Saint-André : « Mon Angleterre à moi »

Philippe Saint-André - -
Comment vous êtes-vous retrouvé en Angleterre ?
Je suis parti jouer en Angleterre en 1996. Le rugby était passé professionnel. A Clermont, j’étais en fin de cycle, je sortais d’une blessure aux adducteurs et j’avais besoin de me remettre en question. Je me demandais si je pouvais le faire en France. Les Anglais m’attiraient, je ne parlais pas leur langue et j’avais toujours eu des matches au couteau avec Will Carling. Alors, je me suis dit : pourquoi ne pas se laisser tenter ? J’avais connu le rugby amateur, le rugby semi-professionnel. J’étais donc tenté par le rugby professionnel pour ma fin de carrière.
Qu’est-ce qui vous a tenté ?
Essayer d’aller là-bas, c’était connaître une autre culture, apprendre une nouvelle langue et surtout, cela me permettait de me remettre en question en tant que joueur. Me voilà donc parti à faire 6 semaines de préparation physique, à faire de la musculation, chose que je ne connaissais pas. Et bizarrement, je reviens. Je reviens en équipe de France comme capitaine et titulaire pour la coupe latine (en 1997), puis pour deux matches tests contre l’Afrique du Sud. Après une fin de carrière avec des blessures, l’opportunité Tom Walkinshaw, le patron de Gloucester, se présente. Il me fait venir et me propose d’être le directeur rugby du club.
Et alors ?
Dix-huit mois plus tard, j’étais le patron de 70-80 personnes alors que 18 mois avant, je ne parlais pas un mot d’anglais ! C’était donc un beau challenge en tant qu’homme et un beau challenge en tant que sportif. Mais c’est vrai qu’au niveau de ma carrière d’entraîneur, j’ai fait mes armes en Angleterre parce que j’y ai entraîné pendant pratiquement 8 saisons. Trois saisons en tant qu’entraîneur de Gloucester (1999 à 2002), puis un retour en France pendant 2 saisons.
Et puis, il y a ce retour victorieux en Angleterre…
Oui, cinq saisons à Sale (2005 à 2009) avec des titres de champion d’Angleterre, une conférence européenne et la mise en place d’un vrai projet sportif dans le club. Donc c’est vrai que j’ai passé des moments exceptionnels là-bas avec des joueurs qui risquent d’être sur le terrain dimanche comme Ben Foden ou Charlie Hodgson. En Angleterre, j’ai pu grandir en tant qu’homme, en tant qu’entraîneur et en tant que manager.
Autant en tant que joueur, vous êtes Français, mais en tant que directeur de rugby, on vous sent très Anglais…
Quand je suis revenu en France, je n’arrivais même plus à parler français ! J’avais des mots qui me venaient à l’esprit mais en anglais, surtout sur des termes techniques de rugby car ils sont plus simples à utiliser. Même si j’ai fait 2 ans à Bourgoin et 2 ans et demi à Toulon, j’ai débuté en Angleterre comme directeur rugby, patron d’une organisation, j’ai appris à travailler avec un staff élargi, avec une association de compétences. En plus, à l’époque, des entraîneurs de la fédération anglaise venaient renforcer les clubs en qualité de spécialistes des lancers, du jeu au pied, de la mêlée. Donc on se servait de la RFU et de tous les entraîneurs spécialisés que Clive Woodward avait mis en place.
Vous manière de manager est très anglo-saxonne, non ?
C’est vrai que là-dessus, j’ai eu une vraie culture anglo-saxonne même si maintenant, je suis 100% Français. Avec le staff, avec Yannick Bru et Patrice Lagisquet, on essaie de mettre en place un fonctionnement à la française même si sur la routine, sur l’organisation, sur le respect de pas mal de choses, je me suis construit avec mon vécu de Français mais aussi mon vécu d’entraîneur en Angleterre.