Philippe Auclair - week-end de fous en Premier League!

Vae victis - malheur aux vaincus, Arsenal et Chelsea...
Incompréhensible, cette première gifle des Gunners à la maison face à Tottenham depuis 1993? Sur le moment, oui. A froid, non. Arsenal a manqué une magnifique occasion de prendre la tête de la Premier League, et ne peut que s’en prendre qu’à lui-même. Que d’arrogance! Que de suffisance!
Et cela, alors que les Gunners venaient de disputer leur meilleure mi-temps de la saison en championnat, après avoir tiré le parti maximum des espaces laissés par le milieu de terrain ultra-offensif de Harry Redknapp. Mais Arsenal s’est vu trop beau, trop vite. Tottenham, admirablement combatif, a digéré la leçon prise en première mi-temps, et en a donné une à sa façon en seconde.
Arsenal n’a aucune excuse. Les Spurs avaient autant de joueurs en déplacement avec leur sélection en milieu de semaine, et davantage de blessés à l’infirmerie. Mais comme au printemps dernier, quand Arsenal avait été battu 2-1 à White Hart Lane, Harry Redknapp a gagné la bataille tactique, alors que son équipe s’était noyée pendant 45 minutes. Rien de bien sorcier, d’ailleurs: Defoe in, Lennon out, van der Vaart qui glisse sur le côté droit, Pavliyoutchenko qui prend sa place comme attaquant de soutien dans le 4-4-1-1 des Spurs. Ce repositionnement n’aurait d’ailleurs probablement pas suffi si Arsenal n’avait pas laissé son envie – et son football – au vestiaire à la pause; il a néanmoins redonné une forme au midfield des Spurs, à laquelle Wenger et ses joueurs n’ont pu ou su s’adapter. 3-2 pour les Spurs, 1-0 pour Harry.
On aura aussi vu les limites de certains joueurs qu’on a monté au pinacle beaucoup trop vite. Laurent Koscielny ne fait certainement pas oublier Thomas Vermaelen....ou William Gallas, exceptionnel à l’occasion de son retour à l’Emirates, et aux côtés duquel Younes Kaboul, hésitant au départ, a monté en puissance, pour finalement asséner le coup de grâce. Je ne serais pas étonné que Djourou, discret mais efficace à Wolverhampton et Everton, soit préféré au Français pour le déplacement à Braga.
Certains parlent d’un ‘effet Emirates’ pour expliquer ces trois vilaines défaites à domicile, dont la dernière sera sans doute celle qui a fait le plus mal – comme il y avait eu un ‘effet Wembley’ lorsque Arsenal, alléché par un surplus de recettes, fit le choix désastreux d’y disputer ses premiers matches de Ligue des Champions. C’est se méprendre sur les raisons des récents revers. Arsenal a déménagé de Highbury en 2006. Combien de défaites à domicile depuis en championnat? Six en quatre ans avant cette saison, et presque toujours contre des caïds du Big Four. Non, il n’y a pas un ‘effet Emirates’. Il y a par contre une équipe d’Arsenal qui, sur le papier, a les armes pour prendre le titre, mais s'imagine qu'on doit le lui offrir sur un plateau.
Voilà ce que Bacary Sagna, l’un des rares à surnager 90 minutes, nous a dit juste après le match: « C’est nous, les joueurs, les principaux responsables ! Quand tu es à 2-0 à la mi-temps, tu n’as pas le droit de prendre trois buts, qui plus est chez toi. En premiere période, on a été bons. Mais, en deuxième période, on a été nuls. A 2-0, on a essayé d'aller marquer le troisième but qui les aurait enfoncés plutôt que de rester en place et bien défendre. Mais on ne peut pas se permettre d’attaquer comme des fous comme on l’a fait. A chaque fois, on se fait prendre en contre. C’est toujours la même chose. Et on ne retient pas les leçons. C’est impardonnable ! »
Je n’ai rien à ajouter à ce verdict sans appel. Si ce n’est que Tottenham n’a rien volé. Gareth Bale a encore montré des choses magnifiques; son but, bien sûr, mais aussi quelques gestes extraordinaires, dont un contrôle de l’extérieur du gauche sur un six mètres de Gomes qui avait quelque chose de magique. Ce gamin de 21 ans est presque déjà un grand. Les Spurs sont encore trop inconstants pour jouer le titre, mais, pour autant qu’ils sachent gérer leur match contre le Werder (en perdition en ce moment) mardi soir, ne les verriez-vous pas faire un beau parcours en C1? Je l’espère. Pour le public du Lane, et pour le jeu que la bande à Harry nous offre depuis le début de saison. Tottenham ressemble enfin à nouveau à Tottenham. C’est une excellente nouvelle pour le football anglais, même si elle moins bonne pour Arsenal.
Chelsea. Ah, Chelsea...trois défaites en quatre matches, un seul but marqué en 360 minutes de jeu, et tellement d’histoires qui circulent autour du vestiaire...Je vous raconterai celle de Ray Wilkins à l’antenne. Elle n’est pas triste, croyez-moi (enfin, elle l’est – mais nous nous comprenons). Oui, les Blues sont tombés sur un grand Ben Foster, pas celui qu’on voit, hélas, en équipe d’Angleterre. Mais le Chelsea ‘d’avant’ aurait trouvé le moyen de battre Birmingham City. La différence est que le Chelsea ‘d’avant’ n’avait pas six gamins sur le banc, contre un seul international ‘A’, alors que City en avait...cinq! Abramovitch a tranché dans le vif dans son désir d’assainir les finances du club. En théorie, c’est louable; en pratique, quans les blessures et les suspensions s’accumulent, cela débouche sur la crise actuelle. Ballack, Deco, Belletti, Joe Cole, Carvalho, vous nous manquez. Si ces jeunes sont aussi bons que ça, pourquoi ne pas les faire jouer, Carlo? C’est que Carlo sait qu’ils ne sont pas prêts, pas tous en tout cas. Josh McEachran mérite de prendre la place de Ramires, et on en aura, je crois, la confirmation contre Zilina mercredi. Pour Kakuta...je suis inquiet. Le club lui propose – à 19 ans – un nouveau contrat de quatre ans. Gaël ne veut pas le signer tant qu’il n’aura pas l’assurance de jouer davantage. Dingue. A 19 ans! Kakuta veut-il devenir un Lassana Diarra bis? Du temps de jeu, il en a, de temps à autre, au mérite. Il en aura de plus en plus, s’il sait attendre. Mais Kakuta (ou ceux qui le conseillent) sont impatients. Au lieu d’apprendre son métier aux côtés de grands joueurs, sous la conduite d’un grand entraîneur, dans un grand championnat, le voilà qui se croit déjà en haut de l’affiche, alors qu’il n’a rien prouvé, rien gagné. Accroches-toi, Gaël, restes à Chelsea!
Il s’est passé tant d’autres choses ce week-end, évidemment, à commencer par la confirmation que Bolton n’est pas un feu de paille, même si Bolton flambe sous la conduite d’Owen Coyle, avec un tandem Davies-Elmander en pleine bourre, et le Coréen Lee pour faire se dresser la foule.
Et si Mancini, dont le nom a été scandé à de nombreuses reprises par ses supporters dans un Cottage glacial (j’en tremble toujours), n’était pas le nul qu’on a dépeint? Vous qui lisez ce blog savez que mon opinion sur l’Italien a changé au fil du temps, et que je me suis rendu compte que ma réticence initiale avait pour cause non pas ses qualités, mais les conditions honteuses dans lesquelles il avait été mis dans le siège de Mark Hughes alors que celui-ci s’y croyait encore assis. Mea culpa!
Villipendé dans les médias, Mancini, fier-à-bras timide, est, petit à petit, en passe de réussir son pari. Man City a joué – pour de vrai – à Fulham. On a enfin vu des Citizens qui prenaient des risques (calculés, bien sûr, on ne se refait pas!) et un David Silva libéré dans son nouveau rôle de meneur de jeu. Outre Tevez et Zabaleta, buteurs devant le dieu Maradona en personne, deux joueurs m’ont épaté: Yaya Touré, monstrueux dans une position qui n’était certainement pas la sienne au Barça, quasiment attaquant de soutien!; et Alexander Kolarov, parfait dans tous ses choix sur la gauche de la défense. Je l’ai ‘scouté’ en 2ème mi-temps, ne suivant quasiment que lui: ses stats OPTA doivent être extraordinaires. Pas un appel de gâché, pas un ballon perdu, beaucoup d’initiatives, et une concentration de tous les instants. Je ne m’étonne pas que Mourinho aie louché sur lui. On a besoin d’une confirmation du match de Craven Cottage; si elle vient, City, qui a l’effectif le plus dense de la Premier League (et qui le sera encore plus en janvier), a des chances de coiffer tout le monde sur le poteau. Absolument!
Y compris United, qui a ‘fait le boulot’ contre un Wigan réduit à neuf, et qui ne convainc toujours pas. Dear United fans, je sais! Votre équipe a le même total de points que Chelsea. Mais que c’est médiocre, ce jeu décousu que montre votre équipe depuis le début de saison. Et si vous croyez que j’ai un a priori contre les red devils, ce qu’à Dieu ne plaise, écoutez ce qu’en dit un mancunien 100% pur jus, l’ami Erik Bilderman: il est beaucoup plus dur que je le suis moi-même. Sir Alex a accompli un petit miracle (un de plus) en maintenant son équipe dans le peloton de tête, malgré des performances dont aucune n’a encore été celle d’un champion.
Un mot rapide sur les deux ‘Pool’. Les Reds ont tué West Ham, puis levé le pied; sans Gerrard. Encourageant. Une bouffée d’air pour Hodgson, dont je ne sais pas si elle sera suffisante, mais qui arrive à point nommé. Les Tangerines de Ian Holloway, eux, ont fait le spectacle, une fois de plus. Leur joie de jouer est peut-être la plus belle histoire de la Premiership cette saison. Long may it last!
Enfin, coup de chapeau à QPR, toujours invaincu en Championship, et pour lesquels Adel Taarabt continue de faire des merveilles. Regardez ses deux buts du week-end, ma doué! Un copain qui suit les Rangers toutes les semaines m’a dit ce soir: ‘il est complètement cinglé, mais génial’. Un peu comme Neil Warnock, alors? Vivement les Hoops en Premier League!