essien (doublé de la tête! Une première pour le Bison affûté...) et les siens ont fait le boulot pendant 45 minutes, avant de lever le pied du champignon dans une seconde période pendant laquelle ils ont été franchement pas bons du tout. On n’en tirera aucun enseignement: la Ligue des Champions se profilait à l’horizon. Il fallait gérer, et ça, gérer, à Chelsea, on sait comment le faire. L’absence de Malouda ne signifiait rien non plus. Il avait beaucoup donné en sélection, et l’occasion était parfaite pour le faire souffler. Il sera de retour contre Zilina. Chouette de revoir Kakuta sur un terrain, même pour quelques minutes; le jeune Gaël avait (dit-on au Bridge) besoin de se faire ‘recadrer’. Sa présence à Upton Park était le signe que Carlo Ancelotti pense toujours à lui. Quant à West Ham...madre de dios. Quelle catastrophe! Ca fait du mal de voir un joueur aussi talentueux et généreux que Scott Parker (le but du week-end?) perdre son énergie – et son temps – dans un club géré en dépit du bon sens par les pornographes Gold et Sullivan. Il s’agit déjà du pire début de saison en EPL de l’histoire des Hammers. Je les donnais relégables début août, je n’ai pas changé d’avis.
J’étais à l’Emirates samedi, où j’ai revu le même match pour la millionième fois: un adversaire archi-dominé qui s’accroche, des occasions comme s’il en pleuvait pour les Gunners, une seule de concrétisée, et, bang!, sur la seule situation dangereuse que se créent les visiteurs, égalisation. La différence est que, cette saison, il semble y avoir une ‘gnac’ inédite dans l’ADN d’Arsenal. Bolton a, comme c’est de mise, mis la semelle (j’en reparlerai dans une minute), mais les Gunners ont tenu bon, avec une charnière Koscielny-Squillaci qui, hormis une erreur du premier, a fait très bonne figure face à Davies et Elmander, deux sérieux clients. Fabregas? Que tous ceux qui disent qu’il a la tête ailleurs (vous savez où) visionnent la vidéo du match. Cesc l’a survolé, montant en puissance au fil des minutes, lumineux, irrésistible par moments. Et quel bagarreur! Song est aujourd’hui le meilleur relayeur de la Premiership avec Jon-Obi Mikel, Rosicky a retrouvé son peps...Malgré les blessures qui s’accumulent, Arsenal va de l’avant, et sera selon moi la seule équipe à pouvoir – oui, davantage que United – rester dans le sillage de Chelsea. Car pour les autres ‘prétendants’...
Manchester City – tellement négatifs, mon dieu, et contre qui? Blackburn! OK, les Rovers ont Christopher Samba, ce monstre, ce superbe gladiateur, encore une fois énorme à Eastlands. Mais, quand même, M. Mancini...pourquoi tant de réticence à se porter vers l’avant, dans un championnat où les frileux restent toujours à claquer des dents devant la porte fermée? Heureusement que Vieira était là...Un but comme ‘avant’. ‘Pat’ ne joue plus que par bribes, mais il y a des moments où il nous rend tous nostalgiques. Pour City, malgré un Adam Johnson encore épatant, on voit mal comment il sera possible d’aller chatouiller le Top 3, si Mancini ne lâche pas – ne serait-ce qu’un peu – la bride sur ses chevaux.
Tottenham n’est pas beaucoup mieux. Dawson et Defoe blessés à long terme, aille...(Modric sera OK pour le déplacement chez mes chéris du Werder – clin d’oeil à Polo...;-). Les Spurs doivent réapprendre l’Europe, ce qui leur coûtera beaucoup de points en Premier League. Correction: ce qui leur coûte déjà beaucoup de points en Premier League.
Liverpool...je réserve mon jugement, en attendant que Joe Cole commence enfin sa saison pour de bon. Kuyt leur manque aussi énormément, malgré ses lacunes. Mais attention: Birmingham est un client sérieux, qui n’a pas été battu à domicile depuis des lustres. Et qu’on arrête de tailler des croupières à Torres, comme, par exemple, Jamie Redknapp s’est permis de le faire ce dimanche. C’est ridicule. Le Nino a besoin de matchs, et, pas si paradoxalement qu’il y parait, de repos, après avoir été traité comme du bétail par Benitez l’an dernier; il a aussi besoin de recevoir le ballon dans les pieds, pas à trois mètres de hauteur comme ce fut le cas hier, surtout lorsqu’il est constamment surveillé par deux centre-backs aussi sobres et efficaces que Dann et Johnson. Toutes ces réserves émises, reste la conclusion: des trois clubs précités, nous savons tous qu’aucun ne sera champion, au bout de quatre journées.
Mon dernier mot sera pour émettre le voeu que les Wolves de Mick McCarthy soient relégués. Une équipe de bouchers. Samedi, c’est Bobby Zamora qui a fait les frais de leur anti-football. Karl Henry, faux dur à la Domenech, s’est bien assuré qu’en prenant le ballon, il cisaillait aussi les jambes de son adversaire. Bilan: fracture, quatre mois ‘out’, minimum, même pas un carton pour ce descendant minable de Vinnie Jones et Cie, ce lâche qui attaque par derrière, match après match. Et il en est fier, le voyou. C’est une chose qui m’inquiète – je n’ai jamais vu autant de ‘tacles’ de meurtrier que depuis deux-trois saisons, y compris à l’époque de ‘Chopper’ Harris. Le rythme, le tempo des matchs est tellement plus rapide aujourd’hui que les impacts sont multipliés par dix; or quiconque a joué au football sait qu’il est possible d’éviter ce genre de ‘challenges’. Le cynisme de certains managers (Mick McCarthy le premier d’entre eux) leur fait encourager ce travail de démolition, contre lequel le corps arbitral et les corps constitués ne sévissent pas assez. Exemple: le ‘tacle’ de Paul Robinson sur Abou Diaby samedi – un attentat, rouge direct, aucun doute là-dessus. On ignore encore quelle est la gravité de la blessure du Bleu. On croise les doigts. Mais on voudrait aussi que les Robinsons et Henrys de ce monde en soient chassés pour de bon. Ne donnons pas de place aux démons dans ce paradis que devrait être le football.