
Top 14 (barrages) : Oyonnax, de la terre à la lune

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Dans le vestiaire, il a écrit en grosses lettres : « Objectif lune ». En langage commun, comprenez que dans l’intimité du groupe oyonnaxien, on vise le Brennus. Manager charismatique du club du Haut-Bugey, Christophe Urios, auteur de ces mots, est-il devenu fou ? Même pas. « Il nous reste trois matches. On va à Toulouse. On sait que ça va être extrêmement dur. On a 20% de chances de gagner le match, analyse froidement Urios. Mais autant prendre ces chances comme il faut ». Oyonnax aurait tort de ne pas y croire. Cette année, les planètes sont alignées pour le club de l’Ain. Plus qu’un exemple, l’action de sa qualification pour les phases finale en est l’incarnation.
Nous sommes à la 26e et dernière journée de championnat. Il ne reste que quelques secondes à jouer sur la pelouse d’Ernest Wallon. Toulouse mène (23-22) face à Bordeaux-Bègles. L’ouvreur de l’UBB, Lionel Beauxis va tenter une pénalité à 22 mètres, face aux poteaux. Un geste aussi facile pour lui qu’un service sans le filet au milieu du court pour Federer. Si l’ouvreur bordelais marque, l’UBB passe devant Oyonnax au classement. Il rate. Un miracle pour la ville de 23 000 âmes, cœur de la « plastique vallée », installée au pied du Jura avec vue sur la Suisse voisine.
Denos (capitaine) : « Pas là-bas pour faire mumuse »
Il y a seulement deux ans, le club grimpait pour la première fois dans l’élite après 10 saisons de ProD2. Aujourd’hui, il taquine le gratin. Un destin auquel un budget de seulement 14,28 millions d’euros (le 13e du championnat) ne le prédestinait pas. Mais sous la férule du magicien Urios arrivé en 2007 et qui rejoindra Castres en fin de saison, Oyonnax a su construire une équipe à l’image de la région : dure au mal, solidaire, accrocheuse, jamais battue, « qui s’élève grâce à un travail opiniâtre », comme l’explique la devise de la ville. Le quidam du Top 14 a d’ailleurs très vite appris à ne pas se réjouir des visites au stade Charles Mathon chauffé à blanc par 12 000 supporters.
A Oyonnax, le rugby rassemble. Le club vit ainsi grâce aux subsides de 350 partenaires économiques, dont le plus important, la communauté de commune, contribue à hauteur de 720 000 euros. Parmi les 130 actionnaires dans la SASP, pas de mécène. Le plus gros des « propriétaires » ne possède en effet que 7% du club. Un tissu solide sur lequel le club s’appuie pour évoluer. « Jusqu’à maintenant, nous étions le club sympa. Un peu loin mais sympa. Désormais, nous voulons apprendre aux autres qu’Oyonnax, ce ne sont pas que 14 points au scrabble mais un club de rugby qui a grandi et qui a une grande ambition », explique Hervé David, l’un des présidents du club en début de saison.
Albacete (Toulouse) : « Ils ont autant à perdre que nous »
« Notre place en barrage, c’est une anomalie au vu des moyens du club. Mais quand on connait le groupe, on sait qu’on est des bosseurs, souligne le capitaine Florian Denos. Avec tout ce que l’on donne aux entrainements et aux matches, on a largement compensé ce point du budget. On ne jouera pas des phases finales tous les ans. On ne va pas là-bas pour faire mumuse. On veut prouver qu’on mérite cette place. » Travail, entrainement, les mots reviennent en boucle. Ils suscitent le respect de leurs adversaires et particulièrement des Toulousains, battus (9-3) dans l’Ain en saison régulière et difficile vainqueurs chez eux (20-19). « Ils ont autant à perdre que nous » clame le Toulousain Patricio Albacete. La preuve d’un rapport de force plus équilibré qu’il n’y parait.