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Polo 04/01

Bonne année…fiscale !

A l'heure ou les best of et autres rétrospectives inondent nos supports médias n'attendez pas de moi un "poloroïd" de l'année écoulée en Bundesliga ! Je préfère une projection vers l'avenir et aborder un sujet plus polémique qui risque de faire parler de lui : l'évolution de la fiscalité du football européen en 2010 et ses conséquences à moyen terme. "Il ne nous manque rien pour être tout au sommet. Je crois que nous avons le meilleur championnat national au monde". Cette citation de début de saison signée Felix Magath, Entraineur de l'année 2009, a bien entendu fait sourire hors des frontières germaniques car la dernière victoire d'un club allemand en coupe européenne remonte à 2001…une éternité pour l'Allemagne surtout si l'on compare avec le nombre de trophées obtenus (hors coupe des coupes) les décennies précédentes (5 dans les années 70, 3 dans les 80s, 3 dans les 90s et donc 1 dans les années 2000). Un déclin évident qui ne porte pas à l'optimisme. Pourtant à y regarder de plus près Felix "le matou" n'a-t-il pas raison ?

Car 2010 risque d'être l'année de tous les bouleversements. En effet l'Espagne et l'Angleterre modifient en profondeur les règles du jeu en faisant évoluer drastiquement leur fiscalité. Tellement drastiquement que l'Angleterre, apôtre de l'économie libérale, va devenir le pays le plus taxé dans le monde du football européen. Au mois d'avril 2010 une surcharge fiscale qui impactera aussi bien les joueurs que les clubs ! Pire que la France vous vous rendez compte ! Un vrai paradoxe, non ? Surtout si l'on se réfère à la classification de Michel Albert d'un capitalisme anglo-saxon contre un capitalisme rhénan. Arsène Wenger n'a-t-il pas déclaré qu' "avec la nouvelle loi fiscale et l'écroulement de la livre anglaise la domination de la Premier League était finie" ?

Malgré l'arrivée du Cheik Mansur bin Sajed al-Nahjan et de ses millions à Manchester City les transferts des stars du ballon rond ont eu lieu vers l'Espagne et sa nouvelle fiscalité avantageuse en échange d'un contrat longue durée. Les joueurs de football choisiraient ils leur destination pour des raisons purement fiscales au détriment de l'amour du maillot ? Me reviennent alors à l'esprit les propos de Nicolas Anelka sur notre hypocrisie typiquement française vis-à-vis de l'argent ! J'ai eu droit au "philosoft" Ben Arfa avec Nietzsche (un Allemand vous me direz !) et maintenant j'ai la sensation qu'on a mis entre les mains d'Anelka Le Léviathan de Hobbes tellement sa diatribe néolibérale était violente ! A t'écouter aucune chance donc de te voir jouer en Bundesliga mon petit Nicolas ! Et tant mieux ! Pour ta gouverne l'économie allemande, première puissance européenne, est basée sur la "Soziale Marktwirtschaft",l'économie "soziale" de marché… même si tu n'es pas polyglotte le mot "Soziale" tu dois pouvoir le traduire tout seul. Afin d'étayer mes propos quant à l'évolution des salaires des joueurs et pour qu'on ne me traite pas de "pangermaniste primaire" prenons l'exemple de trois footballeurs, dont deux ont laissé leurs empreintes en Espagne (devinez lesquels ?), ayant joué dans le plus titré des clubs européens : le Real Madrid. Raymond Kopa, star des années 50-60, nous rappelle que "pendant toute son adolescence, il n'a eu qu'une obsession : quitter la mine, ne plus descendre à 612 mètres de profondeur pour gagner sa vie". De son côté Paul Breitner, star des années 70-80, dans sa sulfureuse autobiographie "Ich will kein Vorbild sein" dénonce la faiblesse des salaires pratiqués dans le monde du football et fustige le fait qu'en Bundesliga les joueurs qui gagnent 400 000 marks bruts (environ 200 000 euros) par an, dont 54% iront aux impôts, se comptent sur les doigts d'une seule main. Enfin Nicolas Anelka, joueur des années 90-2000, nous assène "Je ne veux pas jouer au foot et payer 50% de ce que je gagne. L’argent que j’ai, il est pour mes enfants. Si je peux leur offrir quelque chose, je le ferais là où il n’y a pas de fiscalité". Si, selon lui, la France est un pays hypocrite que dira t-il de la perfide Albion après sa réforme fiscale ? Ou comment passer de l'argent caché de Jean Noël Jeanneney à l'argent fou d'Alain Minc ! T'inquiètes pas Nico même après impôt tu lègueras à ton enfant en un seul mois plus que la moyenne patrimoniale rassemblée par un Français tout au long de son existence ! Après tout plus rien ne m'étonne tant la dérive du foot-business est grande. Aussi comme le rire est le propre de l'Homme je ne peux qu'évoquer le trop tôt disparu Pierre Desproges qui claironnait "avez-vous déjà entendu penser un footballeur ?"

En début de saison Schalke 04, le club phare de la Ruhr avec le Borussia Dortmund a proposé de limiter à 70% pour tous les clubs de Bundesliga le pourcentage que représente la part de la masse salariale par rapport au chiffre d'affaires réalisé. Le véto décrété par le Bayern Munchen a oublié au fond des tiroirs cette proposition. 70% ! A titre de comparaison aucun secteur économique classique du monde "réel" ne peut survivre avec un tel ratio. Pourtant de plus en plus de voix s'élèvent en Europe pour dénoncer la dérive des salaires dans le monde du football. «Il est nécessaire que certaines folies finissent» assène…Marina Berlusconi dont le père fut le symbole de l'explosion des émoluments avec le Milan AC. L'"Abbé Platoche", l'actuel Président de l'UEFA, propose un "fair play financier" après la réforme de la Ligue des Champions. Une lame de fond pour purger les excès du foot business ? Car comment expliquer que l'Allemagne ait autant reculé sur la scène européenne sinon que par une distorsion de concurrence ? Record de spectateurs dans des stades de nouvelles générations, record de ventes de maillots en Europe, clubs sains financièrement appuyés par de grandes entreprises et contrôlés par une DNCG des plus drastiques, record de la moyenne d'âge la moins élevée d'Europe validant la politique de formation menée depuis 2002 par le "Baron rouge" Matthias Sammer et qui porte ses fruits avec les titres conquis depuis 2007. Pour finir ce billet un petit tour du côté de Fritz Lang et de son merveilleux film Metropolis avec un dicton digne de la plus belle poésie allemande : "le cœur est l'intermédiaire entre la main et le cerveau, c'est-à-dire entre le travail salarié et le capital."

Une excellente année à tous et merci pour vos encouragements !

Polo