RMC Sport

France-Angleterre, l’autre guerre de 100 ans

-

- - -

On appelle ça, le Crunch ! Chaque année, le match France-Angleterre cristallise passions sportives et antagonismes culturels. Il faut avouer que les XV du coq et de la rose ont une longue et belle histoire du rugby en commun.

Cette guerre-là, essentiellement rugbystique et sportive, dure depuis précisément 103 ans. Depuis ce 22 mars 1906, où l’équipe de France fait ses débuts internationaux officiels face à l’Angleterre, au Parc des Princes (victoire anglaise 35 à 8). Un face à face tout d’abord marqué par le long apprentissage des « bizuths » français. Ce sont en effet 20 années de domination anglaise sans partage qui ponctuent leurs rencontres, de tests matchs amicaux en rendez vous annuels dans le Tournoi des 5 Nations, puisque la France y participe depuis 1910.

1927-1932 : premières victoires françaises puis exclusion - Cette histoire est ensuite vite marquée par la rébellion. Sportive tout d’abord, avec une première victoire française contre les anglais en 1927 (3-0 au stade Yves du manoir de Colombes) suivie d’une autre en 1931 (14-13). Mais rapidement hélas, l’affrontement prend, à la même époque, une tout autre dimension, éminemment symbolique : les instances dirigeantes britanniques du Tournoi excluent en 1932 la France de la compétition pour professionnalisme (prime de matchs et transferts) et violence. Le rugby français en construit une première frustration.

1947-1960 : à toi à moi - De retour dans le Tournoi en 1947 (conflit mondial oblige) la France ne tardera pas à prendre enfin la mesure de son adversaire « historique » considérablement affaibli par la guerre : victoire à Paris en 1948 et 1950 et surtout grande première : victoire des bleus à Twickenham (11-3). Gros couac néanmoins dans cette progression tricolore : en 1957, l’Angleterre réalise le Grand Chelem (4 victoires) pendant que la France décroche la cuillère de bois (4 défaites), qu’elle avait évité depuis 1929. Mais la France gagnera enfin son premier Tournoi en solo en 1959 (faisant suite deux victoires partagées en 1954 et 1955) puis partagera en 1960 la victoire avec l’Angleterre (leur affrontement annuel se terminant d’ailleurs à Paris sur un 3-3 révélateur). Il faut désormais compter avec les « frenchies ».

1961-1979 : les premiers chelems français - Les deux décennies suivantes, jusqu’au début des années 80, verront s’ouvrir en Europe, le règne quasi hégémonique des virevoltants gallois. Pour preuve, en 15 tournois, entre 1964 et 1979, les diables Rouges remportent 10 éditions. Mais si, au même moment, l’Angleterre moribonde ne fait plus peur à personne, la France au contraire se construit une solide réputation d’outsider. En 1968 puis en 1977, les Bleus réalisent même le Grand Chelem. Le second se construisant d’ailleurs sur les fondations d’une victoire épique à Twickenham (4-3).

1980-1989 : la France au top - Fin de règne gallois, transitions entre deux générations chez les Français, l'Angleterre en profite magnifiquement pour obtenir enfin un nouveau Grand Chelem en 1980 (attendu depuis 23 ans) suite à une victoire 17-13 au parc des Princes, sous la conduite de son emblématique capitaine Bill Beaumont. Mais l’exploit anglais restera sans lendemain. Les années 1980 voient ainsi s’ouvrir une longue et belle période de domination de la France sur l’Europe du rugby avec des victoires dans le Tournoi en 1981 et 1983, suivies de quatre succès consécutifs de 1986 à 1989, le tout couronné par deux Grands Chelems (1981 et 1987) et une participation à la finale de la première Coupe du Monde (1987) quand les anglais lâchent prise dès les ¼ de finale face aux gallois. Mais c’est grâce aux Coupes du Monde suivantes que la rivalité Franco-anglaise va retrouver de son sel.

1990-2000 : Un quart pour un « Crunch » - L’année 1991 est à ce titre une année charnière. C’est l’année où le fameux« Crunch » a sans doute vu le jour. Au mois de mars, à Twickenham, la France échoue à deux points des anglais (19-21), non sans avoir donné le tournis aux défenseurs en marquant un essai d’anthologie estampillé « French Flair ». L’Angleterre bousculée gagne pourtant le grand Chelem et entame une période de domination impressionnante sur le Tournoi avec 3 autres victoires (dont deux Chelems) en 1992, 1995 et 1996. La France prendra ensuite le relais en 1997 et 1998 avec également deux chelems de toute beauté.
Mais la véritable genèse du désormais traditionnel « Crunch » c’est la revanche du match de Twickenham, en octobre 1991 en quart de finale de la Coupe du Monde. Ce jour là, les français fébriles craquent sous la pression de l’événement. Depuis, provocations, déclarations et intox sont régulièrement au menu de ce match incontournable. Pour la presse anglaise de l’époque, les Français sont même « les hooligans du rugby ».
Depuis bientôt 20 ans, les deux équipes fréquentent ensemble les sommets du rugby européen et mondial et bon nombre d’internationaux français ont traversé la manche pour jouer dans le championnat anglais. Voilà de quoi donner à chacune de leurs retrouvailles un goût de souffre très particulier.

Les années 2000 : le partage des richesses - Le palmarès de ce 21e siècle commençant, pose clairement les forces en présence. D’un côté l’Angleterre, forte de trois titres européens (2000, 2001 et 2003) et auréolé de la couronne mondiale en 2003. De l’autre, la France habituée du dernier carré mondial et vainqueur du Tournoi en 2002, 2004, 2006 et 2007. Seul le Pays de Galles en 2005 et 2008 a pu s’intercaler entre les deux éternels rivaux de l’hémisphère Nord.

La rédaction - Eric Connehaye