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"Ça doit être vu comme une des blessures les plus graves": comment le rugby français veut prendre le sujet des commotions cérébrales à bras le corps

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À l’initiative de Provale, syndicat de joueurs, le monde du rugby français s’est réuni ce mercredi matin pour évoquer le problème des commotions cérébrales. Le grenelle s'est tenu autour de médecins et de témoignages de joueurs, comme le Montpelliérain Paul Willemse.

Arrêté depuis le mois d’octobre, le deuxième ligne international Paul Willemse a pris la parole ce mercredi matin. "Je suis toujours très sensible aux bruits forts, j’ai été longtemps sensible à la lumière également. La dernière commotion que j’ai subie était la sixième en deux ans, c’était un choc tête contre tête et maintenant, c’est clair, j’ai une fragilité."

Aux côtés du deuxième ligne international, Jade Ulutule, ancienne internationale de rugby à 7 qui a dû arrêter sa carrière à cause de commotions, et Romane Ménager, toujours en activité. Mais la troisième ligne du XV de France doit observer une pause de six mois en raison de commotions répétées: "Au total, j’ai subi neuf commotions, la dernière sur un geste assez anodin. J’ai mis quatre mois à revenir, mais dès que je prenais un impact, je ne me sentais toujours pas bien. J’ai atteint un seuil de tolérance, il faut prendre le temps de récupérer."

Des blessures dures à appréhender au quotidien

Une fois décelée, ces commotions cérébrales, blessures invisibles, sont très dures à vivre pour les sportifs comme Paul Willemse: "Ce n’est pas comme une blessure à la jambe, on ne l’accepte pas aussi facilement. Tu dois écouter les médecins, alors que ton corps te dit que tout va bien. Je me suis toujours dit que si je peux me relever, je joue, d’autant que mon rôle sur le terrain est de mettre des impacts."

Il existe bien un protocole du HIA (Protocole d'Évaluation de blessure à la tête), qui permet, en plusieurs phases d’évaluer des blessures à la tête, ainsi qu’un protocole pour la reprise progressive du jeu. Mais les cerveaux de sportifs ne réagissant pas tous de la même manière aux commotions, impossible d’établir une règle commune pour tous.

Paul Willemse est convaincu que des progrès peuvent être faits, en appliquant une plus grande prudence: "Il faut laisser davantage de récupérations, laisser plus de temps, sept jours ça ne suffit pas pour moi. Ça doit être vu comme une des blessures les plus graves pour un joueur. Ce n’est pas le cas pour l’instant."

Blessure parfois sous-évaluée

Mais comment faire accepter aux joueurs ces situations? Même lorsqu’ils subissent des chocs violents, les joueurs rechignent souvent à s’éloigner du terrain. En cause: la peur de perdre leur place, la pression des entraîneurs, l’esprit de guerrier et "la pression qu’on se met tout seul", explique Paul Willemse.

Selon le neurologue Jean-François Chermann, spécialiste des commotions chez les sportifs, il faut que les joueurs blessés se responsabilisent pour prendre soin de leur santé: "Le plus important, c'est que le joueur prenne conscience de la gravité. Même parmi ceux qui sont sensibilisés sur la question, certains refusent de sortir quand ça leur arrive. Il y a une culpabilité chez joueur. Souvent il a déjà mal à l’épaule, au genou, donc le mal de tête passe après…"

Un mal inévitable?

Bernard Dusfour, président de la commission médicale de la LNR, est clair: dans un sport de combat et de contact comme le rugby, la commotion est "difficilement évitable. La priorité absolue, c'est la détection de la première commotion cérébrale."

Et pour détecter, le rugby français met les moyens: un million d’euros par saison. Qui servent à la mise en place de médecins vidéo, chargés de regarder les images et de détecter les joueurs qui subissent des chocs. Mais aussi du protège-dent connecté, obligatoire en TOP 14 depuis le mois de novembre, qui permet d’évaluer la vitesse de l’impact frontal et la vitesse de la rotation de la tête. Mis en place lors de la 7e journée, il fait déjà ses preuves. Sur les 33 alertes émises par ces protège-dents, neuf ont permis de déceler des commotions réelles, 11 sur 50 en Coupe d’Europe.

Commotions cérébrales : le témoignage de l'ancien capitaine du XV de France Philippe Dintrans - 12/04
Commotions cérébrales : le témoignage de l'ancien capitaine du XV de France Philippe Dintrans - 12/04
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Vigilance accrue dans le monde amateur

Dans le monde amateur, il y a évidemment moins de moyens mis en place pour détecter ces commotions. Mais des règles sont établies chaque saison, comme l’apparition du passage en force en école du rugby, qui interdit aux jeunes joueurs de percuter volontairement un adversaire, ou encore l’abaissement de la ligne de plaquage pour éviter les risques et la mise en place du carton bleu, qui permet désormais à l’arbitre de sortir un joueur du terrain en cas de suspicion de commotion.

Le délai de repos forcé des adultes amateurs qui reçoivent ce carton bleu va d’ailleurs être allongé à 21 jours à partir de la saison prochaine.

Pierre Thevenet