UFC Paris 2024: "J'ai affûté toutes mes armes", Taylor Lapilus vise la victoire et le contrat

Taylor, vous étiez pressenti contre le Brésilien Lima et puis finalement ce sera l'Américain Vince Morales. Est-ce que vous avez eu des doutes sur le fait d'être présent sur la carte de cet UFC Paris 2024? Ce combat a un peu été mis à la dernière minute, comment tout ça s'est organisé?
Alors, on nous propose Lima, on dit "oui, pas de problème". Après, le contrat a pris un peu de temps à arriver donc il y avait des incertitudes sur "est-ce que ça va être lui? Est-ce que ça va se faire?" Parce que c'était vraiment anormalement long par rapport aux délais habituels de l'UFC. Finalement, il finit par arriver et puis quelques jours plus tard, on reçoit un message de l'UFC qui nous dit que, malheureusement, il est blessé. Donc ils vont nous chercher un autre adversaire et du coup, nous, on attend. Après, comme c’est l'UFC, on est resté assez confiant, donc je suis resté assez focus sur ma prépa, même si dès le départ, j'avais de l'incertitude sur l’adversaire. Finalement, ils ont réussi... Je crois qu'ils ont eu un peu de mal quand même à me trouver un adversaire, mais ils ont réussi, ils ont signé Vince Morales pour m’affronter.
C’est quand même particulier parce que vous avez fait la majorité de votre prépa sans savoir l’adversaire que vous alliez affronter. Comment on se prépare avec ça, et qu’est-ce que ça a changé dans votre préparation?
Au départ, elle a démarré sur Lima. Après, on a vite senti que Lima ça n'allait pas le faire, donc on a fait quelque chose de très général. Après, psychologiquement, une prépa, il y a des moments où ce n’est pas forcément simple, tu as le régime, tu as la prépa... Et en fait, l’objectif te refocus dessus. Et là, l’objectif n'était pas clair, c’était un peu flou, donc ce n’était pas évident. Mais mes coachs étaient autour de moi, ils m’ont dit de rester focus et c’est ce que j’ai fait, je les ai écoutés. Ils m’ont pas mal aidé là-dessus, notamment mon coach mental, Éric Carra, qui m’a dit "On reste focus". Et en gros on avait la politique de "tant qu’on ne nous dit pas qu’on ne combat pas, on combat". Et c’est ce qui a fait qu'on a continué à rester concentré sur la suite et l’objectif a évolué. C’est-à-dire que là où avant, l’objectif de la prépa c’était de combattre le 28 septembre, et bah du coup on s’est dit "L’objectif va évoluer sur la suite, admettons que ça ne se fait pas le 28, qu’est-ce qu’on veut aller chercher comme objectif en carrière".
Et c'était quoi, vous pouvez nous en dire plus là-dessus?
Ah ça, c'est secret de la team, donc je ne peux pas forcément trop en parler. Et surtout, non pas que je n'ai pas envie de dire les choses, mais malheureusement, j’ai vu comment une phrase pouvait vite être sortie de son contexte. Donc du coup, je préfère garder mes objectifs privés dans le cercle de mon équipe, où on est tous focus et raccord sur les objectifs, mais on les garde pour nous.
Donc ce sera l’Américain Vince Morales. Il a fait un premier passage à l’UFC entre 2018 et 2022, il est passé par les Dana White Contender Series puis depuis, il est à 5-0 dans d’autres organisations et il fait donc son retour. Vous avez souvent eu l’occasion de commenter vos adversaires sur RMC Sport. Vous vous souvenez d'avoir commenté Vince Morales?
Alors, un combat que j’ai commenté, non, pas spécialement. Par contre, je savais qui c’était. C'est-à-dire qu’au moment où on me le propose, je sais qui il est. Je sais qui il est, je connais à peu près son style. Donc voilà, je l’avais déjà vu combattre. Je ne sais pas si je l’ai déjà commenté, en tout cas, je n’en ai pas le souvenir, mais je l’avais déjà vu combattre.
Qu’est-ce que vous pouvez nous dire sur lui et sur ce match-up, stylistiquement parlant? Parce que pour beaucoup de fans qui ne regardent que l’UFC, ils ne savent pas qui c’est...
Stylistiquement, c’est un combattant qui a du cœur. C’est-à-dire que lui, je sais qu’il va arriver pleine bourre et qu’il va vouloir mettre du rythme, mettre du volume, etc. Donc il va falloir contenir tout ça. C'est ces combattants-là qui ne lâchent rien, qui ont beaucoup de cœur et qui mettent beaucoup de rythme dans leurs fights. C’est plutôt un striker, il a un bon jab, il a un bon striking, je trouve. Je le vois meilleur avec les mains. Malgré tout, je pense que c’est plus en anglaise qu’il excelle. Il a aussi des bons étranglements. Le dernier combat qu’il termine, c’est avec un étranglement assez rare. Donc il faudra se méfier aussi de ses soumissions.
Est-ce que son style peut bien vous convenir?
Stylistiquement, en fait, ça dépend de ce qu’on voit. C’est-à-dire que parfois, tu as des combattants qui sont très agressifs, qui sont très rentre-dedans, et c’est intéressant de les avoir parce que, justement, quand tu as un style de contreur et de technicien, tu peux te régaler. Là, c’est un style où il va mettre du rythme, il va vouloir mettre du volume, donc ça peut être une grosse guerre, comme ça peut être aussi un petit peu un jeu d’échecs. Ça va dépendre du Morales qu’on aura dans la cage. Moi, en tout cas, je vais essayer de poser mon jeu et de le forcer à s’adapter à mon style.
L’année dernière, votre retour à Paris avec la musique "Coming Home" était un moment très fort. Tant d’années qu’on attendait de revoir Taylor Lapilus à l’UFC. Est-ce qu’en termes d’émotions, c'est un pic imbattable?
C’est ce que je pense, oui. On m’a posé la question tout à l’heure en conférence, au Media Day, qu’est-ce que ça changeait. Et je pense que j’ai connu, en tout cas pour le moment, mis à part si je combats en main event ou un truc plus gros, mais je pense que là c’était quand même quelque chose de fort. Pour pouvoir réunir tous ces ingrédients-là, c’est compliqué. C’est compliqué: plusieurs années d’absence, la bonne musique qui va bien, le public qui réagit bien, qui se met à chanter avec moi la musique. Enfin, c’est un truc de fou. Jusqu’à présent, j’ai cette entrée en tête où je me dis: "Waouh, j’ai vécu ça." Et à chaque fois qu’on en parle, je souhaite à tout athlète de vivre un tel moment un jour dans sa carrière. Donc pas sûr de revivre ça samedi. Maintenant, voilà, je dis toujours qu’on a le meilleur public du monde, donc je pense qu’ils sauront malgré tout me faire un bon accueil.
A la fin, quand vous arrivez, il y a votre frère qui vous prend dans les bras, ça colle parfaitement à la musique...
Le timing était incroyable, surtout que c’était une surprise pour moi. Je ne pensais pas le voir là. Ce n’est pas comme s’il m’avait dit: "Ouais, t’inquiète, je serai devant", pas du tout. Au moment où j’arrive, je prends ce bain de foule qui est ouf et tu veux rester focus dans ton truc, mais tu ne peux pas ne pas réagir à ça. Et donc j’arrive, tu as un peu les frissons et tout, tu te dis "Waouh, ah ouais, c’est ça." Et puis j’arrive devant la cage, et là je vois mon frère. Donc on se prend dans les bras, tout ça, et tout marchait, tout fonctionnait, le timing était bien.
Vous, les combattants français, vous avez un rapport forcément très particulier avec l’UFC Paris. Est-ce que par rapport à d'autres combats, vous mettez plus de temps à choisir votre musique d'entrée, à vous demander ce que vous pourriez faire pour jouer avec le public?
Paris, ça change tout forcément. C’est-à-dire que là, tu sais que tu rentres dans une salle où le public est avec toi, et non seulement il est avec toi, mais il va te le faire sentir. C’est-à-dire que... tu vas à Abou Dhabi, par exemple. Tu as certains combattants qui ont le public de leur côté, mais il ne se passe rien dans la salle, il n’y a pas d’énergie. Là, non seulement le public est avec toi, mais t’inquiète pas, ils vont te faire sentir qu’ils sont avec toi. Donc du coup, il y a une espèce de jeu un peu différent avec le public, où tu sais qu'ils ont envie de te voir combattre. Je reçois des messages tous les jours de gens qui me disent: "Ouais, on sera là, on va regarder, oui bats-le, gagne". Donc du coup, l’énergie, forcément, elle est différente d’un événement où tu combats ailleurs, aux États-Unis ou je ne sais où.
Revenons au sportif. C'est votre quatrième combat depuis votre retour à l’UFC. On sait que les contrats à l’UFC sont de quatre combats. Est-ce que c’est vous êtes en négociation pour resigner? Est-ce que vous avez l'impression de jouer gros, d’être un peu sous pression, obligé de performer? On se souvient que lors de votre premier passage, vous étiez à trois victoires et une défaite, et l’UFC ne vous avait pas resigné...
Je me situe bien. Je prends les étapes les unes après les autres. C’est-à-dire que pour le moment, il faut bien se dire que, il y a quelques semaines, je n’étais même pas sûr de combattre, parce qu’on avait du mal à me trouver un adversaire et que c’était un peu bancal. Donc on m’a confirmé ma présence sur la carte. Maintenant, je dois combattre, gagner. Et ensuite, après, on aura le temps de voir. Je laisserai mon manager gérer ça avec l’UFC. Les négociations n’ont pas encore eu lieu, donc je laisserai mon équipe gérer tout ça.
Vous pensez que ça va le faire, que cette aventure à l’UFC va se poursuivre?
Ouais, je pense que ça va le faire. L’UFC n’a rien à voir avec celle de 2015-2016, le combattant que je suis également n’est pas le même qu’en 2015-2016. Donc après, oui, moi le feeling que j’ai, je suis assez confiant. Maintenant, faut quand même gagner, c’est mieux, ça rend plus confiant encore, mais je suis assez confiant sur la suite.
Effectivement, le Taylor Lapilus de 2015-2016 n’est pas du tout le même que celui qu’on voit aujourd’hui dans la cage de l’UFC. Mais le Taylor Lapilus d'il y a un an n’est peut-être pas le même que celui qu’on va voir samedi. À quel point avez-vous l’impression d’avoir évolué ?
J’ai évolué un peu partout. C’est-à-dire que j’ai évolué psychologiquement, mentalement, physiquement. J’ai changé mes routines d'entraînement, je m'entraîne beaucoup plus qu’avant, et mieux je pense qu'avant. Je bosse aussi beaucoup plus sur l’aspect psychologique qu’avant. Il y a aussi l’aspect nutritionnel, tout ça... Là, je suis encadré au quotidien par le nutritionniste de l’UFC. J’ai l’impression que progressivement, je commence à récolter les fruits de tout ça. Je pense qu’on n’a pas encore le "bon Taylor", on n’a pas encore atteint la version finale, mais je pense que ça ne va pas tarder.
Et sur le plan purement technique, sportivement, vous avez l’impression d’avoir progressé dans quels domaines? Si on reprend par rapport à l’année dernière, l’UFC Paris, en quoi êtes-vous différent?
J’ai la sensation d’avoir progressé partout. Dans ma vision du sport, ma compréhension. J’ai progressé dans ma lutte, mon sol, mon striking. J’ai l’impression d’avoir affûté encore plus toutes mes armes. J’ai des bonnes mains, mais on a vraiment tout travaillé. Donc j’ai le sentiment d’avoir tout bossé. Et franchement, je me sens bien. On a fait un bon camp d'entraînement, on a eu de bonnes sensations, de bons résultats pendant ce camp.
Même en gagnant le combat, on peut se blesser et devoir aller à l’hôpital. Est-ce que ça ne vous met pas une forme de pression en plus d'entendre tout le monde vous demander si vous allez commenter les autres combats après le vôtre?
Ce que je me dis, c’est qu’ils aiment beaucoup mes commentaires déjà. Après, je pense que c’est un truc tellement original, je ne sais pas si ça a déjà été fait. Du coup, les gens se posent la question. C’est un fait marquant: il a combattu et il est allé commenter. Alors, ils se demandent si je vais remettre le couvert cette année. C’est une question qu’on me pose beaucoup, même l'UFC me l’a posée.
Vous représentez beaucoup plus l’UFC aujourd’hui que durant votre premier passage. Symboliquement, vous êtes l’un des visages du MMA français, le consultant phare de la chaîne qui diffuse l’UFC en France, vous représentez plus qu’un combattant pour eux. Vous les ressentez?
Oui, clairement, je le ressens et je le vois. L’UFC a fait des pieds et des mains pour me maintenir sur la carte. Honnêtement, ils auraient pu juste dire: "Ok, on rebooke ailleurs." Il y a eu pas mal de combattants de ma catégorie qui ont eu des soucis récemment, et tous ont été rebookés. Moi, j’ai eu la sensation qu’il y a eu une vraie prise de tête pour me maintenir. Même quand la situation semblait un peu délicate. Ils ont toujours été dans la même ligne de conduite, disant: "Non, non, il va combattre." À la fin, ils ont même signé quelqu’un pour m’affronter, donc c’est assez révélateur. Bien sûr, la vérité d’aujourd’hui n’est peut-être pas celle de demain, mais je sens qu’il y a plus de considération pour moi maintenant qu’en 2015 ou en 2016
Votre catégorie des -61kg est considérée comme l’une des meilleures, voire la meilleure à l’UFC en termes de densité de combattants. Vous êtes d'accord avec ça?
Oui, je le pense aussi. Quand je le dis, on me répond souvent que je ne suis pas objectif. Je pense vraiment que c’est actuellement la catégorie la plus relevée. C’est une catégorie compliquée, celle des -61kg. Avant, il y avait un peu plus de place, mais aujourd’hui, elle est très dense. Il y a des combattants très talentueux qui ne sont même pas dans le top 20, voire le top 30, mais qui restent difficiles à affronter. Plus que jamais, je maintiens que cette division est la plus relevée actuellement.
Et cette division a un nouveau champion depuis quelques jours avec Merab Dvalishvili. Qu'est-ce que vous pensez de lui? C’est 11 victoires de suite...
Si vous regardez mon analyse sur "La Carte" de RMC Sport, c’est exactement ce que je voyais. Je voyais vraiment une victoire de Merab. Après, je pensais que ça allait être un peu plus difficile dans les deux premiers rounds, parce que pour moi, c’était indéniable qu’il allait prendre des coups et qu’il fallait juste survivre aux frappes de O’Malley. Mais là, il n’y en a même pas eu. Donc du coup, voilà, pas de surprise, ça s'est globalement passé comme je l'avais en tête: c'était soit il le connecte au premier ou au deuxième round, sinon ça allait être une soirée difficile.
Il peut régner longtemps Merab?
Umar (Nurmagomedov, NDLR) pourrait peut-être poser un problème, quand même, c'est le même style. Avec un striking peut-être un peu plus complet. Et puis un grappling très élevé également, donc ça pourrait être une vraie compétition entre les deux. Après, Merab est champion, et peut-être que ça lui apportera quelque chose en plus sur la gestion de l'événement, du stress... Il faut voir aussi comment il gère le fait que Khabib (Nurmagomedov, NDLR) sera probablement dans son coin. C’est indéniable que les mecs qui ont Khabib dans leur coin, en face, t'en as certains qui tremblent un peu. Il a un peu cet effet-là, c’est indéniable. Quand tu vois Khabib dans le coin, ça peut faire perdre des moyens à certains athlètes. Je pense que c'est ce qui est un peu arrivé à Sean Brady, par exemple, lorsqu'il a affronté Belal Muhammad. Donc voilà, il faudra peut-être gérer aussi cette donnée-là, mais il est champion, donc à voir.
Samedi soir à l'Accor Arena, Taylor Lapilus contre Vince Morales, ça se termine comment, ce combat?
Par une victoire de Taylor Lapilus!