UFC Paris 2024: "J'ai du sang dans la bouche", Nora Cornolle prête à tout dévorer dans la cage de Bercy

Nora, vous deviez initialement affronter Germaine de Randamie, ancienne championne UFC, qui vient du pieds-poings comme vous, et ça s'annonçait comme une guerre phénoménale. Finalement, vous vous retrouvez face à Jacqueline Cavalcanti. Il y a une histoire entre vous deux, on va en parler, mais êtes-vous un peu déçue de ne pas affronter Germaine?
Bah oui, je ne vais pas mentir, je suis complètement déçue. Vraiment très déçue. Comme je le dis à chaque fois, ma plus grande crainte, ce n'est même pas que je me blesse, mais que mon adversaire se blesse. Et quand j'ai appris ça, je me suis dit... Mon manager m'a appelée à 8h du matin, je me réveille, je me dis "non, je n'ai pas envie de répondre", parce qu'il ne m'appelle jamais à 8h du matin. Il insiste, et je me dis "non, je ne veux pas entendre ça". Franchement, j'en ai pleuré. Germaine, c'est quelqu'un... Ceux qui connaissent le sport savent à quel point c'est incroyable. Comme je l'ai dit, c'est aussi une question de prendre des noms. Germaine, Holly Holm, que je n'aurai peut-être jamais l'occasion d'affronter non plus. Et puis il y a Miesha Tate. Ce sont vraiment des combattantes, des femmes qui ont marqué la catégorie, qui ont marqué l'histoire de l'UFC. Elles sont là depuis un moment.
C'était pour le nom aussi, donc pour le statut qu'elle a, mais aussi parce que le match-up vous plaisait, non?
Oui, parce qu'effectivement elle vient du pieds-poings, comme moi. Je n’ai jamais eu l'occasion de la rencontrer en pieds-poings et c'est vrai qu'en termes de style, j'aurais bien aimé voir ce que ça donne. Qui aurait été plus "MMA", entre guillemets. Est-ce qu'on serait restées debout? Et puis oui, tester mon pied fort contre le sien, quoi. Ce n’est pas n'importe qui, tu te testes au plus haut niveau, ça me mettait des étoiles dans les yeux. Moi, je voulais vraiment qu'on se casse la gueule, quoi. Mais bon, voilà, j'espère qu'elle se remettra vite. Elle s'est cassé les pieds... Enfin, je ne sais pas, des doigts...
C’est encore un combat qui vous intéresse pour plus tard?
Oui, en espérant qu'elle reste dans le classement, parce que si elle sort du classement... Bon, voilà, c'est ça mon objectif premier. Ça reste quand même de monter dans le ranking et d'aller chercher ce "title shot". Si je dois faire un choix entre les deux, parce que je n’ai plus 20 ans non plus, il faut aussi choisir ce qui nous importe le plus.
Vous serez donc face à Jacqueline Cavalcanti, avec qui il y a une histoire. C'était votre premier combat de MMA et votre seule défaite pour l’instant en carrière. Vous aviez dit l'an dernier: "Moi, ce que j'aimerais, c'est la retrouver au sommet." Comment vous vivez le fait de la retrouver maintenant, aussi vite?
Honnêtement, on avait d'autres noms en tête. Je ne vais pas mentir, on avait d'autres noms en tête, et des noms classés forcément. Parce que vraiment, j'avais déjà ma route avec le deuxième contrat et compagnie. Je me dis, à la fin du deuxième contrat, la logique voudrait que si je bats telle et telle, à un moment, la logique veut que j'accède à une place de challenger et que je puisse prétendre au titre. Sauf que là, elle n'est pas classée, moi je suis plus proche du top 15 qu'elle, même si c'est à quelques places près, ça compte en fait. Mais, je ne suis pas dégoûtée maintenant, c'était soit je prends Jacqueline, soit je ne suis pas à l'UFC Paris. Le choix est vite fait. Ça fait deux mois que je suis en camp. Si je dois combattre n'importe qui, je combats. Forcément, j'avais un stress par rapport à Germaine, mais là tout le monde a du stress. Mais c'est un stress d'ordre différent pour Jacqueline.
Plus de pression?
Je ne sais pas justement, en fait. Parce que Jacqueline, je ne pense pas qu'elle soit plus forte que Germaine. Mais par contre, à cause de l'antécédent, je ne laisse vraiment pas du tout place à la défaite. Enfin, bien que je ne laisse jamais place à la défaite. Mais là, c'est non, ce n’est pas possible. Je ne peux pas perdre deux fois contre la même fille... Et puis, on est vraiment sur la même lignée, on a signé en même temps, on a commencé en même temps. On vient des mêmes sports debout, du pieds-poings, et on a les mêmes objectifs. Donc, c'est un peu à qui prendra la place de qui. Et qui laisse l'autre derrière. Donc qu'elle me mette une vitesse? Non, non, non, on ne me met pas de vitesse.
Vous avez l'impression d'avoir plus évolué qu'elle en tant que combattante de MMA, depuis ce premier combat ensemble?
De ce que je peux voir de ses combats, de ce qu'elle fait dans la cage, ce que je peux produire dans la cage, oui, je pense. Je pense que j'arrive mieux à m'exprimer maintenant, en termes d'évolution. Même si je ne la vois pas au quotidien, je dois vraiment me focaliser sur moi. Ma marge de progression? Elle est incroyable. Vraiment, pour que je le dise de moi-même, c'est que je m'en suis rendu compte et que, bien sûr, mes coachs me l'ont dit. C'est le jour et la nuit avec la combattante que j'étais l'année dernière, par exemple. Je suis devenue beaucoup plus complète. Avec Johnny, avec Diego, on a bossé tous les aspects lutte que je n’avais pas forcément, vu que je viens du striking. Surtout les transitions, parce que l'année dernière j'étais avec trois coachs différents pour trois niveaux différents, alors que là, il y a Johnny qui peut visualiser le tout et assembler les pièces du puzzle.
Vous vous sentez dans le cadre parfait pour progresser encore plus vite avec votre team?
Franchement, oui, pour moi, je suis dans le cadre parfait. Moi, c'est vrai que j'ai un objectif: quand je rejoins une team, c'est pour ne pas la lâcher. Quand je commence, j'aime bien écrire l'histoire avec. Après, parfois il y a des choses qui ne fonctionnent pas, ce qui fait que je n’ai pas gardé ma première team. Mais là, vraiment, je sens que, comme je le dis souvent, c'est bien d'être en accord au niveau sportif, mais il y a tous les autres niveaux qui comptent en fait. Et avec Johnny, en fait, c'est le côté humain. Quand tu as des bonnes personnes en face de toi, qui veulent ton bien autant que tu veux le leur, et qui voient vraiment ce côté où on va aller chercher quelque chose ensemble. Sans intérêt autre que d'aller chercher ce qui nous revient à nous en tant que team. C'est vraiment notre clan.
Niveau évolution depuis le dernier UFC Paris, où vous situez-vous?
Je pense que je n'en suis qu'à la moitié, un petit 50%. Et si je continue à m'entraîner de la sorte et à réussir à maintenir ma santé, il n’y a rien qui peut m'arrêter, je pense. Sauf si un matin je me réveille et je me dis "oh, je n'ai plus envie", mais on n’en est pas du tout là. J'ai des grandes ambitions à l'UFC et je compte bien les atteindre.
Si vous battiez Germaine de Randamie, vous étiez dans le top 15, peu importe la manière dont vous gagniez. Jacqueline Cavalcanti est plutôt derrière vous. Si on regarde le classement, il va falloir mettre un point d’exclamation pour pouvoir rentrer dans le top 15, donc la manière risque de compter...
Aujourd'hui, pour être très honnête, je n'ai aucune idée de ce que sont les projets de l’UFC pour moi, comment ils m'apprécient et comment ils ont envie de me voir dans le classement. Je vois comment les classements peuvent bouger, et je ne comprends pas toujours. Bon, forcément, il y a des fights qui ont lieu, donc les classementsbougent un peu. Par exemple, quand on m'a proposé Germaine, elle était 15, là elle est passée 13. Donc, j'étais trop bien: deux places, c'est deux places. Et je vois qu'en numéro 15, ils ont mis Perez, qu'ils ont mis plus en avant que moi sur la carte, ce que je ne comprends pas forcément, sachant qu'aux dernières nouvelles, quand j'avais regardé, elle était dix places en dessous de moi. Et là, ils la mettent top 15 et je ne comprends pas. C'est pour ça que je n'arrive pas à percevoir la logique, si ce n'est les critères extra-sportifs qu'on ne quittera plus de toute façon. Que dire? Il va falloir taper tout le monde, hein...
Une semaine après votre combat, il y a le titre de votre catégorie entre la championne Raquel Pennington et Julianna Peña. Elle n'a pas combattu depuis deux ans, elle sort d’une défaite, mais elle est quand même annoncée pour le titre. C'est le signe d'une catégorie très ouverte où les grands noms sont plutôt sur la fin. On a Kayla Harrison qui sera sur la même carte, qui est la star. On sent clairement que l'UFC veut la faire monter et que le combat d'après, si elle gagne, là ce sera pour le titre. Comment analysez-vous votre catégorie?
Il y a la place pour monter vite. Maintenant, clairement, il y a toujours des choses qui peuvent arriver ou peuvent être entre guillemets, empêchées. On fait souvent des prédictions pour certains, mais la réalité c'est qu'on ne sait pas ce qu'il y a dans la tête des matchmakers de l’UFC. Pour beaucoup, Manon (Fiorot, NDLR) aurait déjà dû combattre pour le titre. Et on voite le temps que ça a pris... Normalement, on voudrait qu'elle combatte contre Valentina, ce qui serait la logique des choses et la logique des événements. Mais maintenant, ça fait dans son sac. Donc je ne sais pas comment ils pensent. Pour en revenir à ma catégorie, c'est effectivement pour faire monter Kayla. Elle a battu Holly (Holm, NDLR) et a été propulsée directement pour combattre sur la même carte que pour le titre. Maintenant, est-ce qu'ils vont laisser faire? Si je ne fais pas de call-out, ça ne suffit pas de vouloir combattre. Il faut que l’UFC le veuille aussi. C’est qui ils veulent préserver, qui ils veulent challenger, qui ils veulent faire monter. Donc, pour l'état de la catégorie, je dirais que c'est ouvert, parce qu'il y a beaucoup de noms poussiéreux et de personnes qui n'ont plus rien à faire dans le classement. Que ce soit moi, Jacqueline ou même Ailin (Perez, NDLR), c’est top d'avoir la revanche à Paris. Même si c'était dans les Yvelines la première fois, là c'est Paris, c'est Bercy, c'est l'UFC, c'est le public avec moi. Pour notre premier combat, il n'y avait pas de public, mais voilà, ce n'est pas à la hauteur de la valeur qu'on a vraiment.
Quand vous voyez Pennington et Peña, vous vous dites que vous êtes à leur niveau?
Je trouve que Pennington n'est pas incroyable, et Peña encore moins. Ce qui est chiant chez Peña, c'est sa taille, ça peut partir n'importe comment, mais pour moi, c'est une nana qui, sans lui manquer de respect, ne sait pas boxer. Concernant Raquel, j'avoue que je ne me suis pas encore intéressée de fou à son style, mais je crois qu'elle est bien partout sans être impressionnante. La seule chose que je me dis, c'est qu'elles ont plus d'expérience. C'est une réalité. La différence entre elles et moi, c'est qu'il y en a qui sont dans le game depuis 10 ans. Moi, je suis arrivée depuis trois pauvres années. J'essaie encore de gérer les règles. Je me dis que c'est l'expérience qui peut me faire avoir des surprises. Mais sinon, franchement, par rapport à mes armes, j'ai des armes qu'elles n'ont pas.
Quand vous vous projetez un peu, si tout va bien dans votre plan et que les victoires s'enchaînent, vous vous dites que quand arrivere le moment d'être challenger, la championne, ce sera sans doute Kayla Harrison?
Oui, je me suis dit ça avec mon coach. De toute façon, quand on se prépare pour un combat, je vais vous dire franchement, on se prépare pas pour la combattante. Comme pour le changement de Germaine à Jacqueline, je me prépare pour tout le monde. Je me prépare à être meilleure partout. Après, c'est de l'adaptation de stratégie. Soit tu arrives, soit tu n'y arrives pas, soit tu peux te faire surprendre sur un moment. Mais au quotidien, je travaille pour aller au plus haut niveau et être le plus complète possible, que ce soit dans l'adaptation au striking, dans la lutte ou au sol. C'est vraiment être armée partout et avoir toutes les solutions pour battre tout le monde.
Et si c'était Kayla Harrison, ça vous donnerait envie comme confrontation finale que la boss finale, ce soit une double championne olympique de judo ?
C'est marrant, parce que je la vois vraiment comme ça, le "final boss", avec son physique impressionnant. On va être honnêtes, si elle a des gènes incroyables, tant mieux pour elle. Mais l'idée que ce soit elle, forcément, ça me pousse à réfléchir à la stratégie pour la battre. C'est comme une clé d'énigme, même si ce n'est pas une grande énigme. On voit son style, on voit ses points forts, mais il y a aussi beaucoup de points faibles. Donc ouais, c'est intéressant à visualiser, vraiment très intéressant.
Est-ce que l'ultime truc, Manon Fiorot championne et Nora Cornolle championne, pourrait être le main event de l'UFC Paris 2026, avec Fiorot contre Cornolle?
Ce serait incroyable. Franchement, ce serait incroyable. Ah ouais, j'aime le scénar'. Et vu qu'elle a parlé de la catégorie des -61kg à un moment, c’est évident. Je pense que le public serait fou. Ça veut dire que toutes les deux, on a réussi à faire le taf dans nos catégories, il n’y a plus de discussion. Le seul scénario possible pour affronter les deux femmes les plus fortes dans ces catégories, ce serait les deux Françaises. Pour la France et pour le MMA français féminin, ce serait énorme. Totalement, grave, ramenez ça au Stade de France.
Samedi soir, ouverture pour les Français à l'Accor Arena de Bercy. Nora Cornolle contre Jacqueline Cavalcanti, comment ça se termine?
Un KO au deuxième round, ce serait intéressant. C'est dans le domaine du fantasme, mais ce n'est pas que du fantasme. On met des choses en œuvre et des projets en place. Je sais qu'avec Jacqueline, ce qui m'excite particulièrement, c'est que je sais qu'elle s'est préparée dur. Ce n'est pas comme des frustrations que j'ai pu avoir quand j'étais dans d'autres organisations où tu ne sais pas trop si les filles ont bossé à fond ou si ça va être, sans leur manquer de respect, un peu facile. Mais là, je sais qu'elle s'est entraînée dur, je me suis entraînée dur, et on va livrer une guerre atomique, j'en ai la certitude. Après, ça reste un sport de combat. N'importe qui peut se faire surprendre dans les premières minutes, ce serait dommage. Mais vraiment, ce sera une guerre atomique. Et je vous confie quelque chose: j'ai du sang dans la bouche depuis deux semaines. Je suis focus comme je ne me suis jamais sentie. Ça fait longtemps que je me lève avec cette impression d'être drivée par quelque chose d'inhumain, comme si je n'étais pas moi-même.