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Racing: "Etre le plus froid possible", Le Garrec ne s’enflamme pas malgré les louanges

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A bientôt 20 ans, il les fêtera le mois prochain, Nolann Le Garrec impressionne déjà régulièrement par ses performances et sa maturité au Racing. Le jeune demi de mêlée est un leader dans l’âme. Promis à un très grand avenir, possiblement appelé dès cet été par le staff des Bleus pour la tournée au Japon, le Breton, lui, ne veut surtout pas s’enflammer. Ni copier le style d’autres numéros 9. Après les trois derbies remportés contre le Stade Français, il s’est longuement confié à RMC Sport.

Nolann Le Garrec, depuis quelques mois, on parle beaucoup de vous et de vos prestations remarquées. Comment le vivez-vous ?

J’essaie de faire abstraction de cet effet médiatique et de me redonner de petits objectifs sur mon jeu et l’évolution de l’équipe. Bien sûr que j’écoute et j’entends ce qui se dit. Ça fait plaisir mais c’est une éternelle remise en question. Mais l’erreur serait de s’enflammer et de croire tout ce que l’on dit aussi (Sourire). Dans les moments moins bons, je sais que je devrai aussi garder confiance en moi, et savoir ce que j’ai fait.

Avez-vous le sentiment que tout va très vite dans votre jeune carrière ?

Vite, je ne sais pas. J’ai toujours eu des objectifs assez élevés, et j’ai travaillé en conséquence. Je ne me retourne pas trop. Je me fixe des objectifs et j’essaie de les atteindre.

Lesquels ?

En club, gagner un titre, que ce soit la Coupe d’Europe ou le Top 14. Ça fait longtemps et on travaille pour ces moment-là. Nous sommes en lice dans les deux compétitions, et c’est très excitant. D’un point de vue individuel, je veux retrouver mon meilleur niveau, mes sensations pour être le plus compétitif possible.

Votre précocité est souvent évoquée, puisque vous avez eu votre bac avec un an d’avance tout en étant surclassé en rugby. Avez-vous le sentiment d’être plus mature que votre âge ?

C’est vrai que j’ai eu l’occasion de très vite jouer avec les catégories supérieures. Il fallait être au niveau sur le terrain mais aussi dans la façon de se comporter. Il fallait quelque part être adulte dans ma manière de réagir. J’ai été intégré tôt au groupe professionnel, il y a trois ans. Forcément, on vit des choses. Parfois, je continue peut-être à avoir des réactions qui ne sont pas appropriées, j’apprends et j’essaie de tirer le meilleur de chaque expérience.

Et malgré votre jeune âge, vous aimez avoir un rôle de leader…

Oui, c’est vrai. Pour construire un match, j’ai besoin d’avoir des responsabilités, de sentir que j’ai du boulot à abattre. J’ai toujours aimé être capitaine, avoir un peu de leadership sur mes avants, travailler avec l’équipe. C’est quelque chose qui m’anime et qui me plait. Dans la vie, j’aime bien contrôler le plus de choses possibles même s’il faut trouver un bon équilibre. Mais c’est vrai que j’aime bien avoir du "lead" et dicter un peu les choses plutôt que d’attendre.

Est-ce difficile malgré votre jeune âge de trouver sa place en imposant cette âme de leader dans un groupe bien plus expérimenté que vous ?

J’essaie de me servir de chacun pour alimenter ce leadership et ma façon de le faire. Car chaque individu a vécu beaucoup de choses et a joué avec de grands joueurs. Si chacun peut m’apporter un petit détail, ça peut me permettre d’être plus complet sur mon jeu et la façon de me comporter. J’essaie d’être un peu meilleur chaque jour. Avec Maxime (Machenaud) et Teddy (Iribaren) notamment, on échange beaucoup. On a chacun nos styles de jeu et on peut s’aider entre nous. Je tire beaucoup de détails avec eux.

"J’essaie de tracer mon chemin"

Dans ce registre de leader, vous semblez avoir un caractère parfois froid et clinique, en étant visiblement peu sensible à la pression…

Je pense qu’il faut être le plus froid possible. Parfois, c’est vrai qu’il y a de la pression, notamment de l’extérieur, des médias, du club aussi. Il faut être lucide sur ses qualités dans les grandes performances mais aussi les échecs, mais aussi savoir rester constant. J’essaie d’être le plus froid possible pour enchainer les matchs.

Quels sont vos modèles à votre poste de numéro 9?

J’ai beaucoup regardé Dimitri Yachvili et Morgan Parra, ce genre de demi de mêlée, quand j’étais très petit, sur leur façon de diriger un match stratégiquement, et leur précision technique main-pied qui était vraiment exceptionnelle. Petit à petit, je me suis un peu ouvert et j’ai regardé ce qui faisait Aaron Smith chez les Blacks, TJ Perenara sur les courses de soutien. Forcément, aujourd’hui, je regarde beaucoup Antoine Dupont. J’essaie de l’adapter à ma façon de jouer, à mes qualités. Ce serait une erreur de vouloir copier à l’identique certaines personnes.

Le parcours d’Antoine Dupont vous fait rêver ?

Bien sûr. Il fait rêver tout le monde. Mais il est allé se le chercher, il a beaucoup travaillé. Il est récompensé de tout ce qu’il a fait. Moi, je continue de travailler et j’espère que je serai aussi récompensé de mes efforts. Mais, comme je l’ai dit, je n’essaie pas de copier un parcours et j’essaie de tracer mon chemin.

Comme Smith et ces autres numéros 9, vous aimez les passes rapides et le jeu de mouvement…

J’aime coller au ballon et imprimer un tempo sur le jeu. Avec notre surface à Paris La Défense Arena, on peut mettre du rythme, de la vitesse et déplacer les équipes. Ça me plait. Les défenses se fatiguent un peu et ça ouvre des espaces pour moi et mes coéquipiers. C’est vrai que j’aime le jeu de mouvement et j’ai la chance d’être bien entouré dans ce jeu d’initiative.

On vous imagine facilement piaffer d’impatience après votre blessure à l’épaule en novembre dernier qui vous a éloigné quatre mois des terrains…

Oui, j’étais forcément frustré et j’étais excité de retrouver le terrain. On regarde tous les entrainements. C’était dur de regarder les matchs, car on s’y voit. Mais cette frustration me nourrit sur les matchs actuels puisque je suis resté quatre mois à me rééduquer et à me reconstruire pour cette fin de saison. Maintenant, c’est le moment de montrer que je j’ai de l’énergie et des choses à revendre.

"Des entretiens avec le staff de l’équipe de France"

Depuis plusieurs mois, beaucoup vous imaginent possiblement comme un des nouveaux "OVNI" du rugby français à un an de la Coupe du monde. Comment le vivez-vous ?

Aujourd’hui, c’est une erreur de vouloir être l’OVNI à tout prix. L’OVNI vient naturellement par ses performances et son travail. Je continue de travailler beaucoup et d’être le plus performant pour pouvoir prétendre à être un très bon joueur, mais je n’ai pas cette idée en tête d’être cet OVNI, et je ne veux pas me tromper sur le terrain à cause de ça à vouloir trop montrer. Parfois, ces choses m’ont fait défaut, à quelques fois prendre trop de responsabilités et surjouer un petit peu. J’essaie aujourd’hui de travailler et d’avoir confiance en mes performances et si ça arrive, ça se fera naturellement. Je continue d’apprendre et je dois encore progresser, notamment dans ma manière de fonctionner au sein de l’équipe, continuer à avoir des automatismes avec mes partenaires pour les connaitre sur le bout des doigts. Ce sera le mieux et pour l’équipe.

Pensez-vous au XV de France ? Est-ce dans votre plan de carrière ou une motivation ?

Bien sûr. Tout joueur pense à l’équipe de France en ce moment. Elle est très performante. Elle est attractive. C’est normal car elle est composée de très grands joueurs aujourd’hui. Bien sûr que je l’ai dans un coin de la tête, mais c’est un peu comme l’OVNI, ça viendra si je suis performant et si mon équipe l’est aussi. Je vais continuer pour y arriver.

Le staff du XV de France avait indiqué qu’il vous suivait voilà quelques mois. Avez-vous eu des contacts ?

Oui, j’ai réalisé quelques entretiens avec le staff de l’équipe de France pour échanger sur quelques points, mon jeu et le parcours à venir de l’équipe de France. Ils m’ont dit qu’ils avaient un œil sur moi, qu’il ne fallait pas que je me précipite, que je joue mon rugby et que je continue à progresser étape par étape. Ces quelques échanges étaient très intéressants. Et on l’a vu avec beaucoup d’exemples, on a vu que ça pouvait aller vite. Aujourd’hui, l’équipe de France c’est le Graal pour tout joueur. Ça passe par des performances du club et on a une super fin de saison à jouer.

Propos recueillis par Jean-François Paturaud