Romain Gane: "Ciryl, Il fait le clown tout le temps et ça nous fait rire à la maison"

Ciryl Gane, c’est leur "bébé", leur "grand garçon". Celui qui les rend si fiers depuis toujours. Maryse et Romain Gane, parents de Ciryl Gane qui va combattre contre Ngannou dans la nuit de samedi à dimanche pour la ceinture de champion du monde de MMA catégorie poids lourds UFC, ont reçu (avec beaucoup de gentillesse) pendant pas loin de deux heures, mardi après-midi, RMC Sport dans leur appartement, proche du quartier de la Garenne, à La Roche-sur-Yon en Vendée. Romain, conducteur de cars à la retraite, s’est installé confortablement sur son canapé gris anthracite pour raconter (avec une gouaille inimitable) l’histoire d’un de ses trois enfants. Le petit dernier: Ciryl, 31 ans. Pendant tout l’entretien, assise à ses côtés et volontairement en dehors du champ de la caméra, Maryse, plus réservée, a souri, a ri, a corrigé parfois, mais a acquiescé le plus souvent les mots de son mari. Entretien.
Romain, vous pensez beaucoup à ce combat ou vous en parlez beaucoup?
Non, vous savez, Ciryl est venu nous voir par exemple à Noël, il n’a même pas été question de son combat. On a parlé de plein de choses, il a bu un ti-punch avec son papa. Quand il vient chez nous c’est pour parler d’autres choses…
Vous êtes dans quel état d’esprit à quelques jours de l’événement?
J’ai confiance en mon garçon. Je sais qu’il va gagner avec la manière. Il s’est entraîné pour son combat. Il fait déjà partie des hommes les plus forts du monde. C’est le dernier étage à monter pour lui.
Vous arrive-t-il d’avoir peur pour lui?
Non, je n’ai pas peur pour mon fils. Moi, je n’ai jamais eu peur de personne et mon fils non plus. J’étais comme ça moi aussi. Je n’avais peur d’aucun adulte quand j’étais enfant… Je me défendais, mais je n’aimais pas la bagarre non plus. Ciryl est comme moi. Quel que soit le colosse, il n’a pas peur. Sa maman a peur, mais pas moi. Lui, il touche à tout, il court, il saute, il lève le genou… il sait tout faire. Et je sais qu’il s’est entraîné pour lutter.
Parlez-nous de cette trajectoire folle… Il a commencé les sports de combat très tard (à 24 ans). Vous êtes surpris de le retrouver à ce niveau-là maintenant?
Je ne savais même pas qu’il s’était engagé dans la boxe. Moi, j’étais un footballeur. Et le papa veut toujours que son fils fasse pareil. Il a choisi sa voie… Il a d’abord fait du foot puis du basket. Il était très bon. J’aurais aimé qu’il soit footballeur comme moi [Romain Gane a joué à Aizenay en Vendée jusqu’en Division d’Honneur]. Il a mis du temps à nous dire qu’il faisait de la boxe.
Pourquoi selon vous?
Je ne sais pas. Il avait peur qu’on soit inquiet. Il faisait de la boxe thaï. Il avait peur pour sa maman mais pas pour moi… Et puis un jour il nous a dit: "Maman, Papa, je fais de la boxe thaï!"
Quelle a été votre réaction?
J’ai eu un temps d’arrêt. Je lui ai dit que je ne me doutais pas qu’il aimait les sports de combat. J’ai pensé à mon père et j’ai dit tant mieux si c’est ce qu’il veut faire.
Votre papa était boxeur?
Oui, il était amateur. A chaque fête des communes en Guadeloupe, il y avait de la boxe, comme il y avait des courses en sac. On appelait ça des exhibitions. Il était très bon en boxe, mon papa.
Parlez-nous de Ciryl enfant?
Garçon, il a pris de la carrure et des pectoraux très vite en grandissant. A six ans, on l’a amené au Piquet [petit lieu touristique proche de La Roche-sur-Yon], il s’est déshabillé pour se baigner dans la petite rivière. Et quand j’ai vu le garçon, il était dessiné déjà… les dorsaux, les pectoraux, les abdos etc. C’était naturel. J’ai hérité de mon papa et je lui ai donné… (rires)
Il joue d’abord au football?
Oui, en débutant, j’étais responsable de lui au club de Jean Yole [quartier de la Roche-sur-Yon]. C’est moi qui l’entraînais. Saint-André d’Ornay l’a ensuite recruté. Puis, il a été sélectionné pour un stage pour jouer en équipe de Vendée. Il est allé à Fontenay-le-Comte. Il était déjà grand, on le mettait derrière. Cela ne lui a pas plu. Il pouvait jouer partout. Il s’ennuyait derrière. Il voulait être actif. Il n’a pas pu intégrer cette sélection pour aller au tournoi de Montaigu. On lui demandait plus que les autres aussi.
Il a pratiqué le basket ensuite?
Il a débuté à la Roche puis il a joué à Carquefou [près de Nantes]. Il devait travailler dans un magasin de sport, mais finalement la porte ne s’est pas ouverte. Puis, il est parti à Paris… Il a repris ses études là.
Et dans la vie de tous les jours, c’était un bagarreur?
Non, personne n’est venu se plaindre comme quoi mon fils a tapé son enfant. C’était déjà un grand gabarit donc personne n’osait l’embêter. Il faisait deux ou trois têtes de plus que les autres. D’ailleurs, on se mesurait tout le temps à la maison. Dans le débarras, on a coin pour se mesurer, on donnait un coup de crayon… Il n’était même pas intéressé par les sports de combat. Son truc c’était une partie de foot, de basket ou manger avec les amis…
C’était un bon élève.
Intelligent mais feignant. (Maryse souffle ça) Sa maman s’est beaucoup occupée de lui.
Bon gamin est son surnom, ça lui va bien?
Oui ça lui va bien, c’est un gars gentil, posé, rigolo. Il fait le clown tout le temps et ça nous fait rire à la maison. Il est tout en gaieté. Il ne s’énerve jamais, moi, oui, mais pas lui. Mais, il a une grosse voix.
Quand vous le voyez "achever" un adversaire, ça vous surprend de lui alors?
Non car son sport veut ça. Et en plus l’arbitre vient automatiquement… La boxe de Ciryl est toujours propre. Il fait rarement saigner ses adversaires.
Vous vous souvenez du premier combat auquel vous assistez?
Oui, c’était à Aubervilliers, sous un petit chapiteau. Un combat de boxe thaï. Ce soir-là, je me dis qu’il peut aller loin. Le public scandait déjà "Ciryl, Ciryl…" Je me suis dit ce n’est pas possible il y a déjà un public pour lui. Mais ce soir-là, quand il est monté sans vêtement sur le ring, son corps ça n’avait rien à voir avec ce qu’on voit de lui quand il est habillé. C’était un gros bébé. Je me suis dit que j’avais fabriqué quelque chose beau (rires). On n’a vu que deux combats de boxe thaï, à Paris et en Vendée. Le deuxième combat a duré dix secondes… Pourtant, c’était un costaud en face.
Vous êtes fier de lui, ça se sent?
Oui, je suis très fier de mon garçon même s’il ne m’a pas suivi au foot. Moi, mon papa voulait que je sois boxeur et j’ai été footballeur. Ciryl a finalement fait le sport que son grand-père voulait que je fasse (rires).
Vous allez l’avoir au téléphone cette semaine?
On ne l’appelle jamais. C’est lui qui nous appelle quand il est à l’étranger en vidéo. Il nous appelle "le daron et la daronne". C’est le bébé à sa maman ce grand gaillard. Il va nous appeler avant le combat. Il a besoin de la force de ses parents.
Vous allez dormir dans la nuit de samedi à dimanche [avant le combat prévu vers 6 heures]?
Oui, moi, je dors. A tous les combats, je dors… Je ronfle à côté de ma femme même. Elle me le reproche.
Cela vous arrive-t-il de lui donner des conseils?
Non, je ne donne jamais aucun conseil. Même à tous mes enfants. Même si je vois des choses qui ne plaisent pas pendant le combat, je laisse ça à l’entraîneur. Je le félicite tout le temps en revanche. Bravo mon fils, bravo mon champion.
Il a une grosse confiance en lui?
Oui car il met tout en oeuvre pour gagner. Quand il était jeune, il avait moins confiance en lui. Il était peureux. Il a eu peur de l’eau… jusqu’à 5-6 ans. Il voulait toujours être dans les jupons de sa maman.
Et s’il devient champion du monde de MMA, cela va-t-il changer votre vie?
Non, j’aurai toujours la même vie. Il a accompli quelque chose qui nous a amené sur la lune déjà. S’il prend le Graal, je me dirai qu’il l’a fait, mais ça ne changera pas notre vie. On sera toujours les mêmes. Je serai toujours le même Romain… Je boirai toujours le ti-punch avec les amis. Je ne suis pas un vantard.
Et Ciryl, il changera?
Non, il sera toujours le bon gamin qui rigole, qui joue.
La Roche-sur-Yon, ça représente quoi pour lui?
C’est où il est né. Il a fait toute son adolescence ici. Il s’est fait des bons amis ici. Il n’a d’ennemis nulle part de toute façon. Il aime cette ville dans la ville. Il revient quand il peut.
Les gens le connaissent à la Roche?
Oui, les gens qui me connaissent m’en parlent. J’ai été conducteur de cars donc je connais beaucoup de monde. Les gens me disent: "Hey, Monsieur Gane, ton fils, il tape les gens maintenant?" (rires) Vous savez, on est fier de notre fils, on l’aime beaucoup notre garçon. Mais, j’aime mes trois enfants. Ciryl, c’est le piment de notre vie. Dire qu’hier [lundi soir], aux répétitions de tam-tam, j’ai reçu des messages de Guadeloupe qui me parlaient de mon fils…