Top 14 – "M’imposer en équipe de France et faire cette Coupe du monde à l’arrière", Thomas Ramos l’ambitieux, arme du Stade Toulousain en phases finales

La saison du Stade Toulousain, pour plusieurs raisons, a été moins linéaire que celle de l’an passé. Au-delà des explications de calendrier modifié, de joueurs absents, est-ce que, quand on a fait le doublé, il peut y avoir un léger relâchement, même inconsciemment?
Je ne sais pas parce qu’au final, notre début de saison est plutôt bon. Donc s’il y avait eu un relâchement, il serait intervenu à ce moment-là. Il y a eu deux périodes internationales où beaucoup de joueurs sont partis, on a aussi eu pas mal de blessés cette saison et donc l’effectif a pas mal évolué, changé, sur pas mal de matchs. Mais relâchement, je ne pense pas. A la fin de la saison, on veut tous défendre ce Bouclier de Brennus. On n’a pas su défendre totalement la Coupe d’Europe en perdant en demi-finale. Donc on veut le faire en championnat.
Gagner, c’est quelque chose qu’on martèle au club?
Forcément. C’est un peu bête de dire ça, mais moi quand je suis arrivé au Stade Toulousain, c’est ce qu’on m’a inculqué depuis le plus jeune âge. Je suis arrivé en Cadets et on m’a dit: "tu viens, c’est pour gagner." Donc dès que tu arrives dans ce club, on te le met dans la tête. Et plus tu montes de catégories… donc voilà, on a déjà gagné l’année, dernière, il y a trois ans, forcément que tous les ans, tous les ans, tu te dois d’avoir des résultats quand tu es au Stade Toulousain.
Comment ça se cultive? N’est-ce pas une pression supplémentaire?
Déjà, le staff te le répète assez souvent. Tu dois continuer à marquer l’histoire de ce club. Et son histoire c’est de continuer à gagner des titres. Mais ce n’est pas quelque chose qui nous ronge, loin de là. Mais c’est quelque chose qu’au quotidien, on cultive, ça c’est sûr. Juste se le dire, quand le coach te répète qu’on doit avoir des résultats. C’est cette rage de gagner, cette rage de vaincre, ne rien lâcher aux entraînements. Sur un petit jeu anodin, vouloir la gagne, tout le temps. Et ça commence là, quand je parle de la cultiver. Y compris dans la salle de vie, pour un jeu de carte. C’est de cette façon que tu t’inculques la gagne.
Le buteur que vous êtes a parfois placé la barre très haute cette saison, notamment en Coupe d’Europe avec un pourcentage de 90% de réussite. On a l’impression que pour vous, c’est un exercice acquis.
Non, parce qu’au final, en Top 14, j’ai un pourcentage qui n’est pas top. Ou pas digne de ce que j’ai fait les saisons passées. Donc ça prouve qu’il y a quand même parfois un peu de déchet. Mais là, ça fait quelques temps que je me sens bien et que j’ai de la réussite (89% sur les 5 derniers matchs). On arrive sur une dernière ligne droite, les buteurs sont importants dans ces moments clés et ces matchs serrés, donc c’est plutôt bien.
Depuis quand avez-vous ce "virus" du tir au but?
Depuis tout petit, j’ai toujours eu un ballon avec moi, j’ai toujours eu l’envie de taper, de prendre un sac de ballons et d’aller taper tout seul au stade. J’aime bien aussi avoir des responsabilités, en prendre. Et le but est une responsabilité dans un collectif. C’est quelque chose que j’aime bien. Que ce soit un ballon rond ou ovale, j’ai toujours aimé taper dans un ballon.
"Tu te dis que t’es un con et tu tapes!"
Peut-on parler de votre mécanique, votre routine?
C’est toujours pareil. J’essaye de me mettre rapidement dans ma bulle, à partir du moment où je sais qu’on va prendre les trois points ou qu’il y a un essai. Et dès que j’ai le ballon dans les mains et que j’ai le tee, c’est toujours pareil: quatre pas derrière, trois sur le côté, deux regards vers les poteaux et voilà, c’est parti.
Certains buteurs expliquent qu’ils n’entendent plus rien autour à ce moment-là. Et vous?
Dire que tu n’entends rien, c’est quand même très compliqué. Voire impossible. Mais j’ai travaillé avec un préparateur mental qui m’a permis d’accepter d’entendre des choses. Et de faire avec. Et pour le moment ça me réussit plutôt bien.
On entend quoi?
A domicile on peut parfois entendre des encouragements. A l’extérieur, parfois en Top 14, tu peux entendre des sifflets, parfois malheureusement des insultes. Il ne faut pas être naïf sur ça, il y en a. "Ramos, t’es un con!" Bon bah, t’es un con, tu l’acceptes dans ta tête (il fait tourner ses mains devant lui comme pour mimer une mécanique), tu te dis que t’es un con et tu tapes ! (sourire)
Et un silence de cathédrale, comme vous l’avez vécu deux fois en quart de finale de Champions Cup contre le Munster, puis en demi-finale contre le Leinster, ça peut être déroutant aussi?
C’était exceptionnel. Je pense vraiment qu’en France, on devrait prendre exemple sur ce point-là. Parce que c’est le mot respect qui est à utiliser à ce moment-là. J’ai parlé d’insultes, mais là c’est le respect du buteur. Et pourtant parfois, c’est même plus stressant de n’avoir aucun bruit dans un stade plutôt que d’entendre des choses.
Est-on obligatoirement obsessionnel quand on est un buteur?
Non. J’ai une façon de travailler qui est la mienne, Certainement pas la meilleure, certainement pas la plus mauvaise. Je n’en sais rien. Mais je ne prétends pas dire que c’est la meilleure en tous cas. Et je ne suis pas le genre de personne à me lever tous les matins à six heures et demi pour aller buter une heure avant l’entraînement ou une heure après. Ça m’arrive même de faire des semaines à zéro entraînement au but si je suis dans une série de matchs à 100%. A ce moment-là, je ne bute qu’à la mise en place. Parce que je me sens bien dans ma tête, dans ma routine, dans ma façon de frapper. Et plus jeune, ça m’est arrivé de m’entraîner parfois un peu trop et au final de carrément me dérégler à l’entraînement. Parce que tu en loupes une, tu ne sais pas pourquoi, donc t’y reviens et tu la loupes à nouveau. Tu changes de zone puis tu reviens et tu la re-loupes. Et là, tu commences à cogiter, tu te files le bourdon tout seul. C’est ce que j’essaye d’éviter en tous cas dans mes semaines d’entraînement.
Buter, est-ce une lutte psychologique?
Il ne faut pas que ça le devienne. C’est sûr que dans sa tête, il faut être fort pour être froid au moment de buter.
"Malheureusement il n’y a qu’un seul arrière qui joue"
On a le sentiment en voyant vos performances sur le terrain que l’officialisation de la venue de Melvyn Jaminet a décuplé votre motivation…
Ce n’est pas la première fois qu’on me parle de ce sujet-là. C’est normal. Premièrement ce qui m’a fait du bien c’est de clarifier ma situation personnelle. Et de prolonger jusqu’en 2027. Forcément, de savoir que le club compte sur moi, à long terme, après, dans la tête, tu te sens un peu mieux. Et après, Melvyn, c’est le titulaire en équipe de France. Il va arriver dans un club où il y a des joueurs en place. Et nous, joueurs en place, on a envie de montrer qu’on est là. Et on n’a pas envie de laisser notre place facilement. La concurrence au Stade Toulousain, moi depuis que je m’entraîne avec l’effectif pro, depuis que je suis assez jeune, elle a toujours été présente et le sera toujours. Ce sera toujours un moteur pour l’équipe et tant mieux. Mais de là à dire que je fais de bonnes prestations parce que Melvyn arrive l’an prochain, ça va peut-être un peu loin (sourire).
Mais c’est tout de même un coup de boost…
Forcément ! Déjà j’ai envie de performer pour l’équipe jusqu’à la fin de la saison car il y a une saison à terminer. Et j’ai envie aussi de montrer que je suis là et même s’il y a Melvyn et Ange Capuozzo aussi qui arrivent, lui qui peut jouer deux postes et notamment arrière, voilà, montrer que c’est eux qui ont décidé de venir au Stade Toulousain, qu’il y aura forcément de la concurrence, de la bonne concurrence car c’est toujours ce qu’il y a eu ici, mais malheureusement il n’y a qu’un seul arrière qui joue.
Partir, c’eût été renoncer?
Comme je l’ai dit plusieurs fois, j’étais sous contrat jusqu’en 2023. Donc si j’avais décidé de partir, j’aurai fait un an avec cette concurrence. Mais partir cette année, cela aurait été renoncer à ma place ici. Pour ceux qui me connaissent un petit peu, ils savent que j’ai un minimum de caractère et que ce n’est pas comme ça que je vois les choses. Donc voilà, j’espère pour le club qu’on va très bien finir la saison et que l’année prochaine tout se passera bien pour nous tous.
Vos performances ne vous garantissent pas pour le moment le poste d’arrière chez les Bleus. Que devez-vous améliorer?
(Long soupir) Je sais que je dois améliorer des choses. Est-ce que le staff de l’équipe de France me dit que je dois améliorer des choses? Pas trop pour le moment… Mais voilà, si tu es performant en club… l’année prochaine, il y aura Melvyn ici, il y aura moi. Forcément que si c’est lui qui joue ça lui permettra de rester titulaire en équipe de France, si c’est moi, peut-être que ça ouvrira des portes, à remettre de concurrence en équipe de France. Donc voilà, toutes ces questions pour le moment, je ne me les pose pas trop à vrai dire. J’ai vraiment envie de me concentrer sur la fin de la saison et l’année prochaine, tout sera remis à zéro. Donc voilà, à moi d’en profiter.
Le compétiteur que vous êtes doit en faire un objectif, avec la Coupe du monde en ligne de mire…
Totalement. Il y a une Coupe du monde en France, dans un an et tout international français y pense. Bien sûr qu’un de mes objectifs personnels, c’est bien sûr de m’imposer en équipe de France et de faire cette Coupe du monde à l’arrière. Mais comme beaucoup de joueurs ! Mais j’aurai vraiment le temps de me poser toutes ces questions dans quelques mois mais forcément qu’on y pense.