Double Contact: Bengous nous fait visiter son Marseille

Les passants sursautent en même temps sur le trottoir en contrebas, stoppés dans leur élan par la puissance du cri. Perché en haut des marches, au pied du Vélodrome, un homme surplombe le boulevard Michelet en hurlant comme un haut-parleur: "Aux armes/Nous sommes les Marseillais/Et nous allons gagner/Allez l’OM!" La voix résonne dans tout le quartier, comme un son familier. Les habitants la connaissent depuis longtemps. C’est celle de Bengous.
Le youtubeur a grandi ici, à deux pas du Virage Sud, dans le 8e arrondissement de Marseille. Son ancien bâtiment donne même directement sur le stade. Les soirs de match, la clameur des supporters devançait l’image de sa télévision et soixante-mille personnes lui spoilaient les buts dans un lointain brouhaha. Il en parle avec un sourire nostalgique lorsqu’on le rejoint pour visiter son secteur.
"Le PSG a acheté Vegeta et Maître Gims"
En se baladant devant le "Vél", il repense aux joueurs qui l’ont exaspéré durant toutes ces années: "Tu te rappelles de De Ceglie? Je crois qu’il a fini DJ. Disc-jockey oué." Après avoir embrassé de loin l’étoile qui s’affiche sur un grand panneau à la gloire de l’OM, Benjamin (son vrai prénom) envoie un petit tacle au PSG.
L’une de ses spécialités: "Si on avait le budget du Qatar Saint Germain depuis toutes ces années, fréro, on aurait des étoiles sur tout le corps. Je ne veux pas faire vraiment le Marseillais, mais sur la tête de mon chien qu’on l’aurait gagné au moins deux fois. Ils ont des cyborgs, ils ont acheté Vegeta, ils ont acheté Maître Gims et ils n’arrivent pas à gagner une Ligue des champions!"

"Je suis en Transylvanie, je suis en manque de sucre"
De l’autre côté du boulevard, une boutique à la devanture blanche et orange en tutoie une dédiée au club phocéen. C’est le "Bengous Shop", son magasin officiel. Après avoir déménagé plusieurs fois dans les rues alentour, l’enseigne s’est installée là depuis quelques mois. Avec une vue imprenable sur le stade. L’influenceur de 32 ans, qui a développé une large collection de vêtements et de produits dérivés, en est particulièrement fier. Certains week-ends, il passe des heures à signer des autographes et à prendre la pose avec des fans venant de toute la France.
Son visage fait désormais partie du paysage. Ses improbables t-shirts aussi. Le best-seller? "Oueskonva, keskon fait, s’faire encadrer le PSG". L’orthographe reste à l’entrée du shop, où Bengous enregistre certains de ses fameux débriefs. Sans véritable matériel. Juste un téléphone et de quoi le caler. Il nous fait une démonstration. Lorsqu’il lance l’enregistrement, ses traits changent aussitôt sous ses lunettes de soleil. Le ton devient plus grave, l’accent plus prononcé: "Bonsoir tout le monde! Hé gros, je suis agacé frère, je ne suis pas bien. Je suis en Transylvanie, je suis en manque de sucre!", lance-t-il avec un air scandalisé.

"J’ai tué une mouette"
Après avoir évoqué sa relation avec Mohamed Henni, cordiale mais distante, Bengous grimpe dans sa Smart pour nous emmener au stade Boneveine Terrades. A quelques minutes de là. C’est sur ce terrain synthétique qu’il a appris à manier le ballon lorsqu’il était gamin. Avec certaines limites mais un touché respectable. Il nous le prouve en réalisant quelques jongles avec son collègue.
Avant de marquer et de célébrer les deux bras décollés: "La Didier Drogba minot!" Benjamin nous montre aussi comment réaliser "une Bakayoko" (en référence à Ibrahima Bakayoko, un ancien attaquant de l’OM). L’idée est de se présenter seul face au but et de tirer au-dessus. "Il n’y avait pas de goal et j’ai tué une mouette", illustre-t-il.

"Ünder de Wish et Fafou le sniper"
Une fois la balle rangée dans le coffre, c’est l’heure de se diriger vers le QG de Bengous: un boulodrome situé au fond d’une rue étroite, où il passe la plupart de ses après-midis. "On va jouer aux boules et oui mon champion!" L’interprète de "Tié la famille" fait lui-même le service derrière le bar et rejoint ensuite sa bande de potes sur un terrain de pétanque. "On dirait pas Ünder? Ünder de Wish", s’amuse-t-il en présentant l’un de ses acolytes.
"Fafou", le roi du carreau, entre alors en piste. Sa précision est réputée dans le coin. Et effectivement, c’est un sniper. "Mon collègue, c’est un crack des boules", crâne Bengous, lui aussi plutôt adroit dans l’exercice. Sous un soleil printanier, l’après-midi se termine dans les rires et le chambrage. "La prochaine fois que vous venez, on va ensemble au Vélodrome", conclut Bengous, en se préparant à tirer à nouveau.
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