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Fourcade au repos pour retrouver "cette aisance, cette niaque et cette envie sur les skis"

Martin Fourcade

Martin Fourcade - AFP

Martin Fourcade, 4e de la mass-start d’Antholz-Anterselva (Italie) ce dimanche, a confirmé qu’il allait faire l’impasse sur les deux prochaines étapes de la Coupe du monde de biathlon prévues à Canmore (Canada, 7 au 10 février) et de Salt Lake City (Etats-Unis, 14 au 17 février). Avec l’objectif de retrouver la forme et des sensations perdues pour les championnats du monde, qui se dérouleront du 7 au 17 mars à Ostersund (Suède).

Martin Fourcade, pourquoi prendre la décision de couper et de ne pas effectuer la tournée nord-américaine?

Pour essayer de retrouver des sensations qui sont plus proches de ce que je peux faire ou de ce que j’ai connu sur l’ensemble de la préparation. Ce soir (dimanche), je suis numéro 2 mondial et il n’y a pas beaucoup d’athlètes qui en étant numéro 2 mondial prendraient la décision de zapper deux étapes de Coupe du monde. Mais l’athlète qui est aujourd’hui numéro 2 mondial n’est pas celui que j’ai été ces dernières années. Je ne me reconnais pas sur la piste et je pense que vous non plus. Ce choix, il est avant tout là pour retrouver ça, pour retrouver cette aisance, cette niaque et cette envie sur les skis. Que ce ne soit pas quelque chose à provoquer sans cesse. Et je pense que ce n’est vraiment pas loin. C’est un choix difficile pour moi d’abandonner ce classement général, sans parler de la victoire, mais une deuxième place au classement général, c’est quelque chose qui se respecte et je trouve qu’il n’y a rien qui définit mieux le niveau d’un athlète qu’un classement général. Je suis fier d’avoir réussi à me battre sur l’ensemble du début de saison malgré ces sensations et malgré cette période difficile. Et j’ai envie de revenir avec un plaisir d’évoluer sur les skis qui ressemble plus à ce que je vivais les autres années. Parce qu'en ce moment, c’est difficile de sentir que je ne peux à aucun moment peser sur la course. Et sur la partie ski, je subis la vitesse de déplacement des autres.

Vous insistez sur la volonté de se reposer mentalement…

Oui, c’est très usant. Le début de saison a été chahuté sur la piste mais aussi en dehors, parce que vous extrêmement exigeants avec moi, parce que je le suis aussi. Et finalement, c’est ce que je recherchais pendant ces sept dernières années donc je ne peux blâmer personne d’autre que moi. Et je suis le premier à ne pas être satisfait de ce classement et des résultats du début de saison. Malgré les courses qui s’enchainaient avec des résultats corrects, j’étais le premier déçu et le premier tous les soirs à convoquer une réunion de crise avec Vincent (Vittoz) et Patrick (Favre) pour trouver les réponses aux questions que je me pose et surtout à l’incompréhension que je vis. Parce que je n’ai jamais vécu ça dans ma carrière et parce qu'aucun signal ne laissait présager ça. Je n’avais aucune raison d’être préparé à ce début de saison compliqué. Tout s’était bien passé dans la préparation, on avait fait un super boulot avec le staff, les signaux étaient au vert. Et depuis Pokljuka, je jongle avec ces sensations qui ne correspondent pas et sans jamais réussir à s’en sortir. Il y a eu des très belles choses, des podiums et des belles victoires, je suis fier de m’être battu sans cesse mais c’est sûr que ce n’était pas une période facile. Malgré tout, je reste extrêmement fier de ce que j’ai pu développer dans cette période car aujourd’hui je suis numéro 2 mondial en ayant joué avec un jeu de cartes qui n’est pas le mien. 

Qu’est-ce qui ne va pas ?

Hormis un problème médical qui pourrait être détecté, la seule piste que l’on a aujourd’hui, c’est une sorte de fatigue qui se serait déclarée sur le début de Coupe du monde. Et la seule piste pour le moment, c’est de partir sur du repos complet avant du travail pour permettre au corps de se recharger et au cerveau de récupérer l’énergie dont il a besoin pour envoyer au corps, car c’est avant tout lui qui décide.

Qu’est-ce qui vous manque par rapport à Johannes Boe?

Ce qui me manque, c’est la vitesse de déplacement sur les skis. Il fait un début de saison qui est superbe. Ce n’est pas difficile de se faire battre par Johannes. Ce qui est difficile, c’est d’être battu en sentant qu’à aucun moment, je n’ai les armes pour lui répondre. Et de me sentir si loin de mes sensations et du niveau que je souhaite et que je devrais avoir. Ça peut paraître prétentieux comme phrase, mais j’assume cette phrase. Ce qui me manque, c’est de pouvoir me battre avec lui sur les skis. Aujourd’hui, c’est sûr que c’est lui qui décide du sort de la course. Et c’est quelque chose, pas que je n’accepte pas, mais qui est difficile pour moi parce que je sens que je n’ai pas mon jeu, mes qualités pour lui répondre et ça c’est dur. Après, il a dominé, il va gagner le classement général de la Coupe du monde et c’est extrêmement mérité. C’est un athlète très talentueux et qui travaille beaucoup, avec une super attitude. C’est sans doute le futur de notre sport mais si je prends aujourd’hui cette décision, c’est parce que je ne suis pas le passé et j’ai à cœur de continuer à le battre régulièrement. Et c’est pour ça que je m’entraîne au quotidien. C’est, je crois, l’objectif du staff et de notre équipe.

Est-ce que vous restez optimiste pour les Mondiaux malgré tout ça ?

L’ambition aujourd’hui, ce n’est pas une ambition de résultat, c’est une ambition de manière et de sensations. J’irai aux championnats du monde et je me battrai avec les armes du moment. Si ce n’est pas aussi bien que je l’espère, je ferai tout pour aller chercher des titres et des médailles. Mais c’est avant tout une ambition de sensations retrouvées, de vitesse de déplacement sur les skis. D’un côté, je suis extrêmement optimiste par ce que la préparation s’est bien passée, l’ensemble des signaux étaient plutôt bons. On l’a vu ce week-end, on a une équipe qui est extrêmement performante avec de nombreux athlètes capable de jouer la victoire et le podium, Quentin (Fillon Maillet) l’a montré aujourd’hui. Et justement, par rapport à cette équipe là, j’avais des sensations qui étaient plutôt très bonnes. Que ce soit sur les compétitions officielles ou officieuses que l’on a fait pendant la préparation, je les ai régulièrement battus donc de ce côté-là, j’ai beaucoup d’optimisme. Car je suis persuadé que ces sensations-là ne s’évanouissent pas du jour au lendemain. Ensuite, oui, il y a aussi de l’inquiétude parce que la réponse, je ne l’ai pas, on prend un pari. Et on espère que ce pari me permettra de retrouver ma place et ma faculté à peser sur la course avec les tout meilleurs mondiaux sur les skis. Mais ça reste un pari car on n’a aucune certitude sur ce qui fait que ça ne répond pas sur les skis, comme on le voudrait et comme ça devrait.

Julien Richard