ENTRETIEN RMC SPORT - Dusautoir au révélateur

Thierry Dusautoir est à l'aube d'une saison charnière. - AFP
SUR LE STADE TOULOUSAIN
Les mauvais commentaires actuels sur le Stade Toulousain sont-ils justifiés ?
Je pense que c’est un club qui a habitué tout le monde à un certain degré de performance. On s’attend toujours à ce qu’il crée l’exploit ou gagne des titres. Il faut le prendre de manière positive parce que c’est une attente d’excellence par rapport à un certain niveau d’exigence. Après, il faut relativiser parce que le Stade Toulousain n’est pas dans une passe si négative. Et d’autres clubs n’ont jamais rien gagné. En revanche, le public toulousain est habitué à voir du beau rugby et depuis le début de cette saison, je pense que les gens reprennent plaisir à voir nos matches.
Le règne presque sans partage du Stade Toulousain durant de nombreuses années, c’est de l’histoire ancienne ?
Depuis que j’ai débuté ma carrière en 2001, il y a toujours eu des équipes présentes au plus haut niveau comme Biarritz, le Stade Français, Clermont, Toulon. Mais le Stade Toulousain était toujours là, s’est toujours maintenu parmi les meilleures équipes françaises. En cinq ans, on a quand même gagné trois titres. Toulon en a gagné deux ces trois dernières saisons. S’il ne gagne pas cette saison, parlera-t-on pour autant de crise ? Je ne sais pas… Il ne faut pas tomber dans le catastrophisme.
A l’intersaison, Guy Novès a appelé à la remise en question. A vrai dire, on n’a pas observé de grands changements dans les comportements depuis le début de la saison…
Je ne suis pas d’accord. Sur la production de l’équipe lors des 4-5 dernières sorties, on a développé plus de choses que lors de la saison dernière. Il y a plus d’enthousiasme et d’envie à porter le ballon, et à faire plaisir aux gens. C’est un travail au long cours qu’on vient juste de réaliser à l’intersaison.
Le Stade Toulousain est-il capable de remporter un trophée cette saison ?
Aujourd’hui, on en est loin. On sort de deux défaites, Clermont se présente à nous, on a une succession de matches avec les cadors du championnat. On a tous envie de gagner des titres mais on a surtout envie de construire notre saison petit à petit. On va rectifier des choses au fur et à mesure pour s’inscrire dans la durée.
SUR SON AVENIR
A 33 ans, combien d’années vous donnez-vous encore ?
Je souhaite continuer à l’issue de cette saison. Je ne sens pas le poids des années. Physiquement, non, c’est plus le côté mental qui est parfois difficile, avec la pression. Mais on apprend tous à gérer grâce à l’expérience. Et elle est largement compensée par le plaisir qu’il y a à jouer au plus haut niveau.
Votre volonté est-elle de prolonger avec Toulouse ?
On va voir dans les mois à venir. Il est encore trop tôt dans la saison pour parler d’un éventuel transfert. Evidemment que mon oreille sera plus attentive au Stade Toulousain qu’à un autre club. Mais il est évident qu’il y a d’autres clubs qui recrutent, qui sont intéressés par certains joueurs. Moi, ça fait en tout cas neuf ans que je suis ici, c’est donc un club qui est important pour moi.
Qu’est-ce qui dictera votre choix ?
Il faut déjà que je discute avec le Stade Toulousain, que j’écoute ses envies car on oublie souvent qu’une signature de contrat est un accord bilatéral. Il faut donc qu’ils me montrent la volonté de me conserver dans leur effectif.
Le choix de Nyanga ou Albacete, joueurs-cadres tous en fin de contrat, peut-il influer sur votre décision ?
C’est sûr que ces joueurs sont ceux avec qui j’ai le plus de complicité dans le vestiaire car ce sont des amis. C’est un sujet dont il nous arrive de parler. Les décisions des uns et des autres entreront en ligne de compte, mais c’est un ensemble. Une prise en compte de plusieurs éléments : sportif, financier, familial.
Une aventure au Japon, en Argentine ou en Super 15 peut-elle vous tenter ?
Pourquoi pas. Mais c’est encore un peu tôt. Encore une fois, je ne me suis rien fixé. J’aime avoir le temps de prendre des décisions. Ce qui est sûr, c’est que certains clubs ont manifesté leur intérêt.
SUR LE XV DE FRANCE
Cette année de Coupe du monde qui se profile sera-t-elle votre dernière en Bleu ?
Je n’en sais rien même si je doute être sur le terrain au Japon en 2019. En tout cas, ces treize mois seront très importants puisqu’ils vont nous amener tranquillement vers la Coupe après deux saisons pas satisfaisantes. Il va falloir qu’on retrouve la victoire et la confiance pour aborder cette Coupe du monde dans les meilleures conditions.
Comment faire pour combler en un an le fossé qui vous sépare des meilleurs ?
On va continuer à travailler. Ce n’est pas en baissant les bras que les choses vont s’améliorer. C’est certain qu’on a pris du retard sur des nations comme la Nouvelle-Zélande, l’Australie et l’Afrique du sud. Les Néo-Zélandais sont sur un rythme exceptionnel, jouent leur meilleur rugby. Mais ce qui est surtout dommage pour nous, c’est d’avoir pris du retard sur l’Angleterre qui a les mêmes cadences que nous, mais qui est déjà en ordre de bataille pour la Coupe du monde. D’une manière générale, toutes les nations progressent et nous, on ne se rassure pas. On ne gagne pas. Il va falloir reconstruire notre confiance pour aborder cette Coupe du monde dans les meilleures conditions.
Vous avez récemment défendu le staff…
Si je l’ai dit, c’est que je le pense. Ce qui me gêne, c’est que les capacités du staff soient remises en question alors qu’ils ont montré de quoi ils étaient capables en clubs ou en championnat. Ils ont fait leurs preuves mais c’est à nous aussi de prendre nos responsabilités. Notre rendement n’est absolument pas satisfaisant. Il n’y a pas les joueurs d’un côté, et les joueurs de l’autre. On gagne ensemble, on perd ensemble.
Dans quels domaines en particulier l’équipe de France doit-elle progresser ?
J’ai pointé du doigt notre fragilité mentale. Il ne suffit pas d’être de bons athlètes ou de bons joueurs techniques pour gagner des matches. Ils font avoir aussi une grosse volonté et un mental de fer pour battre des nations qui jouent sur un rythme qui n’est pas le nôtre. Il faut être meilleurs là-dessus pour montrer un autre visage.
En avez-vous parlé à vos coéquipiers ?
C’est un constat admis de tous. On a une grosse faiblesse à ce niveau-là. C’est ce qui nous a empêché de gagner des matches à notre portée face aux meilleures nations du monde parce qu’à un moment, on n’a pas été suffisamment forts dans nos têtes pour faire la différence à l’instant T.
Le mental d’un Kockott, pressenti pour intégrer le groupe France, peut-il vous apporter un plus ?
Je ne sais pas, je ne le connais pas. Ce n’est pas mon rôle de le critiquer ou d’appuyer la sélection de qui que ce soit, du moins pas publiquement. Je laisse les membres du staff choisir qui doit être en équipe de France et quel amalgame peut être le plus intéressant pour qu’on soit performants. Aujourd’hui, il y a des carences à certains postes. Il y a cette option-là qui est possible. Mais encore une fois, ce n’est pas à moi de débattre là-dessus.
Richie McCaw qui soulève la Coupe Webb-Ellis sous vos yeux…Ce souvenir est-il encore gravé dans votre mémoire ?
Evidemment. C’est un moment très particulier, à la fois un souvenir très beau, très fort et horrible. Mais je pense que l’équipe de France a le réservoir qu’il faut pour être championne du monde. Maintenant, il faut y croire et construire. Comme la Nouvelle-Zélande, qui construit sa domination depuis des décennies déjà. On aime les imiter. C’est un axe de progression.