Dmytro Pidruchnyi, de l'armée ukrainienne à une 5e place du sprint aux Mondiaux de biathlon

Ses yeux bleus sont grand ouverts. Dmytro Pidruchnyi, encore un peu hagard, est chaudement félicité par ses adversaires au fil de son cheminement en zone d'arrivée. Et avec un grand sourire, il enchaine son récit devant les micros et caméras: "L’année a été difficile pour moi, ma famille et mon pays, explique le champion du monde 2019 de la poursuite. En février 2022 (au moment de l'invasion russe en Ukraine ndlr), je ne savais pas si je pourrais refaire du biathlon un jour. Merci à nos soldats, qui se battent pour notre pays et qui me permettent d’être ici."
Car le chemin jusqu'à Oberhof a été particulièrement sinueux pour Pidruchnyi. Pendant que ses camarades du circuit mondial du biathlon prenaient des vacances et se lançaient dans la préparation de cette saison, lui est rentré au pays et a dû troquer la combinaison pour le treilli militaire. "J'ai dû rejoindre pendant plusieurs mois l’armée et donc sans pouvoir m'entraîner, sans famille… ça a été difficile, admet le biathlète. Notre mission était de protéger ma ville, on faisait des patrouilles avec d’autres gars." L'anglais est un peu hésitant et il s'appuie de temps en temps sur une attachée de presse à ses côtés.
Il poursuit: "Pendant cette période, j'ai appris ce qu'était l'armée, avec le maniement des armes, la stratégie… C’était un tout autre job que le biathlon, c’était dangereux..." Et dans un sourire, de glisser que le travail avec une arme automatique de guerre et pas sa carabine 22 long rifle du biathlon avait été "un bon exercice".
Au mois de juin, Pidruchnyi a pu reprendre ses ski-roues et le chemin de l'entraînement. Mais sa préparation a vite été stoppée en décembre dernier par une opération à un genou. "Je n’aurais jamais imaginé avoir ce résultat un jour. Après mon opération au ménisque le 8 décembre, je ne pensais même pas être ici, avoue-t-il. Je n’ai repris qu’à partir du 10 janvier et courir ici contre les Norvégiens et les meilleurs biathlètes, c’est très cool et très important pour moi. C’est incroyable." Une performance qui, il l'espère, rendra fière l'Ukraine. "Je pense que j’ai inspiré des gens au pays, souhaite-t-il. Beaucoup de mes amis et des gars qui me connaissent et qui sont au front suivent mes résultats, et c'est très important pour eux."
Boe: "L'histoire parfaite, pour dire au monde que nous les soutenons"
Avant le début de ces Mondiaux, Dmytro Pidruchnyi relayait sur ses réseaux sociaux les vidéos du gouvernement ukrainien contre le retour des athlètes russes et biélorusses pour les Jeux olympiques de Paris 2024. "Ce serait une erreur pour le sport, lance-t-il.. Ça voudrait dire que le sport mondial aurait perdu.
La présence du biathlète ukrainien dans la "cérémonie des fleurs" - qui récompense les six premiers de la course en biathlon - au milieu de cinq Norvégiens n'est pas passée inaperçue et Tarjei Boe, vice-champion du monde derrière son petit frère Johannes ce samedi, avouait en conférence de presse que "c'est l'histoire parfaite, pour dire au monde qu'on est ensemble, qu'il fait partie de notre équipe et que nous les soutenons".