UFC 317: "Ce gamin est une fusée", comment Ilia Topuria tente de convertir l'Espagne au MMA

Une poignée de main chaleureuse, et un shooting photo à deux, la belle ceinture de champion au milieu. Le 27 février 2024, quelques jours après avoir conquis le titre des -66kg de l'UFC en infligeant un KO monumental au champion Alexander Volkanovski, Ilia Topuria rencontrait à Madrid un fan un peu particulier: le Premier ministre espagnol Pedro Sánchez.
Après avoir félicité le combattant de MMA, le chef du gouvernement annonçait même, publiquement, le feu vert pour lui octroyer la nationalité espagnole. Une naturalisation VIP, pour l'une des nouvelles stars du sport ibérique.
Une superstar de l'autre côté des Pyrénées
Né en Allemagne de parents géorgiens, arrivé en Espagne à l'adolescence, Ilia Topuria (28 ans) - qui tentera dans la nuit de samedi à dimanche (à partir de 2h sur RMC Sport 1) de conquérir la ceinture vacante des -70kg contre le Brésilien Charles Oliveira à l'UFC 317 - est en effet devenu en quelques mois l'un des athlètes les plus exposés médiatiquement de l'autre côté des Pyrénées, hors football.
"Ilia Topuria est à la table de Fernando Alonso, Pau Gasol ou Rafael Nadal", osait même Marca après sa victoire contre "Volk", en mettant le "Matador" à la une de son édition papier, un privilège. As, l'autre journal sportif madrilène de référence, en a fait de même le 31 décembre 2024, en clôturant l'année par un entretien exclusif avec le combattant.
Un Topuria qui avait aussi eu droit aux plateaux d'émissions TV généralistes, et à l'ovation de dizaines de milliers de fans au stade Santiago-Bernabéu en donnant le coup d'envoi d'un match entre le Real Madrid, le club qu'il aime, et le Séville FC, où évoluait son grand ami Sergio Ramos, celui qui n'hésite pas à venir le soutenir lors de chacune de ses apparitions dans la cage.
Le signe encore que le "Matador" a réussi à devenir un sportif qui compte en Espagne. En pratiquant pourtant une discipline... qui ne compte pas. Ou ne comptait pas, avant son explosion.
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Il veut ouvrir la voie à la nouvelle génération
Si le MMA a dû attendre 2020 pour être légalisé en France, il y avait déjà avant cela ses combattants et ses suiveurs. En Espagne, la feuille était blanche, ou presque, il y a quelques années encore. "Auparavant en Espagne, le MMA était vu comme quelque chose de dangereux, quelque chose pour les fous", expliquait Ilia Topuria ces derniers jours, avant son choc contre Charles Oliveira. "Ce n'était pas accepté par la société comme un sport. Maintenant, l'histoire est différente. Aujourd'hui, l'Espagne voit vraiment le MMA et l'UFC comme un sport."
Un sport encore mineur, et en quête de très haut niveau. Là où la France compte actuellement neuf combattants à l'UFC (onze il y a quelques semaines encore), l'Espagne n'en a que quatre: Ilia Topuria, son frère Aleksandre en -61kg, Joel Alvarez chez les -70kg, et Daniel Barez chez les -57kg.
Et derrière ces quatre "têtes d'affiche", il faut creuser loin dans les rankings mondiaux pour apercevoir le drapeau rouge et jaune. Rachid El Hazoume (PFL) est classé numéro 175 des -61kg sur FightMatrix, Acoidan Duque (Oktagon, Brave) est 126e des -70kg, Darwin Rodriguez 110e chez les -93kg... Autant dire que le chantier pour avoir un MMA espagnol dense et compétitif est encore immense. Mais Ilia Topuria y travaille. Réellement.
Il y a quelques mois, à la manière d'un Ciryl Gane avec Ares en France, le bourreau d'Alexander Volkanovski et Max Holloway est devenu actionnaire du WOWfc, une organisation de MMA lancée en 2019 chez nos voisins. "Le WOW est la plus grande promotion en Espagne. Ça veut dire beaucoup pour moi d'offrir aux combattants une scène pour réaliser leurs rêves", justifie Topuria.
"Je sais ce dont un combattant a besoin. J'ai dû traverser tellement de choses avant d'arriver à l'UFC, je n'ai pas envie que la nouvelle génération ait à payer le prix que moi j'ai payé."
Topuria, qui a découvert le MMA du côté d'Alicante, sur la côte ouest de l'Espagne, a très vite dû partir combattre à l'étranger (Finlande, Belgique, Colombie, Bahreïn...) pour faire son trou avant de signer à l'UFC. Il espère que le chemin sera plus simple pour la relève. "Je veux leur donner toutes les infrastructures pour qu'ils puissent se concentrer sur ce qu'ils ont à faire: combattre", assure-t-il. "J'ai envie de voir beaucoup de combattants du WOWfc atteindre l'UFC."
"Ilia Topuria n'a pas fait un investissement passif dans l'entreprise. L'un de ses projets est vraiment de créer en Espagne un environnement qui facilite le parcours des jeunes combattants, afin qu'ils puissent atteindre le sommet", saluait en février David Martínez Aldama, l'un des dirigeants de l'organisation, auprès du média économique Palco23.
"En plus d'être un grand combattant, c'est aussi un gars très vendeur"
Selon ses pairs, il y est déjà parvenu en sortant le MMA de l'ombre en Espagne, en impulsant une popularité croissante. S'il est difficile de trouver des chiffres fiables sur le nombre de pratiquants, les témoignages faisant état d'un afflux de novices dans les différentes salles du pays depuis quelques mois sont nombreux.
"Ce gamin est une fusée", saluait Joel Alvarez dès l'été 2023, après le succès de Topuria contre Josh Emmett.
"Il est à l'origine de la forte croissance du MMA en Espagne, en particulier au niveau des fans. En plus d'être le grand combattant qu'il est, c'est aussi un gars qui est très vendeur. Il est un vrai sujet de discussions, il attire de nombreuses personnes qui ne connaissent pas ce sport. C'est génial, et je suis très heureux du travail qu'Ilia fait."
"J'aimerais voir plus de combattants espagnols à l'UFC, ce qui aiderait énormément le marché", complétait Daniel Barez. "Ilia Topuria ou Joel Alvarez ont déjà fait un excellent travail, comme Juan Espino et Enrique Marin qui ont également combattu à l'UFC. Tout le monde a mis son grain de sable pour contribuer à la croissance du MMA en Espagne. Mais certains plus que d'autres..."
L'Espagne attend son UFC, mais le rêve de Santiago-Bernabéu s'est effrité
Pour entrer dans une nouvelle ère, reste une mission à accomplir: faire venir l'UFC en Espagne. Dès sa victoire contre Volkanovski l'an passé, Ilia Topuria avait évoqué son rêve de voir une soirée se dérouler devant 80.000 personnes au Santiago-Bernabéu de Madrid. En avril 2024, le "Matador" s'était même chauffé en évoquant la tenue d'un tel évènement au "premier trimestre 2025".
Et le patron de l'UFC Dana White, très réticent à l'idée d'organiser des cartes dans des stades, avait effectivement ouvert la porte. Avant qu'elle ne se referme. En bonne partie à cause de ce qu'est devenu Ilia Topuria. Trop fort, trop populaire, trop important pour l'organisation, l'Espagnol est aujourd'hui un combattant que l'UFC ne peut mettre que sur un évènement numéroté, en prime-time pour le public américain consommateur de pay-per-view.
"S'ils organisent un événement numéroté en Espagne, il devra avoir lieu à 4h ou 5h du matin pour être diffusé à la télévision américaine, et je ne pense pas qu'il soit possible d'avoir tout le monde debout à une telle heure", glissait Topuria il y a quelques semaines, un brin dépité. "Même en tant qu'athlète, je ne me vois pas combattre à cette heure-là. Je l'ai déjà fait une fois à Abu Dhabi, où nous avions dû nous battre à une heure très tardive. Pour être honnête, je ne veux pas le refaire." Ce week-end, c'est donc à Las Vegas qu'Ilia Topuria tentera de s'offrir le scalp de Charles Oliveira et une nouvelle ceinture. Et ses fans espagnols, de plus en plus nombreux, feront comme le public français: ils mettront leur réveil au beau milieu de la nuit.