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Un seul œil et une allure terrifiante: pourquoi le "pirate" de l'UFC Sharaputdin Magomedov suscite autant de hype

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Placé sur la carte principale de l'UFC à Abu Dhabi ce samedi (à partir de 21h sur RMC Sport 1), le striker daghestanais Sharaputdin Magomedov tentera de rebondir contre le Canadien Marc-André Barriault en -84kg, après avoir concédé en février sa première défaite en carrière. Un revers qui n'a pas spécialement entamé la hype du Russe. Avec son allure effrayante et son style atypique dans la cage, le "pirate" - qui combat avec un oeil en moins - suscite toujours un fol engouement.

Sa nette défaite contre Michael Page en février a légèrement refroidi ceux qui le voyaient déjà grimper vers les sommets et se battre prochainement pour une ceinture. Pourtant, la hype n'est pas vraiment retombée. Alors que l'UFC s'est installée cette semaine à Abu Dhabi pour un choc entre l'ancien champion des -84kg Robert Whittaker et Reinier de Ridder (samedi, à partir de 21h sur RMC Sport 1), un autre combattant de la carte fait énormément parler de lui sur les réseaux sociaux: le "pirate" Sharaputdin Magomedov.

Depuis le début de la semaine, on a vu sa longue barbe et sa tignasse rousses à peu près partout: arrivant à l'hôtel, prenant la pause pour des selfies, signant des posters... À 31 ans, le combattant russe n'est pourtant pas classé dans le top 15 des poids moyens de l'organisation. Mais comme avant chaque combat, une vague d'enthousiasme accompagne sa fight week. Et l'UFC le sait, puisqu'elle l'a placé en troisième position de sa carte principale aux Émirats, face au Canadien Marc-André Barriault.

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Un handicap visuel qu'il a surmonté

Il faut dire que le garçon a pour lui plusieurs atouts: une communauté de fans plutôt immense pour son CV (1,8 million d'abonnés sur Instagram), une histoire singulière et ce physique qui, forcément, interpelle. Il y a les cheveux et la barbe, oui, il y a cette dent en moins façon hockeyeur, mais il y a aussi cet œil droit, écorché, dysfonctionnel, qui a contribué à sa renommée. Le "pirate" a bien deux bras et deux jambes, mais il est borgne, et doit donc combattre au plus haut niveau avec un réel handicap.

"Shara" Magomedov en a plusieurs fois raconté l'origine. Blessé à l'œil en 2016 lors d'un entraînement en Thaïlande, et mal soigné sur le coup, le combattant a dû subir huit interventions en l'espace d'un an et demi pour tenter de le sauver. "Avant la première opération, j’étais surtout effrayé par le fait de recevoir une piqûre dans l’œil", expliquait-il dans une interview à Athletistic en 2022. "J’avais regardé des vidéos, c’était le truc le plus effrayant au monde. Et donc il y a eu plusieurs interventions, à chaque fois avec une injection. Vous êtes sous anesthésie locale, mais vous sentez tout." Malgré les nombreuses heures passées sur la table, rien n'y a fait: son œil était mort. Pas sa carrière.

Inspiré par le parcours de Michael Bisping ("Il est beaucoup plus facile de suivre le chemin de quelqu'un que d'errer dans l'obscurité", dira-t-il), ancien champion des -84kg de l'UFC qui a lui-même pris la ceinture et terminé sa carrière avec un œil très endommagé, Magomedov s'est accroché à son rêve.

Un Daghestanais qui ne sait pas lutter

De la Chine à la Thaïlande en passant par le Brésil et la Russie, "Sharabullet" a lancé sa carrière pro sur une folle série de 10 KO/TKO sur ses 11 premiers combats, la plupart au premier round, sur des finitions spectaculaires. Car s'il est originaire du Daghestan, fief de Khabib Nurmagomedov et d'Islam Makhachev, deux lutteurs d'exception, Magomedov est lui un pur striker, biberonné au muay thaï et au lethwei. En partie à cause d'une histoire... de cheveux, encore.

Il y a quelques mois, le middleweight a raconté à des médias russes qu'il a bien essayé de s'entraîner plus jeune dans la salle d'Abdulmanap Nurmagomedov, père et mentor de Khabib. Sans y rester bien longtemps. "Il m'a dit qu'il y a trois choses importantes pour un athlète: la coiffure, ne pas sortir la nuit, et arriver à l'entraînement à l'heure", se souvenait-il. "Abdulmanap m'a dit: 'Tu dois te raser la tête'. Mais moi j'ai toujours eu les cheveux longs depuis l'enfance. Je n'ai pas compris sur le coup le message."

Une agression "virale" dans un centre commercial

Peu importe, le style flashy de Magomedov, sa garde basse (voire inexistante) et ses fulgurances ont fait de lui une attraction sur les chaînes YouTube russophones, jusqu'à attirer l'attention de l'UFC, qui lui fera signer à 11-0 son premier contrat en 2023. À peu près au même moment, une affaire extrasportive aurait pourtant pu lui coûter cher: une altercation avec un couple dans un centre commercial qui s'est terminée en agression. Avec le combattant dans le rôle de l'agresseur.

La séquence, captée par des caméras de vidéosurveillance et largement relayée sur les réseaux sociaux, a valu des poursuites à Magomedov. Mais elle a aussi contribué, d'une certaine façon, à sa renommée. "Le dossier est fermé mais la vidéo est toujours virale", réagissait-il en 2024, sans exprimer de regrets particuliers. "Beaucoup de gens m’ont reconnu dessus. C’est comme ça, c’est arrivé, il y a des caméras partout, toute situation comme ça peut devenir virale…" Il en fallait plus de toute manière pour refroidir l'UFC, qui ne compte pas que des enfants de chœur dans ses rangs, et pour qui tout bad buzz... est avant tout un buzz.

Des débuts laborieux, mais un KO d'anthologie contre Petrosyan

Depuis ses débuts dans l'organisation, le "pirate" l'a toutefois joué bon élève. Plutôt respectueux avec ses adversaires, ambitieux mais pas forcément provocateur (il ne parle de toute manière que très peu anglais), celui que l'on avait vendu comme un tueur en devenir est même apparu un peu timoré dans la cage. Ses trois premiers combats (deux victoires par décision contre Bruno Silva et Michal Oleksiejczuk, une par TKO contre Antonio Trocoli), plutôt laborieux malgré les bonus distribués, n'ont pas calmé les ardeurs de ses fans, mais ont pu interroger sur son véritable potentiel.

"C’est un bad boy. Il a vraiment montré que c’était un dur pour son premier combat à l’UFC", déclarait à son sujet Dana White en octobre 2023.

Avant de prévenir: "Par contre, je n’arrive pas à comprendre comment il peut venir du Daghestan et n’avoir aucune défense de takedown. (...) J’aime bien ce gamin. Je ne sais pas s’il représente le futur de ce sport, mais ce dont je suis sûr, c’est qu’il a un avenir ici. Mais il doit travailler sur sa défense de takedown. À l’UFC, il faut avoir la panoplie complète. On a vu qu’il est sacrément bon en pieds-poings, qu'il manie bien les coups de coude, mais il doit s’améliorer en lutte. Sinon, il va vite être battu ici."

Cela n'a pas empêché Shara Magomedov de signer l'un des KO de l'année 2024 lors de son quatrième combat, en terrassant Armen Petrosyan d'un double coup de poing retourné. Une performance qui a gonflé un peu plus sa hype, avant le retour sur terre, donc, début 2025. Malade - selon ses dires - au moment de défier Michael Page, Magomedov a été surclassé pendant trois rounds par le remuant Britannique. Une première défaite en carrière (15V, 1D), qu'il espère faire oublier ce samedi contre un Barriault (35 ans, 17V, 9D, 1NC) à sa portée, et devant un public acquis à sa cause, comme toujours au Moyen-Orient.

Condamné à combattre en dehors des États-Unis?

Il n'a pas échappé aux observateurs que depuis son entrée à l'UFC, Sharaputdin Magomedov n'a en effet jamais combattu ailleurs qu'aux Émirats arabes unis ou en Arabie saoudite. Et contrairement à un Khamzat Chimaev, un temps interdit de sol américain pour ses relations avec le leader tchétchène Ramzan Kadyrov, c'est son handicap visuel, selon l'organisation, qui ne lui permettrait pas d'obtenir le feu vert des commissions athlétiques américaines pour entrer dans la cage.

"Est-ce qu'il pourra venir aux États-Unis? Probablement pas", avait lancé Dana White à son sujet.

Le combattant assure pourtant l'inverse. "On m'a dit que je ne serais pas autorisé à combattre dans certains États, mais que je pourrais le faire dans d'autres. Il faut juste me placer sur les cartes au bon moment", indiquait Magomedov à l'été 2024 à Red Corner MMA. Avant d'ajouter: "Je privilégie toujours mes fans de Russie, du Caucase, donc combattre sur leur fuseau horaire me va très bien. Si je me bats aux États-Unis, mes fans devront se lever très tôt et mes hommes de coin ne pourront pas se rendre sur place car beaucoup d'entre eux n'ont pas de visa." C'est donc reparti pour un tour à Abu Dhabi.

https://twitter.com/clementchaillou Clément Chaillou Journaliste RMC Sport