Philippe Auclair - 3 octobre 2011

Trente-quatre buts, et un week-end lourd de conséquences...
Trente-quatre buts, et un week-end lourd de conséquences...
A commencer, hélas pour les Bleus et pour Arsenal, pour Bacary Sagna. La tribune de presse de White Hart Lane est située sur la ligne médiane, juste derrière les zones techniques; on y est serré comme des anchois, mais le nez dans l’herbe ou presque, et on y apprend à regarder le football comme le font les entraîneurs. Un privilège. Et c’est à quelques mètres de nous que Bacary Sagna, percuté violemment par Benoît Assou-Ekotto, est allé finir contre un panneau publicitaire. Mais le mal avait été fait avant. Une mauvaise réception, une cheville qui se tord, et, tout de suite, l’appel au banc. Fracture du péroné, en attendant de nouveaux examens ce lundi, qui détermineront si une opération est nécessaire ou pas. Le club parle de trois mois d’absence. Je vous donne mon impression immédiate: cette saison est finie pour Bak. J’espère me tromper, mais sa réaction immédiate et son expression sur la civière étaient celles d’un joueur qui sait que les semaines et les mois à venir seront longs, et difficiles.
Je reviendrai sur ce derby, qui fut d’abord un match formidable d’intensité. Pour le moment, tous mes voeux de prompt rétablissement à Bacary, qui n’est pas qu’un excellent footballeur, mais aussi un homme dont la modestie, la gentillesse et le courage devraient servir de modèle à beaucoup de ses collègues.
Au risque de me répéter, plus j’avance dans ce métier, plus je doute avoir le droit de m'etendre sur des matches que je n’ai pas vus en intégralité, voire même au stade. Aussi me concentrerai-je sur les deux matches que j’ai vraiment ‘vus’ ce week-end, à savoir les derbys de la Mersey et du nord de Londres.
Pour le reste: United a souffert, et Norwich confirmé tout le bien qu’on peut penser d’eux et de leur manager Paul Lambert. Si les Canaries avaient un avant-centre digne de ce nom, ils auraient pris les trois points à Old Trafford, comme ils auraient dû les prendre à Stamford Bridge.
Pour City et Chelsea, la tentation serait de dire: voilà deux vrais candidats au titre, qui l’ont encore prouvé en allant gagner par quatre buts d’écart à l’extérieur. Mais que de faiblesses chez leurs adversaires! C’est un nouveau paramètre dans le football anglais, et pas des plus prometteurs: avant, il était convenu qu’on aurait toujours un Derby, un Burnley, qui seraient les punching-bags des cadors, et finiraient la saison avec une différence de buts du genre -30 ou -40. Cette saison, il ne s’agit plus d’une seule équipe, mais de plusieurs. Blackburn est catastrophique. Bolton, sans Holden, sans Sturridge (qui s’est joliment rappellé à leur souvenir, et a eu le tact de ne pas célébrer ses buts), sans Lee, n’est que l’ombre de l’équipe si séduisante de l’an dernier, même si Owen Coyle n’est pas devenu un mauvais entraîneur en quelques mois. Wigan ne se remet pas du départ de N’Zogbia et de l’absence de Rodallega. Or ces trois clubs étaient de ceux dont on pouvait encore récemment espérer qu’ils épiceraient le championnat; les voilà aujourd’hui à jouer les Gijon ou les Augsburg de la Premier League. Not good. Bravo à Lampard, revenant mais pas fantôme, comme je l’ai écrit dans mon papier pour France Foot, pour son triplé. Mais les cinq buts des Blues, dont la plupart étaient d’ailleurs tragi-comiques (pauvre Bogdan..), en disaient plus long sur les problèmes de leurs adversaires que sur les qualités réelles de Chelsea, en net progres (nous le savions deja) et de City.
Je ne mettrais pas QPR dans cette corbeille d’enterrement, soit dit au passage, malgré la roue de bicyclette ramenée de Fulham, qui a enfin gagné. Les Rs sont un club schizophrène, porté par l’air du temps. Pour plagier Tennyson, quand ils sont bons, ils sont très, très bons; quand ils sont mauvais, ils sont horribles. Un peu comme Adel Taarabt, en fait. Pas comme Andy Johnson, qu’on croyait mort et enterré, et qui marque cinq buts en l’espace de trois jours. J’ai beaucoup regardé AJ depuis son retour de blessure: jamais il n’a baissé les bras, et il en est récompensé aujourd’hui.
Un petit coup de chapeau à Newcastle est devenu une habitude sur ce blog. Pas malchanceux, ces Magpies, mais pas ‘chanceux’ non plus. Les trois points ramenés de Wolverhampton n’étaient pas volés, loin de là. Le club tourne rond, les joueurs ont l’air satisfaits de leur sort, même les remplaçants, Pardew ronronne, et même l’arbitre est avec eux, semble-t-il. Meilleur début de saison depuis le roi Keegan, du jeu, de la conviction, tutto va bene à St James. Il fait bon être un ‘code-barre’ par les temps qui courent.
Mais venons-en aux matches dont je vous parlais au début de ce billet. Le derby de Liverpool a tourné à la farce aussitôt que Mr Atkinson a sorti le carton rouge le plus scandaleux de sa carrière pour le malheureux Jack Rodwell, qui n’avait même pas fait faute sur Luis Suarez. Jouer à dix contre onze pendant plus d’une heure dans un Goodison chaud comme une serre tropicale, voilà bien quelque chose qu’Everton, qui n’a plus le sou (aucun achat de joueur depuis deux ans), ne pouvait gérer. Les Reds ont fait le boulot, tout juste, encore une fois sans être transcendants. Oui, Suarez est formidable, tellement au dessus...ce qui renforce le contraste avec beaucoup de ses coéquipiers. Le reste? Pas génial. Ajoutons que si ‘Pool fait le service minimum, c’est avec beaucoup de réalisme. Les points tombent dans la musette, c’est l’essentiel. Aussi, attendons. Le but de Carroll lui aura fait un bien immense. Stevie G, qui m’a paru très en jambes à son entrée en jeu, il est vrai contre des Toffees qui avaient fondu au soleil, sera de retour, c’est certain, pour accueillir Man U le 15 octobre prochain. Je ne sais toujours pas quoi penser des Reds cette saison, si ce n’est que je les trouve en deça de ce que disent d’autres que moi, qui les voient déjà qualifiés pour la LDC 2012-13 – alors qu’il est évident que les Spurs ont un effectif largement supérieur, et que, quoi qu’en disent les fossoyeurs des Gunners, je les sens toujours capables de pousser pour une place dans le top 4. N’oublions pas qu’on n’a joué que sept matches à ce jour, moins d’un cinquième de la saison, donc. Presque rien.
Ah, Arsenal. Vous m’attendiez au tournant, j’en suis certain, et vous serez peut-ete surpris de voir mon avis diverger de ce qu’on a lu et entendu ici et la.
Car autant j’étais reparti de matches comme ceux contre Man U et Blackburn en me disant que la situation était devenue ingérable a l’Emirates, autant j’ai senti un frémissement dans cette équipe dimanche après-midi, et cela, malgré un résultat qui met fin – définitivement – aux très, très minces espoirs de titre des Gunners, et ce, malgré la malchance qui continue de poursuivre le groupe de Wenger. Le fait demeure qu’Arsenal, même décimé, même avec des prestations individuelles médiocres comme celles de Walcott et Gervinho, a longtemps fait jeu égal, voire dominé les Spurs. Le mérite en revient grandement à un jeune Français, Francis Coquelin, qui a fait preuve de beaucoup de maturité dans sa couverture du back-four; mais aussi – et là, j’entends déjà les ‘il est fou, ce mec?’- par le très bon travail d’Alex Song et de Per Mertesacker en défense centrale. Ce sont les latéraux qui ont péché dans la couverture de leurs flancs; il faut dire qu’ils n’étaient pas protégés par Gervinho et Walcott comme ils auraient dû l’être. Et regardez les buts de Tottenham: une main de Van der Vaart (et un super-finish!) sur le premier; et la bombe de l’épatant Kyle Walker, que Szczesny (qui reste pour moi l’un des tous meilleurs gardiens de la Premier League, si ce n’est le meilleur – que serait-ce sans lui, ma doué!) sauverait 9 fois sur 10 dans d’autres circonstances.
Non, ce qui inquiétait dimanche, c’était beaucoup plus le manque de créativité, malgré quelques éclairs de classe de van Persie. Wenger a encore repris son expression favorite (‘nous avons joué avec le frein à main’), et, cette fois-ci, il avait raison . Ce qui m’étonne, c’est que malgré tous ces défauts, Arsenal n’est pas passé loin d’un très bon résultat contre un adversaire qui leur réussit pourtant très mal depuis que Redknapp est en place.
Pour Tottenham, par contraste, les choses se remettent en ordre, sans panique, sans psychodrame. Parker abat un boulot gigantesque, Adebayor – scandaleusement insulté par les fans des Gunners, tout comme Wenger fut scandaleusement insulté par ceux des Spurs, hélas -, Bale ressemble à nouveau au cauchemar de Maicon. Qu’ils gagnent leur match en retard (contre Everton), et Tottenham passera devant Newcastle dans le Top 4. Quand on songe à leur début de saison, c’est bien la preuve que la roue tourne très vite en Premier League.
En guise de post-scriptum, voici le groupe retenu par Capello pour affronter le Monténégro en fin de semaine. Un point, et nous serons à l’Euro 2012...et avec Bobby Zamora!
Gardiens: Scott Carson (Bursaspor), Joe Hart (Manchester City), David Stockdale (Ipswich/D2)
Défenseurs: Leighton Baines (Everton), Gary Cahill (Bolton), Ashley Cole (Chelsea), Phil Jagielka (Everton), Phil Jones (Manchester United), Micah Richards (Manchester City), John Terry (Chelsea, cap), Kyle Walker (Tottenham)
Milieux de terrain: Gareth Barry (Manchester City), Stewart Downing (Liverpool), Adam Johnson (Manchester City), Frank Lampard (Chelsea), James Milner (Manchester City), Scott Parker (Tottenham), Theo Walcott (Arsenal), Ashley Young (Manchester United)
Attaquants: Darren Bent (Aston Villa), Andy Carroll (Liverpool), Wayne Rooney (Manchester United), Danny Welbeck (Manchester United), Bobby Zamora (Fulham)
A très vite à l’antenne...