Dopage: Martin Fourcade dénonce une "mascarade" et n’exclut pas un boycott

Martin Fourcade - AFP
Après une coupure de deux semaines, la Coupe du monde de biathlon reprend ce jeudi à Oberhof, en Allemagne, avec la 4e étape du circuit (sprint 10km messieurs à 14h15). Martin Fourcade, qui a écrasé la première partie de saison en remportant sept des huit épreuves individuelles, ne « s’attend pas à voir ses adversaires résignés » après cette incroyable série « qu’il ne refera pas et que personne ne refera jamais certainement dans l’histoire du biathlon ».
>> Rétro 2016 : le règne sans partage de Martin Fourcade
Lors d’une conférence téléphonique ce mardi avec les médias, le double champion olympique de Sotchi s’est montré très critique envers la fédération internationale (IBU) pour sa gestion du dossier McLaren, où 31 noms de biathlètes russes sont présents. Deux athlètes ont été sanctionnés pour dopage avéré, l’IBU a lancé une enquête sur les 29 autres. Dans un communiqué, l’instance internationale avait indiqué que la Russie renonçait à organiser l’étape de Coupe du monde prévue à Tyumen du 9 au 12 mars. « Une mascarade », pour Fourcade.
Comment accueillez-vous les décisions de la fédération internationale de biathlon suite aux révélations du rapport McLaren ?
Je suis un peu saoulé, car c’est exactement la configuration que j’avais imaginée, c’est-à-dire beaucoup bruit pour pas grand-chose. Deux athlètes suspendus parce qu’ils ont violé les règles anti-dopage, c’est une très bonne chose, mais c’est la moindre des choses. Vingt-neuf athlètes sur lesquels ils enquêtent, ça ne veut rien dire ou alors il faut dire sur quoi ils enquêtent. Il n’y a pas de secret défense là-dedans, je trouve dommage qu’il n’y ait pas de communication. Et surtout, notre fédération n’a pris aucune décision, contrairement à ce qu’ils avaient dit. Annuler la Coupe du monde à Tyumen, c’est une mascarade de lutte contre le dopage parce que les seuls que cela puni, ce sont les fans de biathlon en Russie. C’est surtout un moyen de satisfaire ceux qui voulaient des pseudo sanctions contre la Russie. Il y en plein qui sont contents, ils ont l’impression qu’il y a des choses qui se passent, mais en soi ça ne change rien. Je suis fatigué de ça et énervé.
Sous quelle forme comptez-vous montrer votre désaccord avec la fédération internationale ?
Je ne sais pas… On doit se rencontrer avec les athlètes de la Coupe du monde dans le courant de la semaine pour faire remonter ces points de désaccord. Moi, je n’ai aucun combat contre la Russie ou contre n’importe qui. J’aimerais juste que ma fédération soit plus courageuse contre le dopage et prenne des mesures exemplaires pour le combattre. Aujourd’hui, ce n’est pas le cas. Et je sais qu’on est de nombreux pays à trouver que ce n’est pas le cas. Les raisons, il y en a certaines que l’on imagine et d’autres que l’on n’a pas envie d’imaginer. Du coup, on a juste besoin de se retrouver tous les athlètes ensemble pour parler d’une seule voix. Je n’ai pas envie d’être le porte-drapeau de la lutte anti-dopage seul. Et je pense que cette action n’aura du sens que si ce sont les biathlètes qui parlent d’une voix.
Pourriez-vous allez jusqu’au boycott ?
Le boycott est toujours présent dans mon esprit mais je ne le ferai pas tout seul. Je ne vais pas me sacrifier pour tous les autres non plus, je ne suis pas Luther King ou Nelson Mandela ! Mais pour moi, le boycott de Tyumen n’a jamais été envisageable. J’ai parlé de boycott d’une étape de Coupe du monde, pas de l’étape de Tyumen parce que ça serait cibler une nation et ce n’est pas mon cas. Bien sûr, dans le rapport McLaren, c’est essentiellement la Russie qui ressort, mais ils n’ont pas le monopole du dopage. Mon idée initiale, c’est de dire à l’IBU : "Voilà les décisions qu’on voudrait en termes de sanctions plus importantes contre le dopage. Soit c’est quelque chose que vous acceptez, soit c’est à nous de vous montrer qu’on n’est pas d’accord avec ça et qu’on ne cautionne pas le système". C’est quelque chose qu’on évoquera peut-être cette semaine collégialement. On a des délégués des athlètes et c’est à eux de fixer le moment où on se verra.
Des mesures courageuses, ce serait quoi ?
Quand je parle de sanctions, ce sont des sanctions dissuasives sur le dopage. Enlever un quota à la nation pour chaque athlète suspendu. Et une nation qui n’a plus de quota, c’est une nation qui ne court plus. Il faut des sanctions financières plus importantes. Il faut qu’il y ait un pouvoir de dissuasion plus important qu’il ne l’est aujourd’hui. Quant aux sanctions liées au rapport McLaren, je ne suis pas juriste, je n’ai pas lu le rapport et si ces 29 athlètes sur lesquels l’IBU enquête n’ont rien fait, encore heureux qu’ils ne soient pas suspendus. Je ne demande pas de sanctions sans rien avoir vu, je demande juste à ce que cette enquête ne soit pas étouffée par une pseudo résignation de l’organisation de la Coupe du monde en Russie car ça, c’est une mascarade.