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Il peut marquer l'histoire de la lutte française: qui est Ibrahim Ghanem, engagé aux Mondiaux de Zagreb

Ibrahim Ghanem (lutte) le 23/09/2023

Ibrahim Ghanem (lutte) le 23/09/2023 - Icon Sport

Ibrahim Ghanem vise une deuxième couronne mondiale ce vendredi à Zagreb. Ce serait une première dans l’histoire de la lutte française. Portrait de l’increvable combattant engagé chez les moins de 72 kilos.

Les bras en croix sur le tapis de l’Insep, Ibrahim Ghanem vient de s’infuser 8 minutes supplémentaires de combat avec un nouvel adversaire toutes les 60 secondes. Sur le dos, il place un doigt sur sa gorge pour prendre ses pulsations. Plus de 180 battements par minute. Dernier moment de cette séance où le lutteur de 30 ans en a rajouté pendant que ses coéquipiers en avaient terminé. Ils l’applaudissent. "C’est bon, tu as eu ta dose?, rigole le manager Yvon Riemer, ancien champion du monde. "J’avais fait des fautes lors du premier passage de 8 minutes alors j’ai voulu ne pas reproduire les mêmes erreurs", se justifie Ghanem une fois reposé de cette séance de torture.

Ce rab’ explique certainement pourquoi le lutteur licencié à Schiltigheim est actuellement l’un des trois meilleurs lutteurs en moins de 72 kilos de la planète. Depuis 2023, il n’a raté que ses championnats d’Europe 2024. Sinon, que des finales. Vice-champion d’Europe 2023, champion du monde 2023, vice-champion du monde 2024 et cette année champion d’Europe, titre partagé avec le Hongrois Levai. À Zagreb (Croatie), ce vendredi, il sera tête de série numéro 1 de son tableau:

"On aimerait bien le doublé", sourit son entraîneur Christophe Guéno. "Si je le fais, je rentrerais dans l’histoire. C’est mon objectif", appuie Ghanem. Aucun Français n’a deux couronnes planétaires à son palmarès. À l’intérieur de la machine "Ibra", un moteur jamais à court d’essence. Sa tactique: le pressing pendant les 6 minutes d’un combat. "Sur un combat, il ne gère pas", analyse Guénot. "Il démarre à bloc et les adversaires craquent. C’est souvent dans la deuxième période, avec la fatigue, que les adversaires craquent."

Il faut les voir se faire refouler du cercle de lutte trois fois, quatre fois, cinq fois, et regarder le pécule de points de Ghanem grimper. Il les rince jusqu’à la dernière goutte. Le Français est plus complet que cette description: "Tout le monde me dit que je gagne parce que j’ai le meilleur cardio, je crois que c’est faux. Il y a des gens meilleurs que moi sur le cardio. Il y a la tactique, la gestion de l’arbitrage, l’intelligence."

La lutte commence sur les mains et à ce petit jeu, Ghanem sait les placer pour peser et amener l’adversaire dans sa zone. Pour se préparer au rendez-vous hongrois, il est parti à 1800 m d’altitude en Géorgie pour un stage avec l’équipe nationale locale. À l'entraînement, Ghanem demande à ses partenaires de reproduire le style de lutte des trois lutteurs les plus problématiques selon lui. La Fédération française de lutte a énormément investi sur son secteur vidéo ces derniers mois. Un outil pour affiner les stratégies d’avant-combat. Tout le monde connaît le plan Ghanem. Il a travaillé quelques ajouts cet été pour surprendre autrement que par son physique d’airain.

Né en Égypte en 1995, Ibrahim Ghanem a représenté les Pharaons jusqu’en 2019 avec notamment un titre de champion d’Afrique. En 2017, il ne rentre pas au Caire après les Mondiaux à Bercy et décide de faire sa vie en France. Depuis 2020, il met le maillot bleu-blanc-rouge et empile les victoires. Pourtant, aucun sponsor ne l’accompagne. "J’espère que ça va se développer, car ici à la lutte on a des médaillés et zéro sponsor dans notre équipe de gréco-romaine. La lutte, tout le monde connaît. C’est un beau sport."

Il est en route jusqu’aux Jeux Olympiques de Los Angeles. Les moins de 72 kilos ne sont pas une catégorie olympique. L’année dernière, Ghanem était monté chez les moins de 77 kilos pour essayer d’arracher une qualification à Paris. Monstre chez lui, il s’est retrouvé en difficulté face à des adversaires bien plus épais hors compétition. Il retentera le pari après 2027. En moins de 77 kilos ou pourquoi pas chez les petits moins de 67 kilos. "Moi, j’ai un truc dans la tête, c'est les JO. On fait ça pour la médaille olympique", conclut-il. "Je travaille jusqu’à 2027, les Europe les monde, c'est bien, mais le rêve, c'est la médaille aux JO. La dernière chose de ma vie, après j’arrêterai tranquille." Pas sûr qu’après ça il en rajoute.

Morgan Maury