"J’étais attendu au tournant": Jonatan MacHardy raconte sa victoire en grappling dans une cage

Jonatan, deux jours après ton combat, quel sentiment prédomine? La satisfaction de la victoire ou le souvenir de l’expérience?
C’est le soulagement. Très honnêtement, j’avais beaucoup de pression. S’il y a eu cette médiatisation à travers RMC et nos podcasts, je sais que c’est parce que je combattais. Et je sais que j’étais attendu au tournant. Je suis soulagé, donc, et je suis aussi très, très fier d’avoir rendu fiers mes deux entraîneurs, Julien Cazier et Karim Terrache, qui ont investi beaucoup de temps sur moi, sur mon entraînement, sur mon développement technique. Le travail est encore loin d’être fini, la route est longue, mais je suis très content pour eux. C’est bizarre car c’est un sport individuel, tu rentres dans la cage tout seul, mais c’est ce que les combattants nous disent souvent, et qui n’est pas une phrase bateau: c’est très individuel mais c’est avant tout un sport d’équipe. Là, j’ai vraiment compris la quintessence de cette phrase.
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Au-delà du combat, il y avait tout ce qu’il y avait autour, comme la pesée, les interviews. Comment as-tu vécu cela?
C’était très dur. Je suis arrivé la veille pour la pesée et mes entraîneurs ne sont arrivés que le lendemain. Tout le temps om j’étais seul, c’était extrêmement dur. J’étais en panique. Je parlais à Sacha et Lémuel de la chaîne Twitch RMC Sport et je leur disais: "Mais dans quelle merde je me suis foutue?" J’avais une pression de malade. Malgré le fait qu’il y avait beaucoup de combats sur la carte, beaucoup des interviews étaient pour ma pomme car ça suscitait pas mal de curiosité. Quand je suis arrivé à la gare, à Rennes, un mec lisait Ouest-France et m’a montré la page avec ma trogne dedans. Je me suis dit pareil: mais dans quelle merde je me suis mis? Mais dès que mes entraîneurs sont arrivés, c’est comme si on avait enlevé un poids de mes épaules. A partir de ce moment-là, j’étais dans la zone, très détendu. J’avais même un peu peur d’être trop détendu. Dans le couloir au moment d’entrer pour combattre, je me foutais des grosses tartes dans la tronche et tout le monde me regardait comme si j’étais un barjot. J’étais vraiment extrêmement détendu. Ce qui prouve qu’il est très important d’être bien entouré. C’est primordial.
Dans le combat, tu t’es vite assis pour jouer la garde, ce à quoi on pouvait s’attendre. As-tu été surpris par ce qui s’est passé dans la cage?
J’ai été un peu perturbé par un petit truc: le fait que ce soit dans une cage. A un moment, je m’assois puis je me relève direct car je me suis dit que je m’étais peut-être assis un peu trop près du grillage et je ne voulais pas être bloqué, je voulais être libre de rouler et d’attaquer dans tous les sens. Mon gameplan était simple, et ce sera comme ça pour tous mes combats donc c’est cadeau pour mes futurs adversaires : ce que je veux, c’est attaquer. Ce n’est pas que je ne veux pas faire un combat pénible à regarder, où tu attends et tu bloques, mais mon style est d’être très offensif. Ma garde est très offensive car j’ai travaillé défensivement pour être responsable. J’étais perturbé par la cage, donc, mais à partir du moment où je me suis assis la deuxième fois, j’étais dans mon élément. Je sais que ça l’a perturbé, car je me suis assis de manière très décontractée, et ça l’a fait douter. Il m’a dit que j’avais l’air d’être sûr de moi.
Tu gagnes sur une kimura, une clé de bras qui peut faire très mal. Tu lui as cassé quelque chose?
Il y a eu du dégât, oui. La première fois que j’enclenche bien la kimura, j’entends que ça claque dans son épaule. J’ai même failli lâcher car à la salle, quand tu fais ça et que tu entends un bruit, tu t’arrêtes. Ça m’a un peu perturbé. C’est le manque d’expérience. Au final, je n’ai pas lâché. Il a roulé, il a tenu, très courageux, et au moment où il tape, c’est vraiment que je l’ai enclenchée loin et j’ai entendu des bruits bizarres dans son épaule. Je pense qu’il va devoir prendre un peu de repos.
Sur place, le supporter marseillais que tu es s’est-il fait chambrer par des fans de foot?
Sur les réseaux, oui, mais sur place, non. Les gens étaient tous très curieux de me voir faire ça. C’est marrant car les gens me connaissent grâce à RMC mais je m’entraîne sérieusement, je ne fais pas ça à la rigolade. Je peux comprendre que ça suscitait pas mal de curiosité. De mon côté, j’étais stressé donc j’essayais juste d’être concentré. Après le combat, j’ai eu plein de messages extrêmement sympas. Beaucoup d’amis du podcast RMC Fighter Club m’ont félicité. Les gens étaient tous très contents pour moi, ça m’a surpris. Même sur les réseaux sociaux, c’était plutôt cool.
Peux-tu nous dire depuis combien de temps tu pratiques le grappling et à quel rythme?
Depuis deux ans et demi. Le rythme? Quasiment tous les jours. J’essaie de m’entraîner au minimum cinq fois par semaine. C’est un bon rythme. C’est un sport où tu peux tourner dur tous les jours si tu veux. Ce n’est pas comme un sport de percussion où tu prends des dégâts. Donc tu es toujours un peu blessé. Pendant ma préparation, j’ai eu une grosse blessure. Je me suis tordu le pouce à l’équerre, je me suis arraché le ligament du pouce droit et je n’avais aucun grip jusqu’à la veille du combat. C’est pour ça que c’était une vraie satisfaction personnelle de pouvoir enclencher une kimura car je n’arrivais pas à ouvrir une bouteille d’eau avec ma main droite jusqu’à la veille du combat. Je ne pouvais attaquer aucune kimura. C’est Max Heisig, un coach américain de ma salle Gracie Barra à Paris, qui m’a montré ce kimura trap: prendre la kimura de ta demi-garde pour aller dans le dos. C’est une technique que j’aime vraiment beaucoup et je ne pouvais pas la faire du tout avec ma main. Mais mon grip est revenu juste à temps, ça s’est bien goupillé. Je n’ai pas été dans le dos car il bloquait bien ma jambe mais j’ai pu finir la kimura.
A la fin du combat, l’envie de remettre ça au plus vite était déjà là?
Bien sûr qu’on va remettre ça. En fait, je regrette de ne pas avoir plus profité de mon entrée dans la cage, etc. J’étais stressé, ça se voyait à l’écran, mais j’aurais aimé plus profiter des gens dans la salle, de l’énergie qu’ils donnaient. C’est une bonne expérience qui va me servir car je sais que j’aborderai la chose différemment la prochaine fois, en étant plus détendu et surtout en profitant plus. Après, le meilleur moment, c’est quand ça s’est terminé, qu’on me lève le bras, que mes entraîneurs rentrent dans la cage et que je leur saute dessus. C’est un souvenir qui va rester gravé pour toujours dans mon cœur. On m’a envoyé une vidéo de ce moment et c’était vraiment une super émotion.
C’est quoi la suite pour toi ? Un nouveau combat dans la prochaine soirée AEF? Je t’ai entendu évoquer les qualifs de l’ADCC, la plus grande compétition de grappling…
Je peux le faire en "Master", en plus de 30 ans, et c’est un truc que j’aimerais faire sans pression, juste pour essayer de passer le plus de tours possible car c’est en mode tournoi, le tout sans objectif si ce n’est de vivre une belle expérience. Ça peut te qualifier à l’ADCC mais il faut bien dire que c’est impossible pour moi, le niveau est trop haut. Mais participer et se confronter à des gens de très haut niveau peut être sympa, surtout dans un format où les règles me conviennent, comme à l’AEF où c’était aussi en dix minutes mais sans point ni pénalité dans les cinq premières. C’est pour ça que j’ai pu m’asseoir. Dans le format IBJJF, par exemple, si tu t’assois, tu prends une pénalité. Ce genre de format me convient. Et je suis ouvert à toutes les propositions. Si des "super fights" se montent en France et qu’on veut faire appel à moi, ce serait oui avec grand plaisir. J’ai l’impression d’avoir montré seulement un dixième de ce que je sais faire. Ça s’est terminé vite, c’est bien, mais honnêtement, je regrette un tout petit peu de ne pas avoir fini sur un truc flashy. C’est pour ça que j’ai failli lâcher la kimura à un moment pour rouler vers l’arrière, inverser et faire une des techniques que je travaille. Mais c’est bien pour mon développement technique car c’est le défaut que j’ai. Julien Cazier, mon coach, me le dit souvent : parfois, je fais un peu comme les footballeurs qui font le dribble de trop… Là, au moins, je me suis prouvé que les trucs basiques, simples et efficaces marchaient aussi mais j’ai hâte de montrer tout ce que je sais faire.
Il y aura bien un retour dans la prochaine soirée AEF?
J’y serai, oui. Ça fait prétentieux mais je pense avoir une petite part dans le succès de l’événement car j’ai aidé à la médiatisation du truc. Et j’ai délivré le jour J. Ça n’aurait pas eu le même effet si je m’étais fait étrangler en trente secondes. Willy Sirope, l’organisateur de l’AEF, m’a déjà dit : ‘‘Ton prochain combat sera avec moi, tu ne combats pas ailleurs’’. Je suis ouvert à tout mais je vais évidemment recombattre pour Willy, c’est une évidence.