Bellator Paris: Cheick Kongo, pionnier-légende en quête d’histoire devant les siens

Et s’il s’arrêtait là? A l’approche de son combat très attendu contre Ryan Bader pour le titre des lourds du Bellator à Bercy, Cheick Kongo a fait face à de nombreuses questions sur son avenir. A quarante-six ans, fort d’une carrière professionnelle débutée en juin 2001 (31-11-2 et 1 NC en carrière), la seule légende du MMA français – il y en aura sans doute d’autres dans le futur mais seul lui mérite ce statut pour l’instant – n’est forcément plus très loin du bout du chemin. On se prend même à l’imaginer remporter la ceinture contre Bader avant de déposer les gants au milieu de la cage de l’enceinte parisienne pour tirer sa révérence.
>> Suivez le choc Bader-Kongo au Bellator Paris avec les offres RMC Sport
"Il sera le seul à décider mais ce serait une façon fantastique de finir sa carrière", estime Scott Coker, président du Bellator. "C’est possible", avait répondu l’intéressé dans le podcast RMC Fighter Club. Avant de nuancer ces derniers jours: "Cette possibilité est très loin. Peut-être mais… Il faut être assez intelligent pour ne pas faire le combat de trop. Mais qui sait quand il arrivera? J’en referai peut-être un, deux ou pas du tout. Mais pour l’instant, ce n’est pas du tout l’idée que j’ai en tête. Est-ce que j’aimerais la ceinture si je la gagne? J’ai déjà nettoyé la catégorie. Ce sera juste la cerise sur le gâteau de finaliser tout ça. Donc techniquement, non. Mais on ne sait pas. C’est juste abstrait."
Dans ses paroles, on sent que le vieux sage ultra respecté par ceux qui ont suivi son sillage se questionne. Logique. Il y aurait une beauté à partir comme ça. S’il remporte le titre des lourds du Bellator, Kongo aura marqué pour de bon une histoire du MMA français qu’il a aidée à façonner dans ses débuts: il deviendra le premier représentant tricolore sacré dans une des deux organisations majeures (avec l’UFC) de la discipline mais aussi le plus vieux néo-champion de l’histoire de ces deux principales organisations! "C’est l’opportunité de remettre les pendules à l’heure et de marquer les esprits, de dire au public: voilà les gars, on peut le faire", annonce un Kongo "pas là pour (s)e faire tabasser" mais "pour gagner comme il se doit".
Le tout devant les siens, pas loin de son Sevran natal où il promet de ramener la ceinture s’il l’emporte, dans son pays où son sport a si longtemps été banni. "Pour les aficionados français du MMA, ça va être particulier de pouvoir enfin vivre ce type d’événement et de ne pas avoir besoin de le voir à la télévision, sourit-il. Ils pourront participer et c’est magnifique." Victoire ou défaite, Kongo a promis de "foutre le feu". On peut le croire sur parole. D’autant qu’il y a une frustration à effacer.

"On va régler nos comptes"
Son premier combat contre Bader pour le titre, en septembre 2019, deuxième chance pour la ceinture des lourds du Bellator après sa défaite sur décision contre le Russe Vitaly Minakov en avril 2014, s’était conclu dans la controverse: Kongo, dominé en début de combat, avait été touché par un doigt dans l’œil gauche officiellement "accidentel " qui avait poussé le docteur à stopper le combat dès le premier round pour un no contest (pas de décision). Depuis, les deux protagonistes se renvoient la balle. Le Français affirme que la chose était intentionnelle (avec aussi un doigt dans le nez, visible à l’image) car son adversaire sentait que le choc allait tourner en sa défaveur.
L’Américain, qui rappelle n’avoir vu aucune image prouvant son doigt dans l’œil, prétend que c’est un uppercut qui avait touché le challenger. Kongo se plaint aussi de ne pas avoir eu l’opportunité s’expliquer sur la situation à l’époque quand Bader avait pu se justifier en conférence de presse. Bref, il y a un débat à conclure. "On va régler nos comptes", lance Kongo avec appétit. Et l’envie d’entamer le combat mieux que ce qu’il avait fait en 2019: "Ça va partir au quart de tour. Sur le premier, c’était vraiment en mode diesel, tester, se mettre dans le jus. Mais c’est quelqu’un qu’il ne faut pas laisser s’imposer et prendre ses marques d’entrée. Il faudra le bloquer d’entrée de jeu et faire le travail, l’asphyxier."
Kongo se battra pour lui, pour sa légende, pour son héritage, comme pour le public réuni à Bercy pour le pousser. Comme toujours, il se battra aussi pour un objectif plus global dans un pays où le rejet de l’autre a gagné du terrain ces dernières années. "Au-delà de tout ça, c’est vraiment apporter du respect sur les communautés africaines, maghrébines, noires, a-t-il lancé en conférence de presse. On est là, on fait partie de la France, on est reconnu dans le monde entier en tant que Français et c’est un point d’honneur car quand on regarde l’Afrique aujourd’hui, c’est du dédain, du dénigrement et j’en passe." Et de compléter à notre micro: "C’est un véritable fer de lance pour moi, des valeurs auxquelles je suis accroché et que je veux défendre".
Voilà une partie de ce qui fait encore courir Kongo. Pour le reste, trouver l’origine du côté éternel du combattant exilé depuis de nombreuses années aux Etats-Unis nous fait plonger dans son quotidien de grand professionnel. Celui où il continue de s’infliger plusieurs heures d’entraînement par jour pour rester dans une forme étincelante. Souvent, pour expliquer sa longévité, il pointe aussi le fait de n’avoir jamais consommé de produits dopants pour se préparer au contraire de nombreux combattants de sa génération. On sent d’ailleurs que le sujet, qu’il dit "toujours" prégnant dans le MMA, le travaille. "Le plus gros danger chez Bader? Techniquement, si je dois être franc, ce sont… les produits illicites, nous lâche-t-il dans un éclat de rire. Mais je m’en fous. Qu’il en prenne ou pas, il va manger double."
Et de philosopher sur la question: "Les choses s’arrangeront lorsque les gens comprendront que sur le long terme, ça bousille des vies. Ils sont contents, ils gagnent de l’argent et tout ce qui va avec, mais si c’est pour vivre sur un fauteuil roulant ou marcher avec des cannes au début de la quarantaine, non… Et il y en a beaucoup comme ça. Le fait d’être loin de tous ces trucs-là m’a aidé." Quand on lui demande son top 5 de l’histoire des poids lourds en MMA ou son combat de rêve qui n’a jamais eu lieu, les réponses fusent comme des rappels de son propre statut de légende de la discipline.
"Un combat de rêve? Peut-être contre moi-même, même si je le fais déjà tous les jours à l’entraînement. (…) Mon top 5? A vous de le faire. Mais aucun ne me fait rougir." L’histoire du combattant français, qui reste sur neuf victoires sur ses onze derniers combats mais seulement une lors de ses trois dernières sorties, va continuer de s’écrire à Bercy. Où Cheick Kongo peut s’offrir le plus beau chapitre de son livre personnel, tellement mérité pour tout ce qu’il a fait. S’il y parvient et s’arrête là-dessus, personne ne pourra lui en vouloir. On devra juste lui dire merci pour tout.