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Rugby : attention danger

Alexis Palisson après son KO face au Racing

Alexis Palisson après son KO face au Racing - -

Alors qu’un nouveau protocole sur la détection des commotions cérébrales entre en application ce week-end en Top 14, différents acteurs du rugby s’alarment. Chocs plus violents, hausse du nombre de blessés : ça casse en ovalie.

La théorie de l’évolution appliquée au rugby. Et ses dangers. « Avant, le petit pilier bien grassouillet qui courait le 100m en deux minutes et trente secondes, il ne faisait mal à personne. Sauf si on avait le malheur de se trouver dans son périmètre, c’est-à-dire 80 cm d’envergure parce qu’il avait des petits bras. Aujourd’hui, il fait 1m90, 130 kg et il court le 100m en 12 secondes. Il dézingue tout le monde. » Le « Darwin de l’ovalie », c’est Serge Simon, président de Provale (le syndicat des joueurs) et médecin. Un homme inquiet. « Le rugby est de plus en plus dangereux, soutient l’ancien pilier international (2 sélections). Ce n’est plus un sport de contact, c’est un sport de collision. » Avec des conséquences à la gravité accrue. Une observation qui a amené l’IRB (la Fédération internationale), sur proposition des instances françaises, à développer un protocole pour la détection des commotions cérébrales.

Il sera mis en application à partir de ce week-end sur les terrains du Top 14. Le joueur « sonné » sera interrogé sur le bord du terrain par un médecin, qui décidera de sa capacité à reprendre le match en fonction de son état neurologique. « On a le souvenir de Thierry Dusautoir face à Castres, qui titube puis qui finit le match, indique Serge Simon. Aujourd’hui, ce n’est plus possible. On sait que les joueurs doivent être arrêtés. » « Les joueurs avaient tendance à minimiser les choses, de peur de ne pas être sur la feuille de match le week-end suivant », poursuit Jean-Claude Peyrin, le président de la commission médicale de la Ligue Nationale de Rugby (LNR). Or, explique Serge Simon, « le danger, c’est qu’il survienne une deuxième commotion cérébrale quelques instants après ». Réduire les risques était devenu une obligation.

« Des contacts plus fréquents, plus nombreux, plus violents »

« On avait 30 à 40 commotions cérébrales par an, en additionnant le Top 14 et la Pro D2, détaille Jean-Claude Peyrin. On s’aperçoit maintenant qu’on a 6 commotions cérébrales sur les trois premières journées du Top 14, soit deux par journées. » Pourquoi une telle hausse ? « Les contacts sont beaucoup plus fréquents, beaucoup plus nombreux, beaucoup plus violents, remarque Serge Simon. Donc il y a beaucoup plus de risques de blessure. On le voit, il y a un accroissement du nombre de blessures. » « Il y a une dizaine d’années, il y avait chaque week-end cinq ou six joueurs indisponibles dans chaque club, se souvient le Dr Peyrin. On est maintenant autour de neuf à dix joueurs. C’est énorme. C’est dû à l’intensité du jeu, aux chocs qui sont plus importants. Tout va en s’amplifiant. » Et même les anciens guerriers du rugby ont désormais des frissons.

« Les microtraumatismes de l’époque sont devenus de vrais traumatismes, estime Abdelatif Benazzi. J’avoue que je suis un peu inquiet. Je ne veux pas faire peur aux mamans de jeunes joueurs mais personnellement, j’ai été opéré neuf fois en 15 ans de carrière. Le genou, la cheville, les épaules, le nez, le dos, les dents… C’était il y a 10 ans. Aujourd’hui, le rugby a pris une autre dimension. Il faut faire attention. » Les rugbymen doivent-ils dès lors porter plus de protections ? « Ce ne serait plus du rugby, regrette l’ancien troisième ligne du XV de France (78 sélections). La mobilité serait réduite. Le rugby, c’est un sport de courses. Il faudrait qu’il le reste d’ailleurs. Si c’est seulement des contacts, du combat, des périmètres restreints, c’est là que les traumatismes sont graves. » Mais que faire alors pour inverser la tendance ? « On joue trop, il faut agir sur le nombre de matchs et leur fréquence », préconise Serge Simon. Le rugby pro va être difficile à convaincre…

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La préparation physique, pour faire mal et ne pas avoir mal |||

Les joueurs de rugby sont désormais des adeptes des salles de musculation. Pour répondre aux exigences du haut niveau, gagner en endurance, en puissance, ils y passent entre quatre et huit heures par semaines par exemple à Toulouse. Soit le même temps qu’ils passent sur les terrains d’entraînement.  « Un trois-quarts va devoir supporter ou imprimer des impacts aussi violents, aussi forts, qu’un joueur de première ligne », explique Zeba Traoré, l’un des préparateurs physiques du Stade Toulousain. Mais soulever de la fonte va aussi aider les joueurs à éviter de « casser » à l’impact.

« On ne se prépare plus uniquement pour être performant mais aussi pour se protéger des coups qu’on va prendre, indique l’ancien athlète burkinabé. Faire de la musculation, ce n’est pas uniquement pour prendre de la force, de la masse. Ça permet de préparer la structure à supporter le rythme des matchs, les chocs. Le joueur se protège et protège sa carrière. » A Bordeaux, le nouveau protocole de détection des commotions cérébrales a été bien accueilli. « Les instances ont raison d’être vigilantes, estiment le président de l’UBB, Laurent Marti. Une carrière, c’est court. Ça ne vaut pas le coup de foutre sa vie en l’air. » 

LP avec NJ