Fourcade, itinéraire d’un surdoué

Martin Fourcade - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE
Il avait annoncé la couleur. Grand favori des épreuves de biathlon, Martin Fourcade avait fait des Jeux Olympiques son objectif de la saison. Et comme tout patron qui se respecte, le natif de Céret a répondu présent. Une 6e place au sprint, deux médailles d’or en poursuite et individuelle. De quoi susciter les éloges. « Il m’impressionne, lâche l’ancien star de la discipline, Raphaël Poirée. C’est le plus fort depuis 3 ans. Il savait ce qu’il voulait en arrivant sur ces Jeux. »
L’ancien champion du monde sait de quoi il parle, lui qui a vu débarquer le gamin il y a 5 ans et qui l’a parrainé à l’Etoile des Sports. Une semaine en commun et Poirée découvre un gamin qui préfère venir skier avec lui tous les matins à 8h plutôt que de faire la fête avec les jeunes de son âge. « Ce qui est bien, c’est qu’à cette époque, il avait du mal à me suivre », plaisante Poirée.
« J'ai tout de suite vu un gros potentiel physique »
La construction du bonhomme ne s’est pourtant pas faite d’un trait. En 2003, il quitte Font-Romeu, direction Villard-de-Lans. Thierry Dusserre est alors son entraîneur. « J’ai tout de suite vu un gros potentiel physique, se souvient celui qui entraîne aujourd’hui les filles. Il lui manquait surtout de l’expérience derrière la carabine. Il n’avait pas par exemple les mêmes facilités que Jean-Guillaume Béatrix. A force de travail, il a comblé ses écarts. »
Martin Fourcade n’est pourtant pas obsédé par la réussite. Retour à la case départ et direction Font-Romeu en avril 2004. Il a alors 16 ans. Le temps de se ressourcer et nouveau départ. Direction le pôle France de Prémanon. C’est là qu’il fait la connaissance de Stéphane Bouthiaux, son actuel entraîneur.
« Il a réponse à tout »
« Sa maman nous l’a confié pour la terminale et éventuellement, pour une carrière de haut niveau », sourit Bouthiaux. Martin arrive alors « sur la pointe des pieds », à en croire son coach qu’il épate très vite. « Il volait sur les skis, il me faisait des trucs que je n’avais vus avec un gars de cet âge-là. » Pour autant, le garçon conserve son caractère bien trempé. « A 15 ans, il a la bouche grande ouverte, il croit tout connaitre et la ramène, plaisante Siegfried Mazet, son entraîneur au tir. Il avait un peu réponse à tout. D’ailleurs, aujourd’hui, il a toujours réponse à tout. Sauf que, quand on est double champion olympique, quintuple champion du monde, on l’écoute un peu plus. » Bouthiaux : « C’est vrai qu’il a oublié d’être con. »
Des signes annonciateurs d’un changement de mentalité, mais c’est à Vancouver que s’opère le déclic. Son frère Simon, leader de la Coupe du monde, est le favori. Et c’est lui, le petit frère, qui s’empare de l’argent sur la mass-start. Un moment délicat à gérer dans la vie des deux hommes. « Simon était content, mais il y a forcément de la jalousie », se souvient Bouthiaux. Mazet enchaîne : « Ça été délicat à gérer. Simon a eu du mal à accepter qu’il avait mis beaucoup d’énergie à l’entraînement pour ne pas accéder au même résultat. » Les deux hommes ne partagent alors plus la même chambre en stage. Les relations se complexifient, avant de rentrer dans l’ordre un an plus tard quand Simon comprend que Martin est bien le plus fort.
« Je ne vois personne le battre »
Fidèle à ses coaches, il leur fait aujourd’hui pleinement confiance. Au point de respecter à la lettre le programme d’entraînement. Et ça, forcément, ça ouvre de nouvelles perspectives pour ce gars qui « s’intéresse à beaucoup de choses », à en croire Mazet. « Des talents, on en a vus, conclut Poirée. Beaucoup se sont brulés. Je n’ai peut-être pas pris assez de temps pour visualiser tout cela et passer du temps avec Martin quand j’étais athlète. Il est déjà au sommet de son art, je ne vois personne le battre. Il a une marge de progression encore. » L’histoire ne fait que commencer.