Gillham : « Une rivalité de famille »

Le directeur général de Brive estime que l'Angleterre a peu de chances de priver le XV de France d'un neuvième Grand Chelem. - -
L’Angleterre peut-elle priver les Bleus d’un Grand Chelem samedi ?
Honnêtement, non. Je ne pense pas. Cette équipe de France est vraiment complète. Il y a l’air d’avoir un bon état d’esprit au sein du groupe. Il y a un bon mélange d’expérience et de jeunes talents. Elle est disciplinée, agressive, combative. Elle a du french flair avec Andreux et Palisson sur les ailes. C’est formidable de voir ces jeunes joueurs, petits et rapides.
Les Anglais ont-il à cœur de s’imposer afin de priver la France du Grand Chelem ?
Oui, mais ce n’est pas une question d’orgueil. Les Anglais ont envie de gagner tout simplement. Ils ont vécu un Tournoi difficile donc ils ont besoin de se racheter. Une victoire à Paris sauverait un peu les apparences. Mais je ne pense pas que ça puisse arriver. Il y aura beaucoup de Français devant leur télévision. Et ça va être très compliqué pour mes compatriotes.
La rivalité est-elle toujours aussi forte entre Français et Anglais ?
Oui. Après, entre joueurs c’est différent. Ils se connaissent bien. Il y a un énorme respect. Par exemple, je sais que Steve Thompson et Alexis Palisson vont se chambrer par texto avant le match et après ils iront boire un verre ensemble. Mais dans les tribunes, c’est toujours pareil. Et peut-être encore plus aujourd’hui avec les rencontres de Coupe d’Europe. Mais c’est formidable parce que c’est une rivalité qui ne déborde pas. C’est une rivalité de famille. Chez moi, c’est un moment très particulier. J’ai quatre enfants franco-anglais. Certains supportent les Tricolores. D’autres le XV de la Rose. Donc c’est plutôt animé les soirs de matches !
« Ce n’est plus du tout intéressant de recruter des joueurs susceptibles d’évoluer en équipe d’Angleterre »
Pourquoi avoir mis en place une politique de recrutement axée sur les joueurs britanniques à Brive ?
On ne l’a pas fait délibérément. Tout a commencé avec Steve Thompson. Tout le monde connaît sa belle histoire. Il a signé à Brive alors qu’il avait le cou cassé. Finalement il est revenu comme Lazare (personnage biblique qui aurait été ressuscité par Jésus Christ, ndlr) et aujourd’hui il est titulaire en équipe d’Angleterre. Il y a eu un phénomène de bouche à oreille entre les joueurs. En plus, il y a beaucoup de supporteurs britanniques en Corrèze. Du coup, ça s’est fait un peu naturellement.
Pourquoi autant de joueurs britanniques rejoignent le championnat français ?
Il y a plusieurs raisons. La première est économique. L’euro est actuellement très fort par rapport à la livre. Donc les joueurs expatriés gagnent sur le taux de change. Beaucoup sont également attiré par une expérience de famille. Ils viennent avec leurs enfants. Ils découvrent la vie et la culture française. Ils aiment apprendre une nouvelle langue. Cette découverte de l’inconnu leur plait. En Corrèze par exemple, il y a un style de vie très agréable. La ville de Brive est très belle. Il fait plus chaud qu’en Angleterre. Et il y a un nouvel aéroport, ce qui rend la région accessible. Un joueur comme Jamie Noon s’est parfaitement installé. Il a acheté une maison. Ses enfants son bilingues. C’est un choix de vie.
Qu’est ce que les joueurs britanniques ont apporté au CAB ?
Ils se sont bien intégrés. Une certaine osmose s’est créée entre les joueurs de différentes nationalités. Peut-être que les joueurs britanniques sont un peu plus pragmatiques. Sans tomber dans des stéréotypes. A Brive, il y a également des joueurs formidables issus de la formation. A l’image d’Alexis Palisson.
Allez-vous poursuivre dans cette voie de recrutement ?
Non, ce n’est plus vraiment d’actualité. On ne va pas plus recruter outre-manche. Déjà parce qu’avec les nouvelles règles, il va falloir avoir 40% de joueurs formés en France, l’année prochaine 50% et après 60%. On vient d’ailleurs de recruter Julien Ledevedec (le troisième ligne du Stade Toulousain) et Mathieu Bélie (le demi de mêlée de Montauban) dans cette optique. Et puis aujourd’hui, il y a trop de contraintes vis-à-vis de la sélection anglaise. Ce n’est plus du tout intéressant de recruter des joueurs susceptibles d’évoluer en équipe d’Angleterre.
Quelles sont les différences entre le Top 14 et la Premier League ?
Dans le Top 14, il y a plus de jeu. Il y a ce qu’on appelle le french flair. On est capable de créer un essai de 80 mètres. Avec quatorze équipes, le championnat dure plus longtemps. En Angleterre, c’est peut-être plus intense et plus physique. Mais avec la multiplication des transferts dans les deux sens, les compétitions se ressemblent.
Pensez-vous que le Top 14 ait pris l’ascendant sur son homologue anglais ?
On ne peut pas dire ça. L’année dernière, lorsqu’il n’y avait que des équipes anglaises en Coupe d’Europe, tout le monde disait que le championnat anglais était meilleur. Cette année, on pense le contraire. Donc il faut faire très attention avant de se lancer dans des grandes théories. Ça va part périodes. Le Top 14 est un championnat formidable. Je suis très fier d’en faire partie. Mais on ne sait pas ce qui va se passer dans les prochaines années.