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Présidence de la FFR: l’un des leaders de l’opposition à Laporte veut "une vision claire pour le rugby"

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Depuis plusieurs mois, l’opposition à Bernard Laporte s’organise en vue des élections pour la présidence de la Fédération Française de Rugby, en décembre 2020. Pas le plus connu de ce groupe de travail, Florian Grill, membre du comité directeur de la FFR et président de la Ligue Ile-de-France, en est l’un des membres les plus actifs. Il détaille sa vision du rugby pour RMC Sport et dresse ses griefs contre Bernard Laporte et ses équipes.

Florian Grill, depuis plusieurs semaines vous travaillez sur une liste d’opposition pour les prochaines élections à la FFR, en décembre 2020. Qu’en est-il ?

Un groupe travaille sur un projet. Il faut faire les choses dans le bon ordre, d’abord le projet avant de savoir qui seront les personnes qui vont le porter. Ce n’est pas un projet contre, mais un projet pour. Je n’aime pas trop le mot opposition, on se trompe en voulant trop politiser le rugby. Ce qui compte, c’est construire un projet pour le rugby.

Qui compose ce groupe de travail ?

Il est constitué de gens connus et d’autres moins connus. Le groupe se réunit régulièrement. Au début, c’était tous les mois et désormais quasiment toutes les trois semaines, voire tous les quinze jours. Dedans, il y a Marc Lièvremont, Jean-Marc Lhermet, Serge Blanco, Fabien Pelous, Olivier Magne, Jean-Claude Skrela mais aussi l’ancien président du club Marcoussis ou l’ex-président du comité de Lorraine. Et plus de 200 personnes nous accompagnent pour des relais locaux. Toutes ces personnes réfléchissent à la construction d’un projet pour le rugby, les clubs et les bénévoles. Ensuite, on décidera naturellement qui seront, ou sera, les têtes de liste avant le plus important, la campagne, au contact des clubs pour amender le programme que nous sommes en train de bâtir. Il faut avoir une vision claire et qu’elle ne bouge pas au gré des événements médiatiques.

Les affaires et les polémiques à la FFR ont-elles accéléré votre mouvement et votre projet ?

Oui, y compris, le fonctionnement un peu clanique de la Fédération. On ne peut pas construire sur des rapports de force permanents. C’est vrai qu’il y a eu un certain nombre de dérapages sur le fond et sur la forme qui font que la motivation est d’autant plus forte. Mais tout n’est pas négatif. Il ne s’agit pas de tout déconstruire et de faire table rase. Il faut travailler en réunissant les gens avec toutes les personnes de bonne volonté.

De tous les noms évoqués, vous êtes peut-être le moins connu…

(Rire) Je suis clairement le moins connu. Nous sommes trois à avoir été élus sur la liste de Pierre Camou : Serge Blanco, Fabien Pelous et moi-même. Etant au comité directeur de la Fédération, je suis un peu mis en avant. Mais je peux très bien jouer en seconde ligne.

Comment avez-vous rencontré Marc Lièvremont et pensez-vous qu’il a envie aller au bout de votre projet ?

Je l’ai rencontré à l’occasion d’une manifestation montée par la Ligue Ile-de-France. C’est comme ça que lien s’est fait qu’une vraie amitié s’est créée. On a tous envie d’aller au bout de ce projet. Tous les noms que je vous ai cités sont potentiellement tête de liste. Le plus important est le projet. L’enjeu est de gagner et on doit être clairvoyant sur la ou les personnes les mieux à même de porter ce projet.

Pourriez-vous occuper cette tête de liste ? Y pensez-vous ?

Si la question est de savoir si ça m’intéresse et si j’y pense en me rasant, la réponse est oui. Ça fait 20 ans que je suis bénévole dans le rugby. Mais ce n’est pas moi qui vais le décider. Ça sera un choix collectif. Ça me va bien d’être numéro 1, 2 ou 3. Mais il faut faire les choses dans l’ordre. C’est très français de vouloir d’abord un nom.

Guy Novès pourrait-il vous rejoindre ?

Il avait dit dans la presse (le Midi Olympique, ndlr) qu’il soutiendrait la liste entre guillemets d’opposition. J’en suis ravi. C’est un grand nom et un grand monsieur rugby.

Avez-vous eu des contacts avec Guy Novès ?

Non.

Mais aimeriez-vous en avoir ?

Bien sûr. Si on me propose de discuter avec Guy Novès, le petit rugbyman que je suis sera le plus heureux des hommes.

Vous avez indiqué que ce n’était pas un projet contre Bernard Laporte et son équipe, mais quels sont vos principaux griefs contre ces dirigeants ?

Premièrement, il y a un vrai dérapage financier. Je suis gêné qu’une année avec trois matchs du Tournoi à domicile, la Fédération perde 7 millions. Alors que logiquement, avec un budget de 100 millions, elle devrait gagner approximativement 5 millions. Ça fait un dérapage de 12 millions d’euros qui s’explique par des croissances salariales, beaucoup de recrutements mais aussi des fautes de gestion. Je pense au licenciement de Guy Novès. Ce n’est pas qu’un président n’ait pas le droit se séparer d’un entraineur, mais pas comme ça. La manière est inadmissible et scandaleuse, mais aussi contre-productive d’un point de vue économique. Quand on est chef d’entreprise, on n’annonce pas le licenciement d’un cadre dans la presse. Ça coûte 2,5 millions d’euros au rugby français, donc aux clubs (ndlr : la décision des prud’hommes sera annoncée lundi après-midi, Novès demande 2,8 millions d’euros). La décision d’arrêter le grand stade coûte aussi 2,5 millions aux clubs alors que des clauses dans le contrat permettaient d’en sortir si on ne trouvait pas le financement. Ça fait plus de 5 millions qu’on n’aurait jamais dû payer.

Et sur la gouvernance ?

Le comité directeur est censé être l’entité de décision du rugby français. Les mots ont du sens, c’est un comité directeur, pas une chambre d’enregistrement ou un comité de consultation. Toute une série de décisions ne sont que des enregistrements de décisions prises avant. Ça me choque fondamentalement. Et ce ne sont pas de petites décisions. Je pense à la convention avec le Stade de France signée avant d’être présentée au comité directeur, nous n’avons pas eu notre mot à dire. La semaine dernière, on a appris que la GMF avait envoyé un courrier il y a un an pour une renégociation forte des conditions de l’assurance. C’est une carence de gouvernance. Troisième exemple quand il manque 20 pages dans une liasse financière qui vous arrive la veille du comité directeur, dont les pages sur la rémunération des dirigeants, c’est une faute de gouvernance. Ça fait partie des exemples qui me choquent.

Vous évoquez régulièrement le rôle de Bernard Laporte, mais quel regard portez-vous sur Serge Simon, le numéro 2 de la FFR ?

C’est quelqu’un d’intelligent. Mais le problème de Serge Simon c’est qu’il ne conçoit les rapports humains que dans le rapport de force. Cela nuit énormément au rugby français. On se pose toujours la question de savoir quand on va prendre un coup dans cette relation. Donc il n’y a pas de relation. Les gens sont sur la défensive. Il faut bâtir sur la confiance et il n’y en a pas avec Serge Simon.

Enfin, que pensez-vous du référendum sur le sélectionneur étranger organisé dans les clubs la semaine prochaine ?

Je ne trouve pas ça cohérent. Dieu sait qu’il faut écouter les clubs mais ce n’est pas aux clubs de décider. C’est une décision qui doit revenir au président ou à un comité de sélection. Mais ce n’est pas la vraie question. Il faut savoir quel projet on veut pour le rugby français, quel type de rugby on veut. En Île de France, on plaide beaucoup pour un rugby de mouvement, c’est ce rugby de vitesse qui est dans l’ADN français et qui gagne à l’international. Ensuite, se pose la question de l’entraineur ou des entraineurs. On ne s’est pas posé la bonne question. Il faut aussi se demander quelle est la stratégie globale du rugby français, quelle est la vision. Il faut d’abord les fondations avant de faire les étages.

Jean-François Paturaud