Enormes, ces Bleus !

Maxime Médard et Alexis Palisson - -
Certains s’en sont remis aux saints de l’ovalie, dans la petite chapelle landaise de Notre-Dame du Rugby. D’autres ont invoqué les esprits des anciens, des héros de 1999, 2007 et de tous les exploits du passé, pour ressusciter leurs valeurs, leur don de soi, leur sens du combat. Et les offrir à une équipe qui avait touché le fond samedi dernier en s’inclinant contre les Tonga. Une semaine à croiser les doigts, à espérer un sursaut, à ne pas savoir s’il fallait y croire ou non. Il n’y a que les Français qui peuvent renaitre de leurs cendres, disaient les Anglais. Il n’y a que les Français qui peuvent réaliser l’impossible, craignaient-ils. Merci, les Bleus, de leur avoir donné raison, avec cette victoire (19-12) en quarts de finale de la Coupe du monde face à leur meilleur ennemi.
Une seule fois, en quatre ans, Marc Lièvremont avait vu ses joueurs s’imposer face à l’Angleterre. C’était en 2010, un soir de Grand Chelem dans le Tournoi des VI Nations. Et en 2003 et 2007, le XV de la Rose avait éliminé la France en demi-finales. A l’Eden Park d’Auckland, ce samedi, le sélectionneur a sauté sur sa chaise en tribunes, derrière la vitre qui l’isolait, lui et son staff. Sur le terrain, Maxime Médard et consorts ont explosé de joie. D’abord sur le premier essai, signé Vincent Clerc (22e), auteur d’un fantastique slalom dans les lignes anglaises et d’une volte géniale devant Ben Foden. Puis sur le deuxième, avec encore moins de retenue, Médard n’ayant que deux mètres à faire alors qu’Alexis Palisson avait monopolisé trois Anglais (31e). Mais comme s’il devait ne jamais être simple de dominer la Perfide Albion, le stress est réapparu en deuxième mi-temps et en fin de match.
Après les mots, les actes
Impeccables pendant les 40 premières minutes sur tous les regroupements, les Bleus ont été légèrement plus pénalisés par l’arbitre australien Steve Walsh, et ont semblé souffrir physiquement. Ben Foden en a profité pour prendre l’intérieur sur Imanol Harinordoquy et inscrire le premier essai anglais (55e). Et Mark Cueto (77e) a profité d’un long arbitrage vidéo, avant que Toby Flood manque inexplicablement la transformation. Mais les remplaçants ont entre-temps redonné du souffle aux Bleus. Ils ont pu multiplier à nouveau les ballons récupérés, pousser les Anglais à les échapper tellement de fois, avec notamment une troisième ligne exceptionnelle. Capitaine abandonné depuis un mois en Nouvelle-Zélande, Thierry Dusautoir a été un exemple. Comme Imanol Harinordoquy et Julien Bonnaire à ses côtés.
Comme les petits modèles de la charnière, Morgan Parra et Dimitri Yachvili, qui ont proposé sans peur leurs épaules ou attrapé les jambes, quand Manu Tuilagi a déboulé face à eux. Comme ces trois-quarts aux appuis de feu. Comme, aussi, François Trinh-Duc. Ecarté depuis trois matchs, il a été précieux pendant les 25 dernières minutes. En trouvant deux touches dans les 22 mètres du XV de la Rose puis en passant un drop à la 73e. Un symbole. Mais il y en a tellement d’autres. Une rage et une implication maximales. Des attitudes d’hommes, courageux, remontés, avant même le coup d’envoi ou entre deux mêlées, à l’image de William Servat secouant Jean-Baptiste Poux et Nicolas Mas. Il s’est passé quelque chose cette semaine, après l’humiliation tonguienne. Il y a eu des mots. Et désormais des actes. Ils sont irréels, ces Bleus. Donnés pour morts, ils seront en finale en cas de victoire samedi prochain contre le pays de Galles.