XV de France: ce nouveau "cadre de vie" instauré après un été très agité pour le rugby français

"Il doit y avoir un avant et un après dans l’organisation. Il y a une notion d'urgence et qu'il faut que le rugby regarde les problématiques en face." Florian Grill l’avait annoncé, il fallait que des choses changent, qu’un cadre beaucoup plus strict soit imposé aux joueurs du XV de France lors des rassemblements après le fiasco qu’a constitué la tournée en Argentine. Entre les propos racistes de Melvyn Jaminet, exclu du groupe, et l’affaire Jegou-Auradou dont l’audience de non-lieu doit se dérouler mardi prochain à Mendoza, l’image du rugby français a été sérieusement entamée.
Redorer l’image du rugby français
Le demi de mêlée du XV de France Maxime Lucu en est conscient: "Hyper important de montrer quelque chose de mieux. On est un exemple pour les jeunes, pour l’école de rugby qui nous regardent à chaque fois qu’il y a des matchs à la télé. On a peut-être bafoué ça ces derniers temps et il faut qu’on arrive à le retrouver."
Dans une interview accordée à l’Équipe, Fabien Galthié le sélectionneur du XV de France a donc dévoilé les contours de ce nouveau "cadre de vie".
Un cadre déjà exposé aux 42 joueurs sélectionnés, qui ont été prévenus par téléphone avant l’annonce de la liste et ont donné leur accord, et qui s’articule en trois points. D’abord le bannissement de l’alcool pendant cette tournée: "sans autorisation, c’est interdit". Il faudra attendre le troisième match, face à l’Argentine, pour éventuellement célébrer. Et l’interdiction à toute personne étrangère d’être présente dans le lieu de vie du groupe. Enfin, une attention particulière donnée à l’automédication : "tout doit être déclaré", affirme le sélectionneur.
Fini la liberté totale
Ce cadre plus strict tranche avec la liberté laissée aux joueurs depuis le début de l’ère Galthié. Le sélectionneur les a responsabilisés, pour les rendre acteurs du projet, leur laissant une grande latitude sur le terrain et dans la vie de groupe. Et il reconnaît que ce cadre basé sur "la co-construction, l’expérience et la confiance", a explosé cet été, avec un groupe plus jeune et moins habitué aux responsabilités liées au maillot Bleu.
Mais au-delà des affaires extra-sportives de l’été, l’équipe de France n’échappe pas à la "coutume de la troisième mi-temps", bien au contraire. Les histoires de sorties arrosées lors de rassemblements récents sont multiples : après le match d’ouverture de la Coupe du Monde 2023 face à la Nouvelle-Zélande, des joueurs ont fêté la victoire jusqu’au petit matin dans le centre de Paris. Il faisait jour lorsque certains ont rejoint le camp de base des Bleus. Et lors du stage à Aix-en-Provence, où ils ont passé onze jours entre le match face à la Namibie et celui contre l’Italie, les sorties n’étaient pas rares.
Certains membres du staff ont aussi leurs habitudes quand il s’agit de faire la fête. En Argentine, des coachs sont également sortis après le premier test face aux Pumas. Ce que le groupe n’a pas manqué de remarquer. Ni les instances, au moment de faire l’inventaire de la tournée. Selon nos informations, plus généralement et au moment d’appréhender cette charte, dans la confidence, le sélectionneur lui-même n’échappe pas à la critique de quelques joueurs qui n’ont pas pour habitude de sortir.
Responsabilité individuelle et collective
Aujourd’hui, on n’imagine pas que les évènements de l’été n’auront pas d’impact sur le comportement des joueurs et leur façon d’appréhender les troisièmes mi-temps. Le deuxième ligne du Stade Toulousain, Thibault Flament en est conscient: "Il en va de la responsabilité individuelle et collective, c’est à nous d’être exemplaires. Si on suit notre ligne de conduite il n’y aura pas de problème. Je le vois plus comme l’occasion de repartir d’un bon pied."
Le Lyonnais Mickael Guillard, présent lors de la tournée en Argentine semble lui aussi en parfaite adéquation avec ce nouveau cadre : "pour moi c’est logique et normal qu’ils mettent ce règlement en place. Il y a des choses qui se sont passées en Argentine et ça a été compliqué. Donc c’est sûr qu’il faut avoir des changements pour éviter que ça se réitère et je pense que le XV de France et la Fédération vont mettre des choses en places qui seront intéressantes et utiles pour éviter d’avoir d’autres problèmes."
"Défendre le maillot et l’image du rugby"
Et ce discours est unanime, même pour les joueurs "premiums" qui ne faisaient pas partie du fiasco argentin. Tout le monde dans le même bateau, explique le troisième ligne toulousain François Cros. "L’entité France, qu’on y soit ou qu’on n’y soit pas, ça reste la même. Il faut défendre le maillot, l’image du rugby et de la Fédération. On n’a pas encore eu le changement avec cette charte mais ça ne doit pas enlever notre envie d’être ensemble là-haut et de performer avec ce maillot."
Pas question néanmoins pour le staff des Bleus de vivre en isolement complet, Fabien Galthié le rappelle à l’Équipe. "En ermite, ça ne marche pas." Mais il est tout à fait conscient de l’influence des sorties et de l’alcool sur les performances, dans une époque où tout est étudié au millimètre près. "Je passe des heures à étudier une stratégie, un scénario et finalement la coutume peut tout balayer. On sait très bien que si on fait une soirée alcoolisée, ça double l’effet du match, niveau déshydratation et déchet. Une remise en question profonde est nécessaire."