Philippe Auclair - 2 janvier 2010

2011 - Depart sur les chapeaux de roue!
Pour commencer – à tous et à toutes, mes meilleurs voeux pour 2011!
Une année dans laquelle les certitudes seront rares; dans la vie de tous les jours, on doit le craindre – dans le football, on peut l’espérer. Et une année qui nous permette de vivre encore bien des week-ends aussi beaux, aussi palpitants que celui qui vient de s’achever. Un seul match nul, et encore, avec six buts! 2011 a commencé sur les chapeaux de roue...
Qui sera champion? “C’est à Manchester United de perdre le titre”, a dit Brian Kidd, l’homme qui avait marqué pour ce club en finale de la Coupe d’Europe de 1968. Kidd est évidemment passé depuis dans l’autre club de la ville, et sa déclaration avait un petit parfum ‘guerre psychologique’ qui n’a échappé à personne. Endormir l’adversaire pour mieux le surprendre...sauf, évidemment, que s’il y a bien un manager qui ne laisserait en aucun cas prendre à ce genre de jeu, c’est bien Sir Alex Ferguson. Au passage, bon anniversaire, maestro! Et bon anniversaire également à ces autres fils de la Saint Sylvestre que sont Jack Wilshere et Steve Bruce, sans oublier Cesc Fabregas, qui a disputé son 200eme match de championnat pour Arsenal à Birmingham samedi. Il ne l’a pas loupé non plus!
Regardant un superbe West Brom être victime d’un hold-up au Hawthorns samedi, la pensée m’est venue de comparer de ce qu’avait fait United à ce que, quelques jours plus tôt, Arsenal n’avait pas su faire à Wigan, et à 11 contre 10. Comme Wenger, Fergie avait fait tourner: personne ne s’attendait à voir Obertan (invisible), Neville (carbonisé) ou Kuszcak (simple spectateur) sur la feuille de match – voire Fabio et Gibson faire leur entrée en qualité de remplaçants. Mais tandis que les Gunners, pris à la gorge par un Wigan des bons jours, semblaient avoir fait le plus dur, deux points ont été lâchés de la manière la plus stupide qui soit. United, médiocre, dominé dans tous les compartiments du jeu (désir, duels, inventivité, possession, qualité des passes), a trouvé les ressources pour tirer parti des rares occasions qui se sont présentées à eux. Résultat – ce qui aurait dû être leur première défaite de la saison s’est transformé en une victoire. Voilà la différence: entr’ouvrez la porte (le pénalty manqué d’Odemwingie, et celui qui, incroyablement, ne fut pas accordé pour la faute – carton rouge? – de Neville en première mi-temps), et les red devils s’y engouffrent. Faites la même chose pour les Gunners, et une fois sur deux, ils se contentent d’y frapper sans entrer. Cela ne peut suffire.
Cela dit, n’allons pas trop vite en besogne; songez à tous ces déplacements qui attendent United dans la seconde partie de la saison: Arsenal, Chelsea, Liverpool, Tottenham...ce qui porte à faire penser qu’il leur sera très difficile de préserver leur invincibilité actuelle. Ferguson lui-même n’y croit d’ailleurs pas une seconde, lui qui parle de 82 ou 83 points pour devenir champion. Non, rien n’est joué. Mais reconnaissons – après avoir salué West Brom, dont la situation présente est incompréhensible au vu de la qualité de leur jeu et de l’intensité de leur engagement – que United a au moins eu le grand mérite de ne pas complètement perdre sa lucidité quand d’autres auraient baissé les bras. Merci Vidic, au passage! Sans lui, MU serait reparti bredouille de Birmingham. Pour Rooney, auteur de son premier but en Premiership – un pénalty excepté – depuis la victoire de Chelsea à Old Trafford en avril dernier, croisons les doigts. Il semblerait cependant que sa cheville, de nouveau touchée, le rende indisponible pendant deux semaines. Ce qui ne l’a pas empêché de revenir sur le terrain, pour que son équipe finisse bien à onze. Non, Rooney ne pense pas qu’à l’argent. Son agent, si, voilà la différence.
Arsenal avait à Birmingham un onze qui ressemble de plus en plus à son onze-type, et qui a superbement géré des Blues visiblement remontés à bloc par leur entraîneur Alex McLeish, à preuve quelques ‘tacles’ scandaleux, dont deux de Lee Bowyer sur Bacary Sagna qui, n’ayant pas été vus par l’arbitre, pourraient intéresser la FA. Les Gunners ont gardé leur calme, à l’image d’un Fabregas par moments majestueux, pourtant victime d’un attentat de Johnson dès la 8ème minute. Samir Nasri? 13ème but de la saison, splendide. Walcott? Excellent. Djourou? Squillaci peut dire adieu à sa place de titulaire. Fabianski impeccable, etc, etc. De la belle ouvrage avant le choc de mercredi, quand Manchester City, pas grandiose, mais réaliste (air déjà entendu) face à un Blackpool qui a su tenir son nouveau rang, sera le visiteur du soir à l’Emirates. Miam miam.
Liverpool. Grand club. Autrefois. Et là, laissez-moi pousser un coup de gueule. On chante ‘You’ll never walk alone’ avant tout les matchs...bravo. C’est le plus beau son du football mondial. Et derrière, on entonne, avec ‘ironie’ (que c’est drôle...) ‘Hodgson for England’. Tous unis...sauf quand il s’agit de défendre le manager à qui on a refilé le foutoir laissé par Rafael Benitez et auquel personne n’a voulu donner sa chance sur les bords de la Mersey. Personne, sauf quelques joueurs: Carragher et Gerrard en particulier. Et Joe Cole, dont le premier but (enfin!) a donné quelques bouffées d’oxygène à celui qui l’a fait venir de Chelsea. Je ne me suis jamais caché des liens d’amitié qui m’unissent à Hodgson. Mais ce ne sont pas ceux-ci qui me font frémir de rage devant le travail de sape dont il a été victime depuis sa nomination; ils ne font qu’intensifier celle-ci.
Regardez-vous dans la glace, les scieurs de branche qui, depuis le départ de Benitez, manoeuvrent pour ramener le messie Dalglish et qui, avant le match de samedi, priaient en masse pour la défaite de votre équipe afin que Hodgson périsse dès le premier jour de 2011. Si, si – regardez les messageries des reds...une honte! Et qui, même après la victoire contre Bolton, réclamaient sa tête. Ne comprenez-vous pas qu’en trahissant votre entraîneur, vous trahissez votre club? Ne parlons pas de la détestable coterie des ‘grands anciens’ (Hansen, Lawrenson et cie) qui, depuis la première minute, n’ont jamais loupé une occasion de dénigrer Hodgson dans Match of the Day et ailleurs. Vous croyez vraiment que Dalglish, complètement coupé du football de haut niveau depuis son passage – désastreux, faut-il vous le rappeller? – au Celtic, soit l’homme de la situation? Souvenez-vous également comment, après avoir hérité du Newcastle de Keegan, qui possédait l’un des plus beaux squads de la Premiership, il l’avait fait dégringoler à la 13ème place du classement en un an et demi.
Le problème n’est pas Hodgson, qui est de toute façon semble-t-il condamné. Le problème est un effectif dans lequel, depuis les départs d’Alonso (merci Rafa) et de Mascherano (merci le board), on ne compte plus qu’une poignée de joueurs qui sont dignes du maillot rouge. Reina. Stevie G. Torres, qui a la tête ailleurs. Peut-être même Dirk Kuyt qui, lui, au moins, ne s’est jamais caché. Le bois mort entassé pendant l’ère Benitez doit être passé à la pulpeuse. Hodgson le sait. Henry le sait. Mais Henry va, c’est certain, faire son Ponce Pilate et donner raison aux lyncheurs. C’est un autre que ‘Uncle Roy’ pour lequel on ouvrira enfin le chéquier en janvier.
En d’autres temps, on laissait aux managers le temps de faire leur travail à Liverpool. Shankly avait connu deux saisons plus que compliquées avant de gagner le titre de 1964, le déclic qui donna naissance au grand ‘Pool des 25 années à venir. Ouvrez les yeux, supporters des reds: ce grand ‘Pool n’existe plus. Bonne chance dans votre chasse au messie. Dalglish? O’Neill?...Benitez??? On marche sur la tête.
Evidemment que Hodgson porte sa part de responsabilité. Il ne s’en cache pas d’ailleurs! Konchesky pour résoudre le problème des reds sur le flanc gauche? Poulsen pour ‘remplacer’ Mascherano? Ce que je crains, c’est que Liverpool ne soit en train de nous ‘faire une Newcastle’ – à savoir s’imaginer être encore le grand club d’avant, se draper dans la légende, et entrer dans une ère d’instabilité chronique, et de déclin. Non, JW Henry n’est (heureusement) pas Ashley. Mais que connait-il de la dimension émotionnelle si particulière de Liverpool? Rien, sinon ce qu’il est en train de découvrir. Randy Lerner, lui, soutient Houllier à Villa, en dépit de résultats encore plus décevants. Et c’est Lerner qui a raison. Comme Birmingham avait eu raison en conservant sa confiance à Alex McLeish malgré une descente en D2; comme l’admirable Bill Kenwright avait conservé sa confiance à David Moyes quand Everton avait failli finir en Championship; comme Martin Edwards avait soutenu Ferguson en 1990, quand tous les supporters de MU voulaient la peau de l’Ecossais. Un Américain pourrait en apprendre d’un autre – mais ce ne sera pas le cas.
Je conclus par le meilleur: un Chelsea-Ville de derrière les fagots qui nous a rappellé (si besoin était) pourquoi on aime tant ce foot anglais. Vous trouverez toujours des peine-à-jouirs qui vous expliqueront qu’avec des défenses en bois comme celles-là, c’est facile de marquer six buts. Tant pis pour eux! Pour ce qui est de la technique, oh oui, que de déchet...mais un déchet d’abord provoqué par l’intensité des duels – parfois limite dans le cas de Villa, qui a pris sept cartons en l’espace de 29 minutes! Ce doit être un record...
Au sortir du stade, nous avions tous le sourire. Quel pied! Que de rebondissements, et surtout, que d’émotion! Celle, extraordinaire, qui a traversé tout Chelsea quand John Terry a marqué le but du 3-2; celle, poignante, de Randy Lerner, quand Clark a égalisé dans les arrêts de jeu. Le Randy est un accro du ballon, un amoureux de son club, une des raisons de l’aimer. Vous en connaissez beaucoup, des présidents comme celui-là?
Dans ce match, deux géants. Côté Blues, Terry, revenu à son meilleur niveau depuis plusieurs semaines, pile au moment où son équipe avait le plus besoin de lui. On peut détester le personnage, on doit admirer un très grand joueur qui, ce dimanche, a encore mérité son nom de Mr Chelsea. Côté Villans, Emil Heskey, nounours en dehors du terrain, guerrier crampons au pied, qui a donné une démonstration quasi-parfaite de l’art de jouer seul en pointe, à l’anglaise. Seul Houllier a trouvé la clé de cet homme réservé, à qui il n’a manqué qu’un peu de confiance pour faire une énorme carrière. A la fin de ce match de folie, tout le monde aura compris, je l’espère, pourquoi sélectionneur après sélectionneur ont voulu mettre son nom en tête de leurs listes.
Ancelotti se refusait à admettre que Chelsea soir hors-course pour le titre après deux nouveaux points perdus à domicile, alors que tous les autres candidats avaient gagné, eux. Il faisait déjà référence à la réception de Manchester United le 1er mars prochain. Rien n’est joué, dit-il en substance. Ce week-end de fous, au terme d’une des plus belles campagnes de Noël que j’ai vécues, nous a rappellé qu’il n’avait sans doute pas tort. Tout est encore possible, parce qu’en Angleterre, justement...eh bien, tout est vraiment possible.
A demain soir au micro, pour le retour du grand after!