RMC Sport

Arrangements, lobbying, compensation : comment les nations du patinage sont notées

Nathalie Péchalat et Fabian Bourzat

Nathalie Péchalat et Fabian Bourzat - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE

En sacrant des Américains en danse sur glace et en plaçant un couple russe à la 3e place, les juges n’ont pas commis de faute aux JO de Sotchi. Mais en gonflant sensiblement le score des Russes, ils ont renoué avec la tradition des petits arrangements...

« Je suis inquiet pour mon sport ! » Ce cri d’alarme est signé Brian Joubert, aujourd’hui retraité des patinoires. Le Français, sorti la tête haute après sa dernière prestation olympique, n’en demeure pas moins frustré. Les juges ne l’ont pas noté aussi légèrement que d’autres, en particulier « Plushenko devant son public dans le concours par équipes », dixit cet entraîneur renommé, préférant ne pas être cité. L’Iceberg, la patinoire de Sochi est depuis le début des Jeux, soumis à de nombreuses pressions : populaires car c’est à domicile pour un public russe très connaisseur, et très bruyant.

Politiques ensuite, quand on sait que Vladimir Poutine était présent au sacre de la Russie dans le concours par équipe. Il avait qualifié le président de la Fédération Russe de « criminel contre l’humanité » en 2010, pour ne pas avoir ramené une médaille d’or. Didier Gailhaguet, au cœur du scandale en 2002, détaille les enjeux locaux : « Il y a d’énormes sommes d’argent, moins que par le passé. Mais il y a des enjeux économiques pour les médaillés et les pays qu’ils représentent. A partir de ce moment, on peut imaginer toutes les supputations possibles. Et parfois, ces supputations sont réelles. On ne peut pas empêcher quelques brebis galeuses. Mais ceux qui gagnent, sont de beaux vainqueurs. »

Vrai. Par équipes, la Russie mérite son titre comme le couple russe champion olympique Tatiana Volosozhar et Maxim Trankov. Mais comment expliquer que deux erreurs visibles (une main posée sur la glace et une réception sur deux pieds après un saut lancé), n’aient pas été sanctionnées ? Comment justifier des incongruités dans certaines composantes artistiques chez d’autres concurrents comme la jeune russe Lipnitskaia, 15 ans, qui a vu grimper sa 2e note de 5 points pendant ces JO ? Dimanche soir en danse, « 6 points de plus, c’est beaucoup », observe Gailhaguet.

Des compensations

Si ces questions demeurent officiellement sans réponse, les langues se délient plus facilement dans un couloir ou entre deux portes : « Ils (les juges) font ce qu’ils veulent et rien n’a changé malgré le nouveau système de notation », lâche ce membre de l’ISU. Ce système, qui se veut plus transparent vis-à-vis du public avec un barème par éléments techniques est « plus vicieux » pour Joubert, « moins clair » pour Marina Anissina, championne olympique en 2002 et notée avec les fameux 6.0. « Je suis au cœur de la compétition et je ne comprends pas les scores. Imaginez le public », rajoute Joubert, heureux d’en avoir terminé avec cette ambiance pesante. Si les éléments techniques sont encore compréhensibles, les juges « s’amusent » plus facilement avec la 2e note, moins claire et donc plus facilement « corvéable ».

Mais les juges ne sont que les bras armés de nations qui veulent exister à la patinoire. Le Canada, pays puissant depuis plusieurs années, se voit aujourd’hui privé d’un titre olympique en danse, pour des raisons politiques : « On dérange et on le sait. Tessa (Virtue) et Scott (Moire) le savent », témoigne ce membre de la fédération canadienne. Son président, omniprésent sur la scène internationale est un candidat crédible à la présidence de l’ISU (Fédération Internationale) dans deux ans.

Et certains souhaitent son échec, donc celui de ses patineurs. Chaque nation a aujourd’hui un rôle direct ou indirect à jouer sur l’échiquier du patinage à court ou à moyen terme : « Je n’y crois pas à ces arrangements entre nations. Mais notre sport est tellement subjectif que c’est difficile de s’y retrouver pour le public », lâche Anissina, accréditée par l’équipe de France au village olympique mais qui ne côtoie pas les patineurs. Lobbying d’une discipline, la danse sur glace où le podium est annoncé depuis une semaine : les USA devant le Canada et la Russie. Les américains auraient donc « obtenu » ce titre olympique en compensation du titre laissé à la Russie en début de compétition. Inconcevable et pourtant …

A lire aussi :

>> Péchalat-Bourzat : « On va patiner pour nous »

>> Sotchi Inside : Le brouillard s'invite aux JO

>> Toute l'actualité des JO de Sotchi

François Giuseppi et à Sotchi