Attoub, le Phénix des Bleus

David Attoub - -
« C’est une sélection qui vient d’encore plus loin que la première », dit David Attoub d’une voix posée. Comme à chaque fois que Philippe Saint-André annonce son XV de départ, il a été convoqué dans le bureau du boss. Il y est allé tête basse, trop habitué à la mauvaise rengaine. Il en est sorti heureux comme un gosse. « J’espère que c’est le début d’une nouvelle carrière », souffle-t-il. C’est au moins sa troisième. Les montagnes russes qu’il a empruntées pour revenir en tête de la mêlée française, six ans après une première cape en Roumanie, en auraient découragé plus d’un. Pas David Attoub, quatre fois « porteur d’eau » (23e et absent de la feuille de match) dans ce Tournoi mais titulaire samedi dans l’enfer du Millenium.
Sa mère est veuve alors que David a sept ans. Femme de ménage, elle doit parfois emmener les neuf bouches à nourrir aux Restos du Cœur, ce qui n’empêche pas son fils de percer à Valence (Fédérale 1). La malchance se met une première fois en travers de son chemin, comme ce camion benne qui lui fracture la jambe alors que Bourgoin est sur la piste de ce pilier tonique de 19 ans. Un an plus tard, Clermont jette son dévolu sur Attoub qui… tombe dans une bouche d’égout, jambe de nouveau fracturée ! Rétabli, il est appelé pour la tournée des Bleus en Amérique du Nord à l’été 2004. Il ne jouera pas une seconde. Il s’épanouit ensuite à Castres et Bernard Laporte le convie au voyage victorieux en Roumanie (14-62) du 17 juin 2006. Titulaire, il vit un supplice sur le terrain, terrassé par une fièvre à 39 degrés. Il poursuit tout de même le tournée jusqu’en Afrique du Sud. Son état empire. De retour en France, le diagnostic tombe : staphylocoque doré dans la colonne vertébrale. A dix jours près, il aurait pu être paralysé à vie. Sept mois plus tard, il retrouve les terrains.
PSA : « En sachant d’où il vient, je sais qu’il va donner 200 % »
Il profite du répit pour signer au Stade Français. La vie lui sourit de nouveau. Enfin, jusqu’au 12 décembre 2009. Après un match de Coupe d’Europe en Ulster, il est jugé coupable d’une fourchette sur l’Irlandais Stephen Ferris, ce qu’il conteste encore aujourd’hui. L’IRB s’emballe : 70 semaines de suspension, nouveau record ! « Ça a été très difficile pour moi, pour le club. C’était une décision très injuste. Je ne peux pas l’oublier. C’est une période très importante de ma vie d’homme et de joueur », dit-il un brin d’amertume toujours coincé dans le gosier. Le coup est si dur pour la famille Attoub que sa femme, enceinte, passe six mois allongée. Mais la naissance d’Elliot fait oublier toutes ces vilaines tracasseries.
A Paris, Attoub peut compter sur son grand ami Pascal Papé : « Il est là, ça montre sa force de caractère. Il a une carrière qui n’a jamais été facile mais le voilà pilier droit titulaire du XV de France, une belle preuve de son formidable état d’esprit », dit l’autre Parisien du pack tricolore. Être revenu d’aussi loin pour arriver aussi haut est déjà un exploit. « Il n’aura jamais joué dans sa vie un match d’une telle intensité mais il a un cœur énorme. En sachant d’où il vient, l’homme, son parcours, je sais qu’il va donner 200% », a apprécié PSA. Quand il l’a appelé avant le Tournoi pour lui annoncer qu’il était dans la liste, David Attoub, au volant, a failli avoir un accident, qui n’aurait presque pas détonné dans sa biographie. Mais cette frayeur comme tout le reste appartient au passé et seul l’avenir l’intéresse. « Je vais passer le grand examen samedi. J’espère le réussir pour pouvoir continuer cette aventure. Je suis un homme très heureux. » Enfin.
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Du neuf et des vieux
Pour débuter samedi au Millenium de Cardiff, Philippe Saint-André a effectué cinq changements par rapport à la défaite face à l’Angleterre. Les deux-tiers de la première ligne ont ainsi été renouvelés, avec les entrées de Servat pour son dernier match et de David Attoub pour son deuxième, après quatre semaines passées dans le rôle ingrat du 23e homme, tenu au pays de Galles par Nicolas Mas. Le reste du pack est inchangé.
Comme attendu, Dimitri Yachvili prend le pouvoir derrière la mêlée. Il sera associé à la charnière à Lionel Beauxis, auquel PSA a de nouveau confié les clés du camion. Derrière, avec Malzieu renvoyé chez lui et Clerc blessé, Palisson prend l’aile et Florian Fritz fera la paire au centre avec Rougerie. Fofana à l’aile et Poitrenaud derrière ont été confirmés dans leurs fonctions. Jean-Marcellin Butin, sur le banc au coup d’envoi, pourrait connaître sa première cape.