Bellator Paris: Ryan Bader, l’invité venu pour gâcher la fête

Cheick Kongo au milieu de la cage de Bercy tard ce vendredi soir, ceinture de champion des poids lourds du Bellator sur les épaules face à une foule aux anges. L’image fait rêver tous les amoureux du MMA français. Mais pour voir le pionnier tricolore marquer un peu plus l’histoire de sa discipline dans notre pays s’offrant une sublime cerise sur le gâteau d’une carrière déjà légendaire, il faudra franchir un obstacle bien décidé à ne pas lâcher son trône: Ryan Bader. Le combattant américain, trente-huit ans, sait qu’il n’aura pas les faveurs du public parisien (et c’est un euphémisme). Pas grave.
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Les ambiances hostiles, ça le connaît. Elles semblent même le motiver. "J’ai combattu au Brésil où les fans chantent 'Tu vas mourir!' quand tu rentres pour affronter un des leurs, sourit-il au micro de RMC Sport. Je me nourris de cette énergie, qu’elle soit bonne ou mauvaise. C’est un grand moment pour le MMA en France et je suis l’étranger qui arrive pour perturber tout ça. J’espère gagner le respect des fans à la fin du combat, qu’ils seront fans de moi et m’applaudiront après ça. Je suis impatient de voir leur énergie et de faire partie de ce moment d’histoire."
Il y a un côté force tranquille chez Ryan Bader avant ce rendez-vous dans la cage en apothéose du Bellator Paris. Logique. Le garçon en a vu d’autres. Ancien lutteur universitaire de très haut niveau, une discipline qu’il avait débutée à sept ans, le natif du Nevada entame sa carrière pro en MMA en 2007 avant de vite rejoindre l’UFC via sa victoire dans le huitième opus de The Ultimate Fighter, l’émission de téléréalité de l’organisation américaine. S’il ne remportera jamais un titre à l’UFC, "Darth" (son surnom) va y affronter une enfilade de légendes du MMA: Antonio Rogerio Nogueira, Jon Jones, Tito Ortiz, Quinton Jackson, Lyoto Machida, Glover Teixeira ou encore Rashad Evans.
Quand on lui demande, il dit qu’il aurait aussi beaucoup aimé se mesurer à Mauricio 'Shogun' Rua. Cela ne s’est jamais fait mais cette liste blindée de grands champions s’écrit déjà comme une plongée dans l’histoire de sa discipline. "Je ne me retourne pas beaucoup sur ma carrière mais quand je vais vérifier la date exacte d’un de mes combats, je vois cette liste et je me dis: 'Bordel, j’ai vraiment affronté beaucoup des plus grands noms de l’histoire de ce sport!' Quand je serai à la retraite, ce sera génial de repenser à tout ça. Mais pour l’instant, je reste concentré sur ce qui est devant moi, sur mon prochain combat."
La victoire n’est pas toujours au rendez-vous contre les grands mais Ryan Bader prouve qu’il mérite sa place à leur table. En 2017, il rejoint l’autre grosse organisation mondiale, le Bellator, et marque le début de son nouveau challenge par un sacre en battant Phil Davis pour la ceinture des lourds-légers. Enfin champion, il ne se contente pas de ce premier or et remporte en 2018 le tournoi World Grand Prix chez les lourds, le million de dollars qui va avec et surtout la ceinture vacante de la catégorie, battant en finale une autre légende du MMA en la personne de Fedor Emelianenko.
Il devient alors le premier double champion dans deux catégories en même temps de l’histoire du Bellator. Sa première défense du titre des lourds, en septembre 2019, se termine dans la controverse d’un doigt dans l’œil qu’il continue de nier aujourd’hui infligé au challenger… Cheick Kongo, qu’il dominait jusque-là. Près de trois ans plus tard, les deux se retrouvent à Bercy pour régler leurs comptes, ceinture en jeu. Entretemps, Bader a lâché celle des lourds-légers à Vadim Nemkov. Mais il ne le regrette pas, précisant qu’il ne supportait plus de "(s)e tuer la santé" pour faire le poids dans cette catégorie.
Ces derniers jours, en conférence de presse ou à la pesée, où Bader a chaque fois logiquement déboulé avec sa bande, une sérénité se dégageait de l’Américain, très respectueux de son adversaire. Comme s’il venait faire un boulot dont l’issue ne fait aucun doute dans sa tête malgré deux défaites dans ses quatre derniers combats. La conséquence de ce début de premier choc contre Kongo où il avait clairement l’avantage avec l’idée d’un scénario similaire? "Chaque combat est différent et on ne sait jamais comment ça va se dérouler, dans quelle position tu vas te retrouver, répond-il. Je pense pouvoir faire la même chose mais on ne sait jamais. Je ne veux pas me mettre en tête que ça va se passer exactement comme ça car si ce n’est pas le cas, ça me sortira de mon plan de jeu. Je suis prêt pour tout."
A trente-huit ans, Bader fait presque figure de jeunot comparé aux quarante-six printemps de Kongo. La passion pour son sport reste forte, solide, intacte. Mais après tant de batailles (29-7 en carrière), l’Américain voit déjà un peu le bout de la route à l’horizon. "Qu’est-ce qui me fait continuer? Mon côté compétitif. J’ai toujours aimé la compétition. Si je n’ai pas ça, j’ai l’impression qu’il manque quelque chose dans ma vie. Je n’ai pas une tonne d’années devant moi dans ce sport car je n’ai pas envie de continuer à combattre quand j’aurai quarante-trois ou quarante-cinq ans. Pour l’instant, je me sens dans une forme incroyable, aussi bien que quand j’avais vingt-deux ans, et je peux m’entraîner de la façon dont j’ai besoin pour gagner. Le jour où ce ne sera plus le cas sera celui où je dirai que j’en ai fini avec ce sport."
Bader vient de signer un nouveau contrat de quatre combats avec le Bellator, qui commence avec ce deuxième choc face à Kongo. Mais après ça… "Je vais le terminer et on verra ce qui se passera derrière. Ce contrat devrait être rempli dans les deux prochaines années et je veux faire d’autres choses, profiter de ma famille au maximum car même si m’entraîne près de chez moi et que le MMA me donne la liberté d’être plus souvent avec eux que dans un job 'normal', vous devez forcément être égoïste quand vous combattez entre les camps d’entraînement et tout le reste." Cela tombe bien: Ryan Bader sera seul face à toute une salle ce vendredi soir lorsqu’il pénétrera dans la cage avec la légende locale Cheick Kongo.