
Boxe: magistral, Fury écrase Wilder comme promis et redevient le roi des lourds

Tyson Fury avec les ceintures WBC et The Ring des lourds - AFP
"Le roi est de retour". Tyson Fury, entré sur le ring coiffé d'une couronne et assis sur un trône comme une prémonition de ce qu'on allait voir, pouvait fanfaronner de son sourire le plus carnassier entre les cordes du MGM Grand avant de pousser la chansonnette, les titres WBC et The Ring des lourds sur l'épaule. Magistral, le "Gypsy King" a détrôné le champion américain Deontay Wilder ce samedi soir à Las Vegas. Et il n'a pas fait les choses à moitié. Un an et trois mois après leur nul controversé, le boxeur britannique n'a pas laissé le moindre doute sur qui était le meilleur combattant entre lui et son rival américain, arrêté par l'arbitre au septième round de leur très attendu "rematch" (qui a généré près de 17 millions de dollars en recettes pour les tickets, record dans l'histoire des poids lourds battu) au moment où l'un de ses entraîneurs jetait la serviette pour mettre fin au calvaire alors que Wilder recevait une pluie de coups dans le coin. Vu la tournure des événements, on peut le comprendre.
Beaucoup de spécialistes n'avaient pas cru Fury quand il avait annoncé vouloir partir à la guerre et mettre KO son adversaire en début de combat. Face au surpuissant Wilder, machine à KO invaincue, l'idée paraissait trop osée. On pensait qu'il n'était pas sérieux. Oh que si. Et son changement d'entraîneur en quittant un Ben Davison qui l'avait aidé à renaître de l'enfer pour aller chercher plus de puissance avec Javan "Sugar Hill" Steward, choix moqué comme inutile (et même contre-productif) par le clan Wilder, prend désormais tout son sens.
Plus lourd de huit kilos par rapport au premier combat, l'Américain n'a jamais semblé pouvoir actionner la vitesse qui fait la force de son punch et s'est vite retrouvé dépassé, plongé par un Tyson en furie dans un combat où il n'était pas l'agresseur quand il est tant habitué à l'être. A part le deuxième round, qui peu prêter à débat, le Britannique en mode ultra offensif malgré près de huit kilos en plus également a remporté sans trembler toutes les reprises, mettant deux fois son adversaire à terre (soit l'inverse du premier combat) au troisième et cinquième rounds alors qu'il ne l'avait été qu'une seule fois chez les professionnels (en 2010)!

Touché de partout (82 coups à 34 pour le Britannique selon CompuBox, dont 58 coups puissants en moins de sept rounds contre... 38 en tout lors du premier combat), lessivé, les jambes qui se dérobaient devant l'ouragan Fury et l'obligeant à s'accrocher aux cordes pour ne pas tomber, Wilder a bien montré du courage mais les deux derniers rounds ressemblaient bien à un long chemin de croix pour celui qui n'est plus invaincu (42-1-1 ; 41 KO) et a perdu son titre WBC remporté il y a un peu plus de cinq ans en janvier 2015.
Fury, lui, redevient le roi des lourds. Et quelle renaissance! Celui qui était sorti de la dépression, des idées suicidaires, de l'alcoolisme, de la cocaïne et des (nombreux) kilos en trop qui avaient suivi sa victoire sur Wladimir Klitschko en novembre 2015 pour les titres WBA Super-IBF-WBO pour se rappeler au monde du noble art dans la première contre Wilder retrouve le trône de la catégorie en remportant la seule ceinture majeure qui manquait à son palmarès en carrière. Pour une des plus belles histoires de l'histoire des lourds, et même de la boxe en général.
Celui qui a annoncé vouloir encore combattre trois fois maximum peut maintenant imaginer de nombreux scénarios. Une trilogie contre Wilder, d'abord, le perdant ayant trente jours pour activer une clause de troisième manche, ce que l'Américain dépité à l'arrêt du combat et qui s'est dit "déçu de voir (s)on coin jeter l'éponge" même si "le meilleur a gagné" ne manquera sans doute pas de faire après avoir promis de "revenir plus fort". "Wilder a montré un cœur de champion en se relevant quand je l'ai mis à terre, il reviendra et il redeviendra champion du monde", lui a même rendu hommage le vainqueur du jour.
Il y a aussi une autre douceur possible pour amoureux de boxe, une unification totale à quatre ceintures de la catégorie (ce qui n'a jamais été fait chez les lourds) face à son compatriote Anthony Joshua, détenteur des ceintures WBA Super-IBF-WBO. Eddie Hearn, promoteur de Joshua qui a échoué dans de nombreuses tentatives pour monter un combat contre Wilder, avait annoncé préféré une victoire du "Gypsy King", avec qui les négociations seraient plus faciles (Fury a déjà dit que la chose devrait se faire à Las Vegas et non en Grande-Bretagne pour une question de business). Son souhait a été exaucé. Mais c'est bien Tyson Fury, le meilleur lourd de la planète et le seul encore invaincu parmi les "grands" (30-0-1 ; 21 KO), qui a repris la main avec une performance à jamais gravée dans le grand livre d'histoire du noble art.