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Philippe Auclair - A bout de souffle...week-end d'anthologie en Angleterre!

Quand Manchester United redevient Manchester United...

Vous avez repris votre souffle? Moi, tout juste. 41 buts ce week-end! Pour la première fois dans l’histoire de la Premier League, les vingt équipes ont toutes marqué. Le plus important, cela dit, n’était pas ce chiffre affollant, mais la qualité du spectacle offert, et il fut le plus souvent brillant. Ma distribution de bons points? Côté rythme et incidents de jeu, un Tottenham-Liverpool haletant tient la corde. Côté suspense, la remontée des Wolves contre Sunderland remporte le premier prix, encore que celle de Bolton contre Blackpool (toujours aussi enthousiasmant) ait aussi été remarquable, avec un deuxième but pour les Wanderers qui ne sera peut-être pas surpassé cette saison pour ce qui est de sa qualité collective. La meilleure note artistique ? Le 4-2 des Gunners à Villa Park, tout juste, dans lequel le trio Rosicky-Wilshere-Nasri a parfois taquiné les sommets. Pour les amateurs de statistiques, évidemment, le 7-1 de Manchester United face à Blackburn, avec le quintuplé de Dimitar Berbatov, lui qui n’avait pas marqué depuis dix matches.

Un nom a donc été ajouté à la réponse de cette question de quiz: quels sont les joueurs qui aient marqué cinq buts dans un match de Premier League (le recordman absolu en championnat demeurant Ted Drake, qui en avait passé sept à Villa quand Herbert Chapman était le manager d’Arsenal)? Dans l’ordre chronologique, Andy Cole, Alan Shearer, Jermain Defoe et, donc, désormais, un quatrième larron, l’ami Dimitar, qui avait commencé la saison en trombe avant, à l’image de son équipe, de perdre son rythme et son efficacité. Mais on a vu un autre Manchester United samedi, et ne faisons pas la fine bouche parce que Blackburn a sombré corps et biens, en concédant dès la seconde minute de jeu. Alex Ferguson tient enfin une performance de référence, alors que jusque-là, son équipe avait collectionné des résultats honorables, mais pas exceptionnels, pour conserver son impressionnante invincibilité, qui est désormais de 29 matchs consécutifs, toutes compétitions confondues. Aucune formation d’un grand championnat européen ne peut en dire autant. Le nombre de nuls concédés pendant cette période (sept rien qu’en cette saison de championnat) faisait que la série n’avait pas retenu l’attention davantage. Mais, cette fois... Laissons les chiffres de côté une seconde. Ce qui aura fait le plus plaisir à Ferguson et aux supporters de United est qu’ils auront retrouvé une équipe entreprenante, capable d’assurer un tempo de feu pendant 90 minutes. On a enfin vu un Anderson jouer une partition sans couacs en milieu de terrain. On a surtout vu que le tandem Rooney-Berbatov pouvait fonctionner, mais d’une manière inattendue, avec le premier dans le rôle de créateur (et dieu sait que United en avait manqué depuis le mois d’août), et le second dans celui de finisseur. Vous qui suivez régulièrement ce blog savez combien j’admire le Bulgare, dont la générosité n’est presque jamais reconnue comme elle devrait l’être, la ‘faute’ à son apparence languide, qui est d’abord l’expression d’un bagage technique exceptionnel. Avec Wazza pour provoquer, et Berba pour donner le coup de grâce (sans oublier Nani dans le rôle de picador sur les côtés), voilà Manchester United qui redevient lui-même, et qui s’installe enfin en tête du classement. Des matches autrement plus compliqués attendent les red devils en décembre, contre Arsenal le 13 (miam-miam) et Chelsea le 19 (miam-miam à nouveau), où leur défense, jamais inquiétée par les Rovers, devra montrer que ses problèmes de réglage, évidents depuis le mois d’août, appartiennent au passé. Mais un tel succès doit servir de tremplin, collectif et individuel – je songe bien sûr à Rooney, qui a commencé à se faire pardonner samedi, mais dont on attend une performance qui fasse enfin passer au second plan les problèmes constants qu’il a rencontrés – et créés – dans sa vie comme dans son travail depuis la blessure subie contre le Bayern le 30 mars dernier. Si c’est la cas, on verra un tout autre United jusqu’en mai prochain.

Chelsea, par contre, patauge toujours. En l’espace de cinq matches, le champion a laissé onze points sur quinze sur le bord de la route. Florent Malouda nous disait tout récemment – à la conclusion d’un laborieux 2-1 face à Zilina – qu’il ne comprenait pas pourquoi son équipe faisait aussi régulièrement des entames de match catastrophiques. Mais ce fut encore le cas face à un Newcastle que, comme d’habitude, Chris Hughton avait superbement préparé pour affronter une grosse écurie de Premiership. Ne jetons pas la pierre à Alex ou à Cech pour le quiproquo qui permit à Andy Carroll (encore, toujours lui) d’ouvrir la marque. Le Bresilien doit se faire opérer du genou, et la seule raison pour laquelle il jouait dimanche est que, Terry toujours blessé (il pourrait faire son retour contre Everton le week-end prochain, Lampard ayant besoin de quelques jours de plus), Ancelotti, en bon Italien, hésite à faire confiance à un jeune comme Bruma qui, c’est vrai, n’avait pas été brillantissime en Ligue des Champions en milieu de semaine. Je vous ai suffisamment entretenu des problèmes en interne des Blues pour ne pas en remettre une couche cette semaine...en fait, si, car il y a du nouveau: Frank Arnesen aurait décidé de quitter Stamford Bridge à la fin de la saison. Il n’y sera pas universellement regretté, mais c’est un autre rouage important du système mis en place (bricolé?) par Roman Abramovitch qui s’en irait. Et il y a la piste Guardiola, bien sûr. Ancelotti, le plus digne des entraîneurs, n’a pas commenté les convulsions actuelles du club auquel il a donné le premier doublé de son histoire; mais personne ne croit plus qu’il durera longtemps encore. Carlo est peut-être aimé et respecté de ses joueurs, mais cela ne suffit pas au collectionneur de yachts, qui veut tout, tout de suite. Le Pep coche apparemment toutes les bonnes cases. J’avoue que j’imagine mal une greffe tellement contre nature prendre au Bridge, dont les occupants actuels (je parle des joueurs) n’ont certainement pas les caractéristiques que la Catalan peut voir et apprécier en son effectif actuel a Barcelone. Cela augure mal pour Chelsea, même si, une fois encore, la domination des Blues en seconde période aurait dû leur permettre de prendre trois points à St James Park. Mais combien de fois a-t-on signalé l’étrange incapacité de buteurs comme Drogba, Anelka et Malouda à accomplir le geste décisif au cours des dernières semaines? Un jour ‘sans’, tout le monde en connait. Un mois ‘sans’ aussi – mais généralement pas un futur champion. Le mois à venir sera déterminant. Bref rappel du programme de Chelsea entre les 4 et 27 décembre: Everton, Tottenham à l’extérieur, Man U au Bridge, Arsenal à l’Emirates!

Pas de Fabregas – pas grave, serait-on tenté de dire. En son absence, Nasri, Rosicky et Wilshere ont pris leurs responsabilités, superbement. Chamakh a encore marqué, ce qui lui donne des stats assez ahurissantes pour un débutant en Premier League: 10 buts et 6 passes décisives en 21 matchs, toutes compétitions confondues. Etrange quand même, cette schizophrénie des Gunners, parfois injouables à l’extérieur (ils sont de loin l’équipe la plus efficace du championnat en déplacement), fébriles ou trop sûrs d’eux à L’Emirates, alors que le ‘nouveau’ stade avait ressemblé à une forteresse lors des quatre saisons précédentes. Si vous avez une explication, je suis preneur – et Wenger aussi. Mais il y a une autre chose qui me chiffonne: le fait qu’Arsenal joue parfois mieux sans son capitaine, il est vrai diminué presque constamment par des pépins musculaires. Cesc, un vrai ‘grand joueur’, apporte avec lui un problème de dépendance – on le recherche constamment, même quand il n’est pas idéalement placé. Instinctivement, on se tourne vers le patron, qu’il soit bien dans sa tête et dans son corps ou pas; c’était pareil avec Thierry Henry. Quand le patron est au top, tout marche à merveille. Quand la machine connait des ratés, le jeu devient plus saccadé, plus hésitant, plus lent aussi. Loin de moi de reprendre l’idée qu’Arsenal serait plus performant sans son capitaine; mais les aléas de forme que celui-ci connait ont un impact exagéré sur ceux qui l’entourent. Ce fut le cas contre Newcastle, Braga et Tottenham – trois défaites, et des vilaines, en plus. La solution est sans doute de laisser Cesc retrouver tous ses moyens, de résister à la tentation de le faire revenir trop vite.

Pour Villa, pas de panique. Houllier n’a plus de milieu défensif (Petrov et Reo-Coker ‘out’), plus d’avant-centre (Heskey blessé). Marc Albrighton, la révélation de la saison, était lui aussi indisponible, tout comme Agbonlahor. Cela fait beaucoup, cela fait trop. Mais les Villans ne baissent jamais les bras, et ont un groupe de jeunes qui servira bien le club dans les mois et années à venir, comme Ciaran Clark, par exemple, auteur d’un doublé samedi. Attendez-vous à voir de nouveaux visages à Villa Park en janvier: on parle de Juninho, en qualité de patron de vestiaire; d’un défenseur central; et d’un avant-centre, qui pourrait bien être....Djibril Cissé, eh oui.

(Et oui, j’y suis allé de ma petite larme en voyant Bobby Pires face à ses anciens coéquipiers...)

La meilleure semaine de l’histoire des Spurs? Pas loin. Les ‘entertainers’ de la Premiership ont donc 1) battu Arsenal chez eux pour la première fois depuis 1993; 2) se sont qualifiés pour les huitièmes de finale de C1; 3) ont remonté un but contre un excellent Liverpool pour finalement l’emporter dans le temps additionnel. Pas mal! C’est la fête à White Hart Lane, et c’est tant mieux. La bande à Bale et Modric n’a peur de personne, et joue avec un abandon qui doit emporter le coeur de tous les neutres – et des autres. Y a-t-il une autre équipe qui garantisse à ce point le spectacle? Je n’en vois pas – et je souhaite bonne chance à leurs futurs adversaires en Ligue des Champions...Liverpool, malgré sa défaite, revient bien. Même sans Gerrard et sans Carragher (luxation à l’épaule), il y a un nouvel élan chez les Reds. Torres est tout, tout près de son vrai niveau. Lucas a fait des progrès remarquables, et Meirelles ressemble enfin au Meirelles que nous connaissions. Regardez le classement: une petite série de victoires, et ‘Pool sera de nouveau dans le coup pour une place dans le Top 4 – je suis sérieux!

...et je concluerai, comme presque chaque semaine, semble-t-il, en saluant QPR, qui a obtenu un résultat capital en battant Cardiff à Loftus Road. Toujours invaincus après 19 journées de Championship, les Rangers ont encore pu compter sur Zorro pour arracher les trois points: je veux parler d’Adel Taarabt, bien sûr! Incroyable Adel...mais pourront-ils conserver un joueur qui aurait aisément sa place dans une équipe du Top 5 de la Premier League? Encore un but marqué du sceau du génie contre les Gallois, et voilà Taarabt meilleur buteur des Hoops avec 8 buts.

Demain, billet ‘Coupes du Monde de 2018 et 2022’...Ca chauffe à Zurich, croyez-moi. A tout a l’heure a l’antenne...