1954, l'année charnière

Grâce à un essai de Jean Prat, le XV de France bat les All Blacks pour la première fois de son histoire, le 27 février 1954 à Colombes. Un succès étriqué (3-0) qui ne suscite alors que peu d'engouement dans l'Hexagone.

Un beau soleil enveloppe le stade Yves-du-Manoir en ce 27 février 1954. Au crépuscule de l’hiver, l’enceinte de Colombes (Hauts-de-Seine) s’apprête à vivre un moment historique. Engagés dans une longue tournée européenne, les All Blacks sont de passage à Paris. Face à la machine néo-zélandaise déjà considérée comme l’une des meilleures équipes au monde, les observateurs ne donnent pas cher du XV de France.

Bérets et moustaches investissent tout de même les gradins pour voir de plus près ces colosses du Pacifique. Et leur fameux haka, dans une version beaucoup moins intimidante qu’aujourd’hui. « J’ai regardé ce haka avec des frissons, se rappelle André Boniface, l’ancien trois-quarts des Bleus. Mais il était beaucoup plus cool à l’époque C’était un petit spectacle avant le match. En France, on n’avait jamais vu ça. Moi, je n’avais pas du tout d’appréhension. J’étais désinvolte. J’avais encore quelques boutons sur les joues. J’étais un gamin. »

Boniface : « On les a battus contre toute attente »

Un gamin de 18 ans qui découvre la puissance des stars néozélandaises. Dominés en mêlée et en touche, privés de ballon, les Bleus souffrent durant la rencontre. Mais un essai du capitaine Jean Prat, juste avant la pause, leur offre une victoire inespérée (3-0). « On les a battus contre toute attente, glisse Boniface, le roi du cadrage-débordement. Mais je pense qu’ils avaient dû sortir deux ou trois nuits avant le match. Je ne vois pas d’autre explication car on n’avait pas une équipe pour les inquiéter. »

Les partenaires de Lucien Mias entrent dans l’Histoire en devenant la première équipe française à vaincre les grands All Blacks. Un exploit accueilli sans euphorie particulière dans l’Hexagone. « Ça n’a pas été énormément relayé dans la presse, poursuit l’ancien joueur du Stade Montois. Il n’y avait pas beaucoup de médias au stade, seulement deux journaux et une radio. » Assez pour laisser une trace dans la légende. Cinquante-sept ans plus tard, personne n’a oublié ce premier succès de prestige.