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La carrière déroutante de Caucaunibuca en cinq crochets

Rupeni Caucaunibuca avec Agen en 2007

Rupeni Caucaunibuca avec Agen en 2007 - AFP

A 34 ans, Rupeni Caucaunibuca a été libéré de son contrat par Agen (Pro D2), le club qui a toujours cru en lui, et pourrait évoluer en rugby à VII au Sri Lanka. Retour sur le parcours tortueux du Fidjien, aussi doué que déroutant.

- Génial

Après des débuts fracassants aux Auckland Blues (Nouvelle-Zélande), Rupeni Caucaunibuca se fait remarquer avec les Fidji à la Coupe du monde 2003. Une bagarre avec le Français Olivier Magne, trois essais… Agen est séduit par cet ailier très prometteur et l’engage en 2004. Rup’s devient une star dans le Lot-et-Garonne. Puissant, rapide, agile, l’ailier fidjien termine meilleur marqueur d’essais du championnat de France sur ses deux premières saisons en France (16 en 2004-2005, 17 en 2005-2006). Il est élu meilleur joueur du Top 16 en 2006.

- Insaisissable

En dehors des terrains, Caucau fait aussi des siennes. Surcharge pondérale (+ 20/30 kg), retards à ses retours de vacances, refus de jouer avec les Fidji, réveil dans sa voiture au petit matin, contrôle positif au cannabis et suspension de trois mois (en 2007)… Agen le libère en février 2008, puis le fait resigner en novembre de la même année. Deux ans plus tard, après avoir grandement contribué à la remontée du club en Top 14, il revient du Pacifique en retard et la balance s’affole à nouveau (128 kg). Deuxième séparation. Toulouse, qui l’avait ensuite relancé, le perdra également en 2011.

- Attachant

Agen est tombé amoureux, puis retombé amoureux, puis re-retombé amoureux. Cet été, ce serait même Rupeni Caucaunibuca lui-même qui aurait appelé le club pour proposer ses services. Le SUA a voulu à chaque fois oublier les frasques du Fidjien pour se laisser subjuguer par le talent du joueur le plus spectaculaire qu’il ait pu voir à l’œuvre. Rup’s en retard, Rup’s trop gros ? Pas grave. Rup’s est là et souvent, enchante. Toulouse n’a pas non plus regretté de l’avoir eu dans ses rangs.

« On avait réussi à le remettre sur pied et il avait été tout simplement extraordinaire, racontait en juillet Guy Novès, le manager toulousain, dans le journal gratuit agenais Quidam L'Hebdo. Je me souviens d’un essai marqué face à cinq Brivistes, on avait presque eu le sentiment d’assister à une scène truquée dans un film tellement c’était irréaliste ! Il y a eu aussi la fameuse demi-finale face à Clermont où il avait été incroyable et bien sûr, le titre (de champion de France) en suivant (2011). J’en oublie tellement il est hors-norme. Rupeni n’a laissé que de bons souvenirs à Toulouse. »

- Surprenant

Cette saison, Rupeni Caucaunibuca n’a joué que 87 minutes en Pro D2 avec Agen. Comme d’habitude, un séjour sur son île à l’automne a duré un peu plus longtemps que prévu. Un mois et demi d’absence, puis une demande surprenante pour les dirigeants : être libéré de son contrat. « A la demande du joueur, le SUA décide de libérer Rupeni de ses engagements avec le club jusqu'à la fin de la saison » annonce Agen mercredi. Rup’s va-t-il arrêter sa carrière, à 34 ans ? Pas sûr. Selon le président agenais Alain Tingaud, il pourrait se poser au Sri Lanka et retrouver le rugby à VII, qu’il avait martyrisé en 2001 (demi-finaliste de la Coupe du monde avec les Fidji, 10 essais en 7 matchs).

- Atypique

Rupeni Caucaunibuca vient de Lambasa, une île fidjienne, où vivent sa femme et ses enfants. C’est là-bas que Laurent Lubrano, ancien directeur général d’Agen, est allé le chercher une fois, alors que ses vacances s’éternisaient. Il a compris qui était Rup’s. « Lambasa, c'est un village de huttes, racontait-il en 2012 dans Sud-Ouest. Un terrain de rugby. Une église. La réalité ? Une autre civilisation. L'espérance de vie, c'est moins de 40 ans. Ça m'a fait penser au film ''Les dieux sont tombés sur la tête''. Tout expliquait alors le comportement, les réactions, la manière de vivre de Rupeni. Son mal-être. La tribu, comment l'appeler autrement, de la famille de Rupeni vit dans une autre époque. Un autre monde. Pour nous, cela ressemble à la préhistoire. Comment peut-il s'adapter à la culture européenne ? Rupeni est un homme pur. Son rapport avec le temps, avec la nature, avec les hommes est à des années-lumière de ce qui lui est imposé chez nous. »