Joubert : 12 ans de carrière en 10 questions

Brian Joubert - Crédits photo : nom de l'auteur / SOURCE
Brian Joubert, de quoi êtes-vous le plus fier dans votre carrière ?
De mes premiers championnats d’Europe (en 2002, ndlr). Je suis vraiment très fier parce que j’avais 17 ans, que c’étaient mes premiers championnats d’Europe. Je décroche une médaille (de bronze) et ma qualification pour les Jeux Olympiques de Salt Lake City. Une chose que je préparais depuis déjà deux ans, que j’avais gardée pour moi, que je ne voulais pas afficher devant tout le monde. Avoir réalisé cet exploit-là, j’en suis très fier aujourd’hui encore.
Avez-vous des regrets ?
Le plus gros, je pense que c’est les JO de 2006. Parce que je pouvais vraiment décrocher une médaille. Le titre non, il était pour Plushenko. Mais la médaille d’argent était largement prenable et je pense que stratégiquement, avec mon entraîneur de l’époque (Andrei Berezintsev), on a fait une grosse erreur. Il aurait dû me signaler que les autres n’avaient pas si bien patiné que ça et j’avais juste à faire propre, plus simple. C’est une erreur de ma part d’avoir choisi cet entraîneur là en 2006, qui n’avait aucune expérience. Après, je n’ai pas vraiment de regrets, même pour 2010 (16e aux JO). Je n’étais pas prêt. Mais il ne faut pas oublier qu’un mois avant, je m’étais recassé le pied donc c’était difficile pour moi d’être prêt.
Est-ce qu'il y a eu des moments où vous avez eu envie d'arrêter ?
Il y a eu plein de moments où je voulais arrêter. Il y a eu après les championnats du monde de 2005 (6e). Après 2010, je voulais arrêter aussi. Ma mère a été importante parce qu’elle ne m’a jamais poussé à continuer. Elle a toujours accepté mon choix de vouloir arrêter. J’estimais que c’était le bon choix pour moi et elle l’acceptait. Il ne faut pas croire que ma mère est là, derrière, à me pousser… Elle aime bien le patinage et là, je sais qu’elle va être très contente que j’arrête après Sotchi parce qu’elle sait que c’est dur pour moi. Elle voit que mentalement, je suis vraiment au bout. Et physiquement aussi. Elle voit qu’il n’y a plus le même plaisir qu’à l’époque et pour elle aussi, ce n’est plus vraiment agréable.
Et puis la fan numéro 1, c'est votre maman. Qu'est-ce qu'elle vous apporte ?
Elle m’a toujours suivi depuis que je suis gamin. Quand j’ai fait mes premières compétitions, j’avais cinq ans et elle était là. Et dès qu’elle peut venir en compétition internationale, elle vient parce que j’ai besoin de la sentir près de moi. Elle me rassure, elle trouve toujours les mots pour me donner confiance et me faire déstresser. C’est une relation qui a souvent été critiquée. Mais pour moi, elle me parait logique.
Avez-vous trouvé que ces critiques étaient logiques ?
Non. Moi, qu’on me critique, ça ne me dérange pas. Mais qu’on critique ma mère, mes proches en général, ça me dérange beaucoup. Elle fait tout simplement son boulot de mère. Elle accompagne son fils et elle essaye de le soutenir jusqu’au bout. Donc je ne vois pas ce que l’on peut dire de mal là-dessus. A partir du moment où elle n’intervient pas sur l’aspect technique, qu’elle ne vient pas au bord de piste, elle reste à sa place, on ne peut pas dire de mal d’elle. Je vis avec ma mère, même si j’ai 29 ans. Ça ne change rien.
Vous avez quel type de relation ?
On est très proches depuis que je suis est gamin, mais on s’engueule souvent. Un peu moins maintenant, parce que j’ai beaucoup évolué, que je suis peut-être moins caractériel. Et puis j’essaye de réfléchir avant de parler. Mais quand on se dit les choses, c’est pas violent mais… Des fois, de toute façon, il faut se dire les choses.
Un autre personnage a été important dans votre carrière, Didier Gailhaguet (président de la Fédération, son ancien entraîneur et agent). « Un second père », comme vous nous l'avez souvent dit...
La première fois que je l’ai vu, j’avais 12-13 ans. C’est lui qui m’a repéré et depuis ce moment-là, il ne m’a pas lâché. Pareil, il y a eu des coups de gueule, mais j’aime bien quand les gens me disent les choses en face, même si ce n’est pas toujours agréable. Et ce sont les deux seules personnes, avec ma mère, qui ont toujours osé me dire les choses en face. On pardonne plus aux gens de sa famille, mais jusqu’à présent, j’estime qu’il ne m’a jamais trahi. Et même si je n’ai pas toujours été forcément d’accord, je trouvais que c’était justifié. Et même s’il a fait des erreurs, c’est humain.
Quelle influence a-t-il eu sur votre carrière ?
Sans ma mère, je n’aurais pas fait cette carrière, c’est sûr. Et c’est vrai que Didier m’a mis en contact avec les meilleurs chorégraphes. Il m’a poussé, m’a boosté énormément et je pense que ça aurait été différent sans lui. Et même si cette année, il y a eu l’histoire du Skate America (Didier Gailhaguet a refusé de l’engager sur la compétition), je trouve qu’il a été maladroit, c’est tout. Mais ce n’était pas pour me nuire, je le sais. Et on en a discuté. Souvent, il me bouscule et il va même loin. Il aime piquer là où ça fait mal, il a envie de blesser les gens pour qu’il y ait une réaction derrière. Il adore ça quand je réagis, quand je m’énerve. Il le fait moins parce que je suis en fin de carrière et qu’on ne va pas jouer à ça éternellement. Mais quand j’avais 18-19 ans, c’était… C’était un peu chiant, des fois.
Avez-vous hâte que ce soit terminé ?
Je ne veux pas avoir de regrets après ces JO, donc je veux me donner à 100%. Mais je pense que je serai soulagé une fois que le programme libre sera terminé. Ce sera la dernière et je ne ferai pas de comeback, je n’en suis pas capable. Physiquement, je n’en suis pas capable.
Qu'allez-vous faire ensuite ? Entraîneur à Poitiers ?
Oui, enfin il faut déjà que je passe le diplôme… Donc il faudrait que j’arrive à cumuler les spectacles, les galas et puis passer le diplôme. Après, une fois que j’arrête les galas, j’attaque directement et, je l’espère, sur Poitiers. Je veux rester dans ce milieu-là. Je me sens bien ici et j’aimerais bien transmettre mon savoir. Et pourquoi pas former un grand patineur.
Deuxième volet de l'interview de Brian Joubert, sur son rapport avec ses fans, vendredi matin sur RMC Sport.
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