Boxe: pourquoi la défaite de Ngannou contre Fury fait autant parler

Défait aux points sur décision partagé, contre un Tyson Fury sur la réserve, le Camerounais Francis Ngannou a conquis tout le monde pour ses grands débuts en boxe anglaise. Devant la décision des juges, nombre d'observateurs ont crié au vol mais malgré un gros knockdown au 3e round. Mais les stats round par round donnent aussi de sérieux arguments au Gypsy King...

Battu à la décision partagée face à Tyson Fury, Francis Ngannou et nombre d'observateurs ont crié au vol, ce dimanche. Devant les 20.000 spectateurs réunis au coeur de la capitale saoudienne, Riyad, le Camerounais a choqué le monde de la boxe. Pour son premier combat pro en carrière, le colosse de Batié a infligé au Gypsy King l'opposition la "plus dur des dix dernières années", a déclaré l'Anglais invaincu de 35 ans.

Avec un knockdown dès le troisième round (!) et une prestation de haute volée guidée par une très bonne gestion de distance, l'ancien champion de MMA a fait preuve d'une rigueur et d'une efficience qui lui ont permis de rester dangereux tout au long des dix rounds. Premier exploit de la soirée, pour le combattant de 37 ans (123kg, 1,93m) dont beaucoup présageaient une baisse de régime dès la seconde moitié du combat.

Malgré les nombreuses offensives du Camerounais et quelques rounds franchement remportés, deux juges à un (96-93, 94-95, 95-94) ont donné le champion WBC des lourds vainqueur, devant la stupeur de son adversaire, bras ballants. Dès la fin de la soirée, les réactions des fans sur les réseaux sociaux ont aussi rajouté à l'incompréhension générale face au 93-96 donné par le premier des trois juges.

Des statistiques partagées et une avance de Fury au nombre de rounds remportés

Si Ngannou s'est montré bien plus agressif que son adversaire sur l'ensemble des dix rounds, notamment avec 37 power shots à 32, qui ont même obligé Fury à faire l'ascenseur dans le round 3, l'avance du Gypsy King en termes de coups envoyés (71 à 59) est tout de même à souligner. L'Anglais, qui a su revenir dans la fin du combat, profitait alors d'une légère avance, caractérisée par le seul point d'écart le donnant vainqueur sur la carte du premier juge. Un minimum syndical suffisant pour l'emporter.

"Ce n'était certainement pas dans le scénario. Francis est un bien meilleur boxeur que nous pensions", a confessé le champion WBC après le combat. Accusant le coup d'une préparation qui a sous-estimé l'apport technique du "Predator", Fury a subi mais a tout de même su conserver cette légère avance avec ses jabs, 39 envoyés à 22.

Mais alors que le système de pointage d'un combat de boxe se fait round par round, et non sur la dynamique globale du combat, il faudrait davantage s'attarder sur chacune des reprises pour y comprendre la décision des trois officiels de ce dimanche.

D'après les trois juges, unanimement, Francis gagne, sans débat, le 3e round, 10-8 grâce au knockdown, et le 8e round, grâce à un collar-tie et un frame du bras avant fructueux qui ont causé de serieux dégâts à Fury en clinch. De son côté, l'Anglais remporte, unanimement, les 5e, 6e et 9e rounds, 10-9. Seulement 5 rounds ont donc mis d'accord les trois officiels.

Alors que le 1er round est à l'avantage de Fury en termes de coups envoyés et de power-shots, le deuxième juge (qui donne Ngannou vainqueur 95 à 94) l'attribue tout de même au Camerounais.

Le 2e round, bien plus disputé, divise également les trois officiels, poussant même le juge Juan Carlos Pelayos, à l'origine du 96-93 polémique en faveur du champion WBC, à le donner au challenger. Même chose à la 4e reprise où, Fury, piqué au vif après avoir été mis au tapis, se montre plus précis et en fait juste assez pour revenir dans le combat. Suffisant pour glaner les points de deux des trois juges.

Ce sont enfin les 7e et 10e rounds qui sont également au coeur du débat. Pourtant plongé dans le doute face à un Ngannou qui lui tient la dragée haute, Fury s'arrache et fournit un meilleur travail technique face à un Ngannou, bouche ouverte, mais toujours dans le coup. 4 points à 6 au global d'après les juges: le système de pointage (qui peut paraître rageant) permet à l'Anglais, tout en gestion, de conserver de justesse son statut d'invaincu.

Un coude au coeur de la controverse

Certains fans déçus par la performance du Gypsy King ont même mis en avant une aura "Fury" qui pourrait potentiellement favoriser la famille dans le scoring des juges, faisant notamment référence au succès jugé injuste du cadet Tommy Fury , contre KSI, deux semaines avant le choc de Riyad. Mais au-delà des spéculations de favoritisme, un coude illégal envoyé par le Gypsy King à la tempe de Ngannou a également fait jaser.

Alors si l'ensemble de la communauté MMA est montée au créneau, en soutien de l'ancien champion de l'UFC, ce sont aussi plusieurs grands noms du sport qui ont été scandalisés par la décision comme Lebron James ou encore Gary Lineker. Auteur d'une piètre performance, dont il ne nous avait pas habitué, Fury a perdu de sa superbe dans ce match piège face au Camerounais. De quoi laisser planer des doutes avant son combat contre Usyk, champion WBA-WBO-IBF des lourds ?

Venu chercher le champion invaincu des lourds sur son terrain de jeu, Ngannou a peu perdu, dimanche à Riyad. Le chèque de 10 millions de dollars empochés et le knock-down infligé au Gypsy King, qui marquera pour de bon les esprits, au bout d'un combat au-delà des attentes, permettent au Camerounais de ressortir tout de même grand gagnant de ce choc...

S.I