Philippe Auclair - 28 Fevrier

A la recherche d’un match perdu...
Vous tous et vous toutes qui vivez le football avec l’accent anglais, vous étiez devant votre écran hier dimanche, pour assister à ce qui fut sans doute la plus belle finale que nous ayions vécue à Wembley depuis l’inauguration du nouveau stade. Oui, la plus belle, la plus haletante, la plus indécise, jusqu’à ce qu’Obafemi Martins se voie donner l’occasion d’exécuter son saut périlleux arrière.
Je sais quels seront les grands titres des journaux anglais ce lundi matin; j’ai entendu mes confrères se les passer de table à table dans la salle de presse de Wembley; et si j’étais à la place des supporters d’Arsenal, que je sais si nombreux en France, j’éviterai de les lire. Vous les aurez devinés, de toute façon.
Je faisais partie de ceux qui voyaient arriver ce rendez-vous avec méfiance. Partout, il n’y en avait que pour les Gunners, et ce fameux ‘premier titre depuis 2005’. Je rappellai, vendredi encore avec Captain Larqué, que Birmingham City l’attendait depuis...1963.
Et avant de disséquer le pourquoi et le comment, un devoir: saluer les Blues, qui en auront surpris plus d’un, et je m’inclus dans la troupe.
Birmingham a gagné en jouant. Sans tricher. Sans ‘tailler’. Aurait pu mener 2-0 à 11 contre 10. A frappé le montant de Szczesny. N’a certainement pas été aidé par l’arbitrage de M. Dean. N’a jamais failli. Bref – a mérité, quoi que ce mot veuille dire en football, de repartir de Wembley avec sa Coupe de la League. Que de courage! Et pourtant, Birmingham, à 1-1, était mort, archi-mort. La prolongation leur aurait été fatale, et McLeish le savait; aussi, pour une fois – la bonne, la meilleure -, il a su faire taire son instinct, et parié sur l’introduction de Martins, sans sortir Zigic, qui, lui aussi, était mort. Avant de dire vae victis, commençons par rendre honneur aux vainqueurs, qui ont su trouver un troisième, quatrième souffle, alors qu’ils semblaient asphyxiés.
Mais ce sont évidemment les vaincus dont on parlera le plus. Attendez-vous à ce que tout le monde, ou presque, vous explique que les ‘baby Gunners’ n’ont aucune chance de faire quoi que ce soit en championnat, en Cup ou, ça va sans dire, contre Barcelone. Quant à moi, je n’en sais fichtre rien. Ceux qui assureront cela sont aussi ceux qui affirmaient qu’Arsenal se baladerait ce dimanche. Ils avaient tort hier, ils pourraient aussi bien avoir tort demain.
De la même façon, on va assassiner Laurent Koscielny et/ou Wojzech Szczesny pour ce qui ressemblait à un suicide. Mon avis vaut ce qu’il vaut, je le sais; mais, pour moi, l’erreur capitale n’avait pas été commise par l’un ou l’autre de ces joueurs, mais par leur entraîneur. A la 77ème minute, pour être précis.
C’est alors qu’Arsène Wenger décida de remplacer Andreï Archavine, encore une fois passeur décisif, et le plus remuant des Gunners jusque-là, par un imposteur qui se fait passer pour Marouane Chamakh. Je me tournai alors vers mon voisin (et ami), Jean-Michel Rouet de L’Equipe, les yeux écarquillés. ‘Il est dingue, ou quoi?’ Bendtner pour van Persie, passe encore, tout juste, si tant est que RvP était vraiment blessé. Ce que je ne crois pas une seconde.
D’un coup, d’un seul, en l’espace de trente secondes, la domination écrasante des Gunners s’effrita comme un château de sable.
Combien de fois ai-je maudit ces choix de ‘coaching’ de Wenger. Cygan pour Pires. Denilson pour qui que ce soit. Le problème est que Wenger, grand entraîneur qu’il est, n’a pas à côté de lui un Mike Phelan ou un Joe Jordan pour lui dire: ‘Arsène, c’est n’importe quoi’. Remplacer le deuxième meilleur passeur de la Premiership par un avant-centre dont le capital confiance est au troisième sous-sol...au fou.
Je comprends la logique de Wenger. ‘Gérer’. Mais avant de ‘gérer’, il faut avoir acquis les réflexes de la gagne, pour avoir vraiment quelque chose à ‘gérer’. Aujourd’hui, plus que jamais, Arsenal doit approcher sa saison match par match. Pour gagner. Tel est le discours officiel qu’on entend à l’Emirates. Mais dans les faits? Fabregas, qui aurait pu jouer, n’est pas sur le banc des remplaçants. Walcott, foulure de la cheville, out pour deux-trois semaines. Excuse me? Pour une foulure?
L’idée est compréhensible, le raisonnement faux. Wenger veut préserver son effectif. ‘Gérer’. Alors que ce qui compte plus que tout, pour un groupe qui collectionne les médailles en chocolat, est de gagner. Et tant pis si un joueur se pète le genou. La dynamique créée par le succès compte davantage que les bobos de X ou Y.
La saison d’Arsenal n’est pas finie pour autant. Pour autant...qu’Arsenal se mette dans la tête qu’en football, on ne peut pas tout calculer. Je les en crois capables.
Et s’ils veulent un exemple à suivre, qu’ils s’inspirent de Birmingham City.
Il y a beaucoup de choses à dire sur ce qui s’est passé en championnat, entre Liverpool qui se fait taper par West Ham, Man City qui se tire une balle dans le pied, Robert Pires qui flambe, et les Wolves qui ont enfin le résultat que leur jeu mérite. Je vous laisse le soin de poser les jalons, et les questions. Je tâcherai d’y répondre de mon mieux.
Mais, avant de vous quitter, un post-scriptum bien triste: dernier salut à ‘Deano’ Richards, arrière central des Saints, des Wolves et des Spurs, terrassé par une tumeur au cerveau à l’âge de 36 ans. 36 ans. J’ai eu un haut-le-coeur en l’apprennant samedi. J’ai tout de suite revu le visage de Richards, si reconnaissable. 36 ans. Putain de vie.