Christopher Tolofua: "Pourquoi j’ai choisi de signer à Toulon"

Après deux saisons dans le championnat anglais, Christopher Tolofua rejoindra Toulon, cet été, où il s’est engagé pour trois ans. Le talonneur international des Saracens (24 ans, 7 sélections) s’est longuement confié à RMC Sport. Il explique son choix pour le RCT, dresse le bilan de son aventure londonienne, revient sur ses moments de doute de la saison passée et son envie de revenir en sélection.
Christopher Tolofua, vous avez décidé de quitter les Saracens pour rejoindre en fin de saison le Top 14 et Toulon. Pouvez-vous nous expliquer ce choix?
On a beaucoup travaillé sur ce projet de revenir en France, autant avec ma famille qu’avec mon entourage. On en a discuté et étant donné les ambitions qu’on avait, il était aussi temps de revenir en France, pour rejoindre le Top 14 et pour avoir potentiellement plus de visibilité par rapport à l’équipe de France.
On avait pourtant compris que votre priorité était de prolonger aux Saracens…
Ça a été une longue semaine avec tout ce buzz autour de ma décision… Pouvoir prolonger faisait partie d’une priorité si l’occasion se présentait. Mais je voulais aussi rentrer en France pour pouvoir recoller un peu avec le Top 14 et afficher un nouveau visage.
Aviez-vous l’impression d’avoir un peu bouclé la boucle en Angleterre?
Oui, j’avais des ambitions en arrivant qui ont fait de mon parcours ce qu’il est aujourd’hui. Ça a été un peu chaotique la saison dernière, surtout juste avant le Tournoi, ce qui m’a un peu touché personnellement. Mais dans l’ensemble, oui, c’est un peu ça, on peut dire que j’ai bouclé la boucle.
Et pourquoi, donc, avoir choisi Toulon plutôt que le Stade Français et Clermont?
On a eu plusieurs opportunités. Si on réfléchit par rapport à ce qu’il se passe en ce moment, les résultats de Toulon aujourd’hui, ça ne m’inquiète pas vraiment. C’est une équipe qui me plait, avec un staff qui m’a aussi beaucoup plu. J’adhère beaucoup au projet qu’ils nous ont présenté.
Quelle a été la nature des discours de Patrice Collazo et Mourad Boudjellal pour vous convaincre?
Ils m’ont fait comprendre qu’ils me suivaient depuis le début de ma carrière, ce qui est logique dans leur stratégie de recrutement. Ils m’ont expliqué qu’ils savaient que j’étais doté de certaines capacités, que j’avais des points forts et des points faibles, et Patrice m’a surtout fait comprendre qu’il était content de m’avoir vu décider d’aller aux Saracens pour connaître cette rigueur anglo-saxonne que les jeunes joueurs arrivent à acquérir très rapidement là-bas.
Pourtant, et vous l’avez dit, Toulon ne brille pas beaucoup en ce moment…
Effectivement, mais je crois dans ce projet. Il y a un recrutement effectué en ce moment qui justifie leurs ambitions (ndlr: plusieurs stars ou joueurs confirmés devraient débarquer sur La Rade). J’ai beaucoup aimé leurs discours. Ça correspond parfaitement à ce que je veux.
Malgré ses résultats, Toulon reste donc un club très attractif pour les grands joueurs…
Bien sûr! Surtout pour les joueurs qui cherchent à évoluer sur les deux tableaux, en Champions Cup comme dans les 6 en Top 14. C’est une équipe qui a du cœur et du caractère, avec des supporters qui sont tout le temps derrière eux. Ça me plaît bien.
Vous n’avez donc pas peur que le club descendre en Pro D2 à l’issue de cette saison?
J’ai eu droit à quelques chambrages, évidemment. C’est le jeu aussi, ça fait partie du business. Mais Toulon est une équipe qui a du caractère, donc je n’envisage pas de voir un club comme Toulon en Pro D2.
Mais si Toulon descendait en Pro D2, rejoindriez-vous tout de même le RCT?
Aujourd’hui, la Pro D2 ne fait pas partie de mes ambitions. La question a été évoquée lors des négociations. Si cela arrivait, non, cela ne ferait pas partie de mes ambitions de jouer dans ce championnat.
Toulon, le Var, Mourad Boudjellal. C’est un club électrique et pas comme les autres…
Evidemment. J’ai joué contre cette équipe à Mayol et je sais que l’histoire de ce club rend tout ça électrique. Mais ça ne me fait pas forcément peur. Je me suis aussi confronté aux supporters toulousains et à leur mécontentement donc je sais ce que c’est. J’ai rencontré Mourad, j’ai écouté son discours, j’ai pu bien discuter avec lui, découvrir le personnage et connaître ses ambitions. Tout cela ne me fait pas peur.
Même si l’aventure n’est pas encore terminée, quel bilan tirez-vous de ces deux années aux Saracens?
J’ai beaucoup appris de leur façon de travailler, de leur rigueur dans le travail, surtout dans l’aspect technique. Que ce soit hors ou sur le terrain, j’ai beaucoup appris. C’était très enrichissant. Donc, même si mon temps de jeu n’a pas été celui que j’espérais à la base, j’en tire de bonnes conclusions.
Ce faible temps de jeu est-il frustrant?
Quand on affiche des ambitions comme les miennes, c’est toujours un peu frustrant, bien sûr. Nous sommes deux talonneurs qui jouent au max et essaient de donner le meilleur d’eux-mêmes. Et Jamie George fait partie de ce qui fait l’ADN des Saracens aujourd’hui donc il y a une certaine cohérence dans leur plan de jeu, ce qui fait que ce n’est pas si frustrant que ça.
Vous ne regrettez donc pas d’être parti deux saisons en Angleterre?
Non. Il n’y a aucun regret.
Vous parliez de vos objectifs à titre personnel. L’équipe de France est-elle dans un coin de votre tête?
Ça n’est pas seulement dans un coin de ma tête, ça fait partie de mes ambitions d’afficher le visage d’un vrai joueur international. C’est toujours une fierté de porter ce maillot et ça n’a jamais été un doute pour moi, je donne le meilleur sur le terrain pour pouvoir rejoindre cette équipe de France.
Votre dernière sélection remonte à l’année dernière, puis vous avez subi une opération des cervicales. Pouvez-vous nous expliquer exactement ce qui s’est passé?
Cela a été un peu compliqué en termes de communication. On n’a pas su mettre assez de clarté dans ce moment un peu chaotique de ma carrière. Je devais attaquer le Tournoi avec l’équipe de France et j’en étais très content, très fier. Sauf qu’on m’a appris que ce problème de classification ne me permettait pas de jouer ni en Top 14 ni en équipe de France. J’ai donc rapidement pris la décision, avec mes proches, de me faire opérer pour régler la situation. Et quand ça a été fait, tout était long. Je savais que je n’avais plus aucun problème au niveau de la classification, je me sentais mieux dans la tête, je n’avais plus aucune douleur, donc ça a été très important pour moi de communiquer au plus vite pour faire comprendre que je n’étais pas un joueur fini. Ça a été un peu douloureux d’entendre, dans les médias ou sur les réseaux sociaux, que je n’étais plus disponible. Ça a fait un peu mal, pour moi et ma famille, d’entendre ce genre de commentaires. C’est pour cela qu’aujourd’hui, je suis clair avec tout le monde : je vais mieux, je suis en forme, mon cou va bien et je suis en sécurité.
Cette période n’a pas dû être facile à vivre…
Bien sûr. Mais comme toujours, il faut relever la tête. Je connais beaucoup de joueurs qui ont subi la même opération que moi et qui en sont sortis indemnes. Mais psychologiquement, ça a été un peu dur, oui. Je préparais un Tournoi des VI Nations et ça m’est tombé sur la tête un peu comme ça. Je n’ai pas trop compris.
Vous êtes-vous dit que votre carrière était peut-être terminée?
Cela a été évoqué et c’est ça qui m’a vraiment plombé. On m’a dit: "Voilà, Christopher Tolofua, 24 ans, il y a de fortes chances que votre carrière s’arrête maintenant." C’est douloureux, je ne vous le cache pas. J’ai dû prendre un peu sur moi et prendre la décision le plus rapidement possible.
Comment fait-on pour s’accrocher dans ces moments-là?
On se raccroche à ce qui se fait de mieux pour ça, la famille. On essaye de garder la tête haute et quand la décision a été prise, je n’ai plus eu de doutes. J’ai été mis en confiance par le staff médical qui s’est occupé de moi et tout est rentré dans l’ordre.
Sans cette opération, vous ne pourriez pas rejouer en Top 14, c’est ça?
Non. Ça aurait été compliqué sans cette opération car la classification fonctionne par année civile. Je pense que cette classification (G3) ne me permettait pas de rentrer en France de toute façon.
Désormais, êtes-vous à 100%?
Oui. A 100%. Je m’entraîne comme tout le monde. Je dois juste faire un gros renforcement et une grosse réhabilitation.
Savourez encore plus de revenir dans le Top 14 après tous ces doutes?
Quand on vous dit que le rugby est fini à 24 ans, puis qu’on vous dit qu’il y a une possibilité de rejouer et que tout se passe bien, qu’il n’y a plus de douleur, c’est du bonheur total. C’est ce que j’ai ressenti. C’était repartir. Me dire que je vais rentrer en France, dans un club comme Toulon, où en plus il fait beau, c’est vraiment une grosse opportunité pour moi de remettre les choses au clair.
Que peut-on vous souhaiter pour les mois et les années à venir?
Cette saison, gagner la Coupe d’Europe et le championnat anglais. Et peut-être une sélection en équipe de France. C’est une ambition.
Croyez-vous toujours à la Coupe du monde 2019?
Je vais donner mon maximum pour avoir la confiance du coach, du staff. Je fais confiance au staff, ce n’est pas pour rien qu’ils sont là, et ils prendront la décision qu’il faut. Ce sera juste à moi de montrer un visage de joueur qui joue.